Il y a des soirs où le hasard fait incroyablement bien les choses. Ou plutôt, où la présence de policiers au bon endroit sauve peut-être une vie. Dimanche 23 novembre, vers 20 h 30, la zone d’activité du Champ-Saint-Julien à Valenton bascule en quelques secondes dans une violence brutale. Trois coups de feu. Un homme à terre. Et puis, miracle de réactivité, les auteurs présumés stoppés net moins de dix minutes plus tard.
Franchement, quand on lit le déroulé des faits, on se dit que ça tient du scénario de film. Sauf que c’est bien réel, et que ça s’est passé à quelques kilomètres seulement de Paris.
Une patrouille qui tombe pile au moment des coups de feu
Ce soir-là, les hommes de la BAC nuit du Val-de-Marne ne sont pas là par hasard. Ils surveillent discrètement la ZAC dans le cadre d’une enquête qui dure depuis plusieurs mois. Rien ne laisse présager l’explosion de violence imminente. Et puis, soudain, trois détonations claquent dans la nuit. Le bruit est net, sec, reconnaissable entre mille pour des oreilles entraînées.
Les fonctionnaires n’hésitent pas une seconde. Ils foncent vers la rue Alfred-Kastler. Sur place, la scène est glaçante : un homme de 37 ans gît au sol, touché par trois projectiles. Une balle dans la jambe, deux autres dans la zone abdominale. Autour de lui, plusieurs individus paniqués. Des douilles de 9 mm jonchent le bitume, encore tièdes.
Les policiers prodiguent les premiers gestes de secours en attendant les pompiers et le Samu. L’état de la victime est critique. Direction l’hôpital Percy à Clamart, spécialisé dans les blessures de guerre – ce qui en dit long sur la gravité.
Une fuite qui dure à peine quelques minutes
Pendant que certains sécurisent la victime, d’autres repèrent immédiatement une Renault Clio qui démarre en trombe. Les réflexes prennent le dessus. La voiture est interceptée rapidement. À l’intérieur : deux hommes. Le conducteur, 30 ans, originaire de Vigneux-sur-Seine. Le passager, 23 ans, habitant Villejuif.
Et là, c’est la surprise. Dans l’habitacle, les policiers découvrent de quoi équiper un petit commando :
- un pistolet semi-automatique 9 mm chargé
- une vingtaine de munitions du même calibre
- un gilet pare-balles
Autant dire que les deux individus n’étaient clairement pas venus pour discuter calmement.
« Un flag en règle », comme on dit dans le jargon. Les collègues ont été exemplaires de réactivité.
Un policier du secteur, sous couvert d’anonymat
Un différend commercial… ou un règlement de comptes ?
Officiellement, l’origine du carnage tiendrait à un différend commercial. C’est en tout cas la version qui circule dans les premiers éléments de l’enquête. Mais quand on voit l’arsenal embarqué et la violence de l’attaque, on est en droit de se poser des questions. Trois balles, dont deux dans le ventre, ça ne ressemble pas franchement à une simple discussion qui dégénère.
La victime, habitant également Vigneux-sur-Seine, était jusqu’ici inconnue des services de police. À l’inverse, plusieurs des individus présents autour de lui au moment des faits sont, eux, très défavorablement connus. Trafic de stupéfiants, violences, port d’arme… certains noms reviennent souvent dans les dossiers du coin.
Le suspect de 30 ans n’est pas non plus un enfant de chœur : plusieurs mentions sur son casier pour des faits de droit commun. Quant au plus jeune, il semble un peu plus discret, mais la présence d’un gilet pare-balles dans la voiture laisse penser qu’il n’était pas là en simple touriste.
La BAC nuit, ces invisibles qui veillent sur la banlieue
Il faut le dire clairement : sans l’intervention ultra-rapide de la BAC 94N, l’affaire aurait pu tourner à la catastrophe. Soit les tireurs prenaient la fuite et disparaissaient dans la nature, soit – scénario encore plus sombre – un affrontement plus large éclatait sur place.
On oublie souvent le travail de fond de ces unités. Pas de caméras, pas de gloire, juste des nuits entières à rôder dans les zones sensibles, à écouter, observer, anticiper. Ce soir-là, leur présence a probablement évité un drame encore plus lourd.
Et pourtant, ces mêmes brigades crient régulièrement misère : effectifs en baisse, véhicules vieillissants, pression constante. Quand on voit le résultat obtenu avec si peu de moyens, on mesure l’écart entre la réalité du terrain et certains discours politiques.
Valenton et le Val-de-Marne, théâtre récurrent de violences armées
Ce n’est hélas pas la première fois que le secteur fait parler de lui. Entre Villeneuve-Saint-Georges, Vigneux, Villejuif ou Créteil, les règlements de comptes liés au trafic de drogue ou à des dettes se multiplient ces dernières années. L’accès facile aux armes – souvent venues des Balkans ou réactivées – change complètement la donne.
Un simple conflit d’argent peut désormais se régler à coups de 9 mm en pleine rue. Et quand les protagonistes se déplacent avec gilet pare-balles, on comprend que tout le monde se prépare au pire.
La ZAC du Champ-Saint-Julien, lieu des faits, n’est pas non plus choisie au hasard. C’est un secteur à l’écart, mal éclairé la nuit, parfait pour ce genre de rendez-vous discrets. Un peu comme ces parkings de centre commercial où l’on se donne rendez-vous « pour parler » et où ça finit souvent mal.
L’enquête confiée à la PJ : vers une affaire plus large ?
L’affaire a rapidement été reprise par la police judiciaire du Val-de-Marne. Les sept autres personnes présentes sur les lieux au moment des tirs ont toutes été interpellées et placées en garde à vue. Certaines sont déjà bien connues des stups et de la brigade criminelle.
On peut légitimement penser que les enquêteurs vont creuser bien au-delà du simple « différend commercial ». Téléphonie, antécédents, liens entre les protagonistes… tout va être passé au peigne fin. Ce genre d’expédition punitive laisse rarement indifférent le milieu.
Et quand on trouve une arme chargée et un gilet pare-balles dans une voiture, la question se pose : étaient-ils là juste pour « faire peur », ou préparaient-ils quelque chose de plus lourd ?
Un fait divers qui interroge sur l’évolution de la violence
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la banalisation effrayante de l’armement. Un gilet pare-balles dans une Clio banalisée, ça n’a rien d’exceptionnel aujourd’hui dans certains quartiers. Les jeunes générations de délinquants se préparent à la guerre comme on se prépare à sortir en boîte.
Et pendant ce temps, les riverains, les commerçants, les familles qui vivent à côté subissent cette tension permanente. Une zone d’activité qui devrait être calme le soir devient un terrain de jeu pour des individus prêts à tout.
On est loin des bagarres à mains nues d’il y a vingt ans. Aujourd’hui, le moindre différend peut se solder par une tentative d’homicide. Et quand la BAC n’est pas là au bon moment… on connaît la suite.
En attendant les suites de l’enquête, une chose est sûre : ce dimanche 23 novembre, Valenton a frôlé la tragédie absolue. Grâce à la présence d’esprit et au professionnalisme de quelques policiers, l’histoire s’arrête – pour l’instant – à un homme entre la vie et la mort et deux suspects derrière les barreaux.
Mais pour combien de temps encore tiendra-t-on avec des patrouilles en effectif réduit face à une violence toujours plus armée ? La question mérite d’être posée. Vraiment.
