Imaginez : chaque mois, vous payez tranquillement votre abonnement musical préféré depuis votre téléphone. 9,99 €, 10,99 €, parfois un peu plus. Et si je vous disais qu’une partie de cette somme, parfois jusqu’à trois euros, finissait directement dans la poche d’Apple sans que vous en ayez vraiment conscience ? C’est exactement ce que reproche aujourd’hui une grande association de consommateurs au géant de Cupertino.
Franchement, quand on y pense, ça fait un peu grincer des dents.
Une action de groupe qui peut changer la donne pour des millions de Français
Le 7 novembre dernier, une assignation a été déposée au tribunal judiciaire de Paris. L’objectif ? Obtenir le remboursement du trop-perçu pour tous les abonnés ayant souscrit à un service de streaming musical via l’App Store entre 2011 et 2025. Oui, vous avez bien lu : potentiellement quatorze années de surfacturation.
L’association à l’origine de cette démarche estime que le système de paiement imposé par Apple a mécaniquement fait grimper les prix payés par les utilisateurs d’iPhone et d’iPad. Le mécanisme est connu depuis longtemps dans le milieu tech, mais le voir attaqué frontalement devant la justice française, c’est une autre histoire.
Comment Apple faisait payer plus cher (sans que vous vous en rendiez forcément compte)
Le principe est assez simple, même s’il a longtemps été présenté comme une simple « commission technique ».
Lorsqu’un utilisateur souscrit ou renouvelle son abonnement directement depuis l’application installée sur son iPhone, le paiement passe obligatoirement par le système d’Apple. Et ce système prélève automatiquement 30 % de commission les premières années, puis 15 % ensuite pour les abonnements longue durée.
Pour compenser cette ponction, les plateformes de streaming n’avaient pas d’autre choix que d’augmenter leurs tarifs… uniquement pour les clients passant par l’App Store. Résultat : le même abonnement coûtait souvent 1 à 3 euros de plus par mois quand il était pris depuis un appareil Apple.
« Les consommateurs français ont subi un préjudice économique, du fait du surcoût payé chaque mois »
– Communiqué de l’association à l’origine de l’action
Et le pire dans tout ça ? Les règles d’Apple interdisaient purement et simplement aux applications d’informer les utilisateurs qu’un abonnement moins cher existait sur leur site web. Vous cherchiez le meilleur prix ? Tant pis, vous ne pouviez pas le savoir depuis votre téléphone.
Des exemples concrets qui parlent d’eux-mêmes
Prenons un cas concret. Il y a quelques années, l’abonnement premium individuel d’une grande plateforme suédoise coûtait 9,99 € sur son site internet. Le même abonnement, pris depuis l’application iOS ? 12,99 €. Trois euros de différence, chaque mois, pendant des années pour certains.
Même chose pour une autre application française très populaire : la différence a perduré jusqu’en 2024 selon les observations de l’association. Et je ne parle même pas des offres famille où l’écart pouvait atteindre 5 euros mensuels.
- 2011-2016 : différence jusqu’à 3 € sur la plupart des gros services
- 2016-2021 : certaines plateformes contournent partiellement le problème
- 2021-2024 : d’autres appliquent encore la majoration
- 2025 : les nouvelles règles européennes commencent à changer la donne
Multipliez ça par douze mois, puis par plusieurs années, puis par des millions d’utilisateurs… on parle rapidement de centaines de millions d’euros.
Pourquoi maintenant ? L’amende européenne a tout changé
Il faut dire que le timing n’est pas innocent. En mars 2024, la Commission européenne a infligé à Apple une amende record de 1,8 milliard d’euros précisément pour ces pratiques sur le marché de la musique en streaming.
Les autorités européennes ont estimé qu’Apple abusait de sa position dominante en empêchant les applications de diriger les utilisateurs vers des offres moins chères hors de son écosystème. Une décision qui fait jurisprudence et qui donne aujourd’hui des ailes aux associations de consommateurs.
D’ailleurs, Apple a beau avoir fait appel de cette sanction, les faits sont là. Et les nouvelles règles du Digital Markets Act (DMA) imposent désormais à l’entreprise d’ouvrir davantage son système de paiement. Mais pour les années passées ? Rien n’est prévu automatiquement.
Apple se défend… mais l’argumentaire commence à sentir le réchauffé
De son côté, le géant américain ne compte pas se laisser faire. Un porte-parole a rapidement qualifié l’action de « sans fondement » en mettant en avant la concurrence florissante du marché européen de la musique numérique.
On connaît la musique : Apple répète depuis des années que sa commission finance la sécurité et la qualité de l’App Store, et que de toute façon certaines plateformes ne passent plus par son système de paiement depuis longtemps.
C’est partiellement vrai. Certaines grandes applications ont effectivement arrêté de proposer la souscription in-app pour éviter la commission. Mais pendant combien d’années les utilisateurs ont-ils payé le prix fort sans le savoir ? C’est là toute la question.
Et vous, êtes-vous concerné ? (Probablement oui)
Si vous avez déjà souscrit ou renouvelé un abonnement musical directement depuis l’application sur votre iPhone ou iPad entre 2011 et 2025, il y a de fortes chances que vous ayez payé plus cher que nécessaire.
Pas besoin d’avoir gardé toutes vos factures. L’action de groupe vise justement à simplifier les démarches : si l’association obtient gain de cause, un mécanisme d’indemnisation collectif pourrait être mis en place.
Et honnêtement, vu le montant de l’amende européenne et les précédents dans d’autres pays, ça sent plutôt bon pour les consommateurs cette fois-ci.
Ce que cette affaire dit de plus grand sur les géants du numérique
Au-delà de l’aspect financier, cette procédure pose une question de fond : jusqu’où les plateformes dominantes peuvent-elles imposer leurs règles au détriment du consommateur ?
L’App Store, c’est 1,8 million d’applications et des milliards de dollars de transactions chaque année. Une commission de 30 % (ou même 15 %) sur chaque abonnement, chaque achat in-app, chaque jeu… ça représente des sommes colossales.
Et pendant longtemps, les développeurs n’avaient pas le choix : soit ils acceptaient les conditions d’Apple, soit ils disparaissaient purement et simplement de l’écosystème iOS. Une forme de péage imposé qui commence enfin à être sérieusement remis en question.
Les prochaines étapes et ce qu’il faut surveiller
La procédure va maintenant suivre son cours. Le tribunal devra déterminer si les pratiques d’Apple constituaient bien une faute engageant sa responsabilité civile, et dans quelle mesure les consommateurs peuvent prétendre à réparation.
Plusieurs points seront scrutés de près :
- La réalité et l’ampleur du surcoût pour chaque service et chaque période
- Le caractère intentionnel ou non de l’absence d’information sur les prix plus bas
- Le lien direct entre les règles d’Apple et la majoration des prix
- La possibilité technique pour les consommateurs de connaître les offres alternatives
Même si le processus peut prendre du temps, cette action a déjà le mérite d’exister. Et quelque part, c’est aussi une forme de victoire : les associations de consommateurs osent enfin s’attaquer frontalement aux pratiques des GAFAM sur le sol français.
Personnellement, je trouve ça plutôt sain. Après tout, l’argent que nous dépensons chaque mois dans nos abonnements, c’est le nôtre. Et s’il y a eu trop-perçu pendant des années, il est normal qu’on nous le rende.
Affaire à suivre, donc. Très clairement.
Et vous, vous souvenez-vous d’avoir payé votre abonnement musical plus cher sur iPhone que sur le site web ? N’hésitez pas à partager votre expérience en commentaire. Ces témoignages concrets pèsent souvent lourd dans ce genre de procédure…
