Vous êtes-vous déjà demandé jusqu’où certains étaient prêts à aller pour faire disparaître l’argent sale ? Pas dans les films, non, dans la vraie vie. L’histoire qui s’est déroulée il y a quelques jours à Cali, en Colombie, a quelque chose de fascinant et de glaçant à la fois.
Un homme de 41 ans, français, ancien habitué des nuits lyonnaises, vivait là-bas depuis plusieurs mois. À première vue, rien d’anormal : il avait monté une salle de sport haut de gamme, avec piscine, terrains de foot cinq contre cinq, coachs personnels… le genre d’endroit où l’on paie l’abonnement plus cher que le loyer de beaucoup de gens. Sauf que ce bel établissement servait, en réalité, de lessiveuse très sophistiquée.
Une notice rouge qui ne pardonne pas
Lorsque votre nom apparaît sur une notice rouge Interpol, il n’y a plus vraiment de plan B. C’est le niveau maximal d’alerte internationale, l’équivalent d’un avis de recherche mondial avec demande d’arrestation immédiate. Et c’est exactement ce qui pendait au-dessus de la tête de cet expatrié français depuis un moment.
Le 13 novembre dernier, les autorités colombiennes, en coordination étroite avec leurs homologues françaises, ont décidé de passer à l’action. L’opération a été rondement menée : pas de fusillade, pas de course-poursuite spectaculaire, juste des menottes qui se referment sur les poignets d’un quadragénaire qui pensait probablement avoir trouvé le parfait refuge sous le soleil de la Valle del Cauca.
Le scénario classique… en version 2.0
Le schéma n’est pas nouveau : prendre de l’argent douteux, le faire transiter par plusieurs pays, puis l’injecter dans une activité légale en apparence. Ce qui change, c’est la créativité des nouveaux acteurs. Fini les restaurants ou les bars à hôtesses un peu louches des années 90. Aujourd’hui, on ouvre des gyms premium, des centres de crossfit dernier cri ou des boutiques de compléments alimentaires bio. C’est propre, ça sent la sueur saine et l’huile essentielle de menthe poivrée, et surtout, ça attire une clientèle qui pose rarement des questions.
D’après les éléments qui ont filtré, l’homme aurait fait passer environ 185 000 euros à travers une société écran basée aux États-Unis, puis via des comptes espagnols, avant de les faire atterrir en Colombie. Une partie de cette somme a servi à financer le gymnase du quartier chic de Los Cámbulos. Le reste ? Probablement réinvesti ou tout simplement blanchi au fil des abonnements et des personal trainings à 100 dollars l’heure.
Il présentait son projet comme une démarche presque philanthropique : offrir un espace de sport de qualité dans une ville où beaucoup n’y ont pas accès. Touchant, non ? Sauf que l’argent derrière n’avait rien de charitable.
De Lyon à Cali : l’itinéraire d’un récidiviste
Ce n’est pas la première fois que cet homme croise la route de la justice. À Lyon, il évoluait déjà dans le milieu de la nuit – boîtes, événements, sécurité… un univers où l’argent liquide coule à flots et où les frontières entre légal et illégal sont parfois floues. Des ennuis judiciaires antérieurs, visiblement suffisamment sérieux pour que les juges lyonnais émettent cette fameuse demande d’arrestation internationale.
Pourquoi la Colombie ? Le pays a longtemps eu la réputation (en partie injuste aujourd’hui) d’être un eldorado pour ceux qui cherchent à se faire oublier. Climat agréable, coût de la vie raisonnable, et surtout une certaine discrétion quand on a les moyens de fréquenter les bons quartiers. Cali, en particulier, a cette image de ville festive, chaude, où l’on peut refaire sa vie sans trop de questions.
Mauvais calcul. Ces dernières années, la coopération policière entre la France et la Colombie s’est considérablement renforcée. Les accords d’extradition fonctionnent, les échanges d’informations aussi. Et quand une notice rouge tombe, même les tropiques ne suffisent plus à vous protéger.
La salle de sport : nouvelle machine à laver préférée ?
J’ai remarqué, ces derniers temps, une tendance qui ne trompe pas. Partout dans le monde, les salles de sport haut de gamme poussent comme des champignons dans les quartiers huppés des grandes villes sud-américaines, du Mexique à l’Argentine en passant par la Colombie. Beaucoup sont parfaitement légales, bien sûr. Mais certaines sentent le soufre.
- Flux de trésorerie en espèces important et difficile à tracer (abonnements, cours particuliers, merchandising)
- Clientèle aisée qui paie sans regarder
- Image positive immédiate : santé, discipline, réussite sociale
- Possibilité d’employer du personnel en noir sans trop attirer l’attention
- Investissement initial élevé qui justifie de gros apports de fonds
Tous les ingrédients sont réunis pour faire disparaître de l’argent sale sans que personne ne trouve ça bizarre. Et quand le propriétaire est européen, charismatique et parle bien, l’illusion est parfaite.
Que va-t-il se passer maintenant ?
À l’heure où j’écris ces lignes, l’homme est détenu par les autorités colombiennes dans l’attente de la procédure d’extradition. En général, quand une notice rouge est activée et que la coopération est aussi fluide, ça ne traîne pas des mois. Il devrait fouler le sol français d’ici quelques semaines, menottes aux poignets, pour répondre de blanchiment en récidive et probablement d’association de malfaiteurs.
La suite ? Un procès à Lyon, très probablement. Des peines de prison qui, en France, pour ce type de délit en état de récidive, peuvent facilement dépasser les cinq ans fermes. Et surtout la confiscation de tout ce qui aura été acheté avec l’argent sale – le gymnase inclus, même s’il faudra prouver lien par lien.
Et nous, qu’est-ce qu’on en retient ?
Franchement, cette affaire dit beaucoup de choses sur notre époque. D’abord, que la lutte contre le blanchiment est devenue mondiale et efficace – et tant mieux. Ensuite, que les criminels en col blanc sont obligés de se réinventer sans cesse, et qu’ils choisissent désormais des façades qui collent parfaitement à l’air du temps : le culte du corps, le bien-être, l’image healthy.
La prochaine fois que vous croiserez un magnifique centre de fitness flambant neuf dans un pays exotique, avec un propriétaire européen qui vous raconte qu’il a tout plaqué pour « changer de vie », vous y penserez peut-être deux secondes. Pas systématiquement, bien sûr. Mais parfois, derrière les haltères et les smoothies détox, il y a des histoires bien moins reluisantes.
Et quelque part, c’est presque rassurant : même sous le soleil de Cali, on ne s’échappe plus aussi facilement qu’avant.
(Article mis à jour le 24 novembre 2025 – sources policières et judiciaires internationales)
