Vous êtes déjà allé vous balader sur les quais de Rouen un jour de forte marée ? L’eau monte haut, parfois jusqu’à menacer les terrasses des cafés. Maintenant, imaginez la même scène… mais avec un mètre d’eau en plus, partout, et pour de bon. C’est exactement ce qu’a voulu montrer un chercheur de l’université locale avec une petite vidéo qui a fait le tour des réseaux ces derniers semaines. Et franchement, ça donne des frissons dans le dos.
Une simulation qui ne laisse aucun doute
Ce n’est pas de la science-fiction. C’est une projection basée sur les données les plus sérieuses du moment. On parle d’une élévation du niveau de la mer d’environ un mètre d’ici 2100 dans le pire des scénarios – ou plutôt dans le scénario où l’humanité continue comme si de rien n’était. Ajoutez à cela une crue classique de la Seine, le genre de celles qu’on a déjà connues, et le résultat est catastrophique pour toute la basse ville.
Les quais ? Complètement submergés. L’île Lacroix ? Un lac. La rive gauche, là où certains rêvent encore d’installer une nouvelle gare ? Un vaste plan d’eau. On voit même les voitures flotter doucement au milieu des rues. C’est simple : une bonne partie du centre-ville ressemble à Venise après une tempête particulièrement méchante.
« Ce qu’on voit là, c’est si on ne fait rien d’ici là. »
Un chercheur spécialiste des fluides qui a réalisé la simulation
Et il insiste bien là-dessus : ce n’est pas une prédiction alarmiste pour faire le buzz. C’est juste la traduction visuelle de ce que disent déjà les cartes officielles, celles que tout le monde peut consulter mais que personne ne regarde vraiment parce qu’elles sont… disons-le, pas très sexy.
Pourquoi la Seine remontera jusque dans les rues
Il y a deux phénomènes qui se combinent, et ils sont implacables.
- La dilatation thermique : l’eau chaude prend plus de place que l’eau froide. Avec le réchauffement, les océans gonflent, littéralement.
- La fonte des glaces : Groenland, Antarctique, glaciers de montagne… tout ça finit dans la mer.
- Et enfin, le phénomène de marée renforcé : quand la mer est plus haute en permanence, chaque coup de vent ou chaque forte pluie en amont pousse l’eau beaucoup plus loin dans les terres.
Rouen n’est qu’à 120 kilomètres de la côte, mais la Seine est déjà influencée par les marées jusqu’à Poses. Avec un mètre de plus, la moindre crue « centennale » (le genre qu’on voit tous les 100 ans environ) devient une crue « décennale ». Et ça change tout pour les assurances, les urbanistes, les habitants… bref, pour tout le monde.
Ce que la vidéo ne montre pas (mais qu’on sait déjà)
La simulation reste sage. Elle ne prend en compte « que » un mètre et une crue classique. Mais certains scénarios vont plus loin. Si on rate complètement la transition énergétique, on peut atteindre presque deux mètres en 2100 selon les hypothèses hautes. Et là, même sans crue exceptionnelle, les marées très hautes suffisent à mettre les pieds dans l’eau plusieurs jours par an.
J’ai discuté avec des collègues ingénieurs qui bossent sur le sujet : ils parlent déjà de submersion marine permanente pour certaines zones basses de la vallée. On pense aux marais verniers, évidemment, mais aussi à des quartiers entiers de Rouen, Petit-Quevilly, Sotteville… Des endroits où on construit encore aujourd’hui sans trop se poser de questions.
On peut encore éviter le pire (mais il faut s’y mettre maintenant)
La bonne nouvelle – oui, il y en a une – c’est que cette vidéo n’est pas une fatalité. C’est un signal d’alarme. L’auteur le répète : c’est le scénario « business as usual », celui où on continue à brûler du pétrole comme si demain n’existait pas.
Si on agit sérieusement – réduction massive des émissions, protection des côtes, rehaussement des digues, arrêt de l’artificialisation des zones inondables – on peut limiter la montée à quelques dizaines de centimètres. Et là, ça change complètement la donne. Rouen reste les pieds au sec la plupart du temps.
- Des digues plus hautes et plus résistantes le long de la Seine ? C’est faisable.
- Des zones tampons naturelles restaurées en amont ? Ça marche déjà ailleurs.
- Une urbanisation repensée qui laisse la place au fleuve quand il a besoin de s’étaler ? C’est urgent.
- Et surtout, une baisse rapide des émissions mondiales. Parce que même les meilleures digues du monde ne tiendront pas contre deux mètres.
Le message est clair : on a encore le choix. Mais la fenêtre se referme vite.
Et les autres villes de la vallée ? Elles ne sont pas épargnées
Rouen n’est pas seule. Toute la vallée de la Seine est concernée. Pensez à Caudebec-en-Caux, Duclair, Elbeuf, Vernon… Et plus en aval, Le Havre et Honfleur risquent la submersion directe. Paris elle-même n’est pas à l’abri : rappelez-vous la crue de 1910. Avec un mètre de plus, ce serait bien pire.
D’ailleurs, des études récentes montrent que la région normande fait partie des zones les plus vulnérables en France métropolitaine. Pas parce qu’on est au niveau de la mer (on est à 80 km), mais parce que le fleuve agit comme un entonnoir géant qui propage la montée des eaux très loin à l’intérieur des terres.
Pourquoi cette vidéo a autant marqué les esprits
Un rapport de 3000 pages, personne ne le lit (sauf quelques experts). Une vidéo de 30 secondes où on voit sa propre ville disparaître sous l’eau ? Là, ça parle à tout le monde. C’est brutal, direct, et malheureusement efficace.
Certains ont crié à l’alarmisme. Moi je trouve que c’est juste… réaliste. Quand tu vois ton quartier préféré transformé en piscine géante, tu te poses forcément la question : est-ce qu’on est en train de faire assez ? La réponse, pour l’instant, est non.
« On peut choisir de tuer le messager, mais le message, lui, existe. »
Cette phrase résume tout. On peut critiquer la forme, le ton, la méthode. Mais les chiffres, eux, ne mentent pas.
Ce qu’il faut retenir (et agir)
En résumé, voilà où on en est :
- La montée des eaux est déjà enclenchée.
- Rouen fait partie des villes qui pourraient être très fortement touchées.
- On a encore le temps de limiter les dégâts, mais plus beaucoup.
- Chaque décision prise aujourd’hui – ou pas prise – aura un impact direct sur le visage de la ville dans 75 ans.
Alors oui, on peut continuer à regarder ailleurs. Ou on peut se dire que cette vidéo, aussi dure soit-elle, est peut-être le déclic dont on avait besoin pour enfin bouger. Personnellement, je préfère la deuxième option.
Parce que franchement, Rouen sans ses quais, sans ses berges animées, sans ses cafés au bord de l’eau… ce ne serait plus vraiment Rouen.
Et vous, vous en pensez quoi ? Vous seriez prêt à accepter que votre ville ressemble à ça en 2100 ? Ou vous pensez qu’il est grand temps de passer à l’action ?
La balle est dans notre camp. Et l’eau, elle, continue de monter.
