Imaginez : vous avez 78 ans, vous venez de faire une petite chute dans la baignoire et vous décidez enfin de franchir le cap. Vous appelez une entreprise spécialisée, on vous parle d’une douche à l’italienne, d’un siège relevable, peut-être même d’un monte-escalier. Et surtout, on vous assure qu’une nouvelle aide, MaPrimeAdapt’, prend en charge une bonne partie des frais. Soulagement. Vous remplissez le dossier, confiant.
Puis l’attente commence. Un mois. Deux mois. Six mois… Et dans certains coins de France, on vous annonce tranquillement que ça peut prendre neuf mois, voire plus. À ce stade, certains ont déjà déménagé en maison de retraite, d’autres ont tout simplement laissé tomber. C’est la réalité brutale que vivent des milliers de seniors depuis le lancement de cette aide pourtant pleine de promesses.
MaPrimeAdapt’ : l’aide qui devait tout changer… mais qui patine encore
Lancée le 1er janvier 2024, MaPrimeAdapt’ fusionne plusieurs dispositifs anciens (le crédit d’impôt autonomie, certaines aides de l’Anah, etc.) pour créer une aide unique, plus simple, plus généreuse. L’idée est belle : permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap de rester chez elles le plus longtemps possible en finançant des travaux d’adaptation. Douche de plain-pied, revêtement antidérapant, barre d’appui, siège de douche, monte-escalier… jusqu’à 70 % du montant peut être pris en charge, plafonné à 22 000 € de travaux.
Sur le papier, c’est le graal du maintien à domicile. Dans la vraie vie ? Ça coince sévère.
Des délais qui font tout capoter
Le problème numéro un, et de très loin, c’est le temps d’instruction des dossiers. Et là, c’est la loterie géographique.
- Dans certains départements (Essonne, Île-de-France bien organisée), on est à 1 mois et demi en moyenne.
- Dans d’autres, on frôle les 9 mois. Oui, vous avez bien lu.
- Entre les deux, tout est possible : 3 mois, 5 mois, parfois plus.
Neuf mois, c’est énorme quand on a 80 ans et qu’on sait qu’une nouvelle chute peut tout faire basculer. J’ai échangé avec des artisans qui m’ont raconté la même chose : « On pose le devis, le client est motivé, et puis… silence radio pendant des mois. Quand on rappelle, soit la personne est décédée, soit elle est partie en Ehpad, soit elle n’a plus du tout confiance et annule tout. »
« Entre 15 et 20 % des projets sautent à cause de ces délais. C’est énorme. »
Un professionnel du secteur qui préfère rester anonyme
Pourquoi une telle différence entre départements ?
Officiellement, personne ne veut pointer du doigt. Mais en creusant un peu, on comprend vite.
MaPrimeAdapt’ est gérée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), mais l’instruction des dossiers est déléguée… aux départements. Certains ont anticipé, formé des équipes, mis en place des outils informatiques performants. D’autres ont été pris de court et se retrouvent submergés.
Ajoutez à ça :
- Un démarrage poussif en 2024 (le temps que tout le monde comprenne le nouveau dispositif),
- Une explosion des demandes (on parle de plusieurs centaines de milliers de dossiers déposés en un an),
- Et parfois, soyons honnêtes, un manque criant de moyens humains.
Résultat ? Des files d’attente virtuelles interminables. Et pendant ce temps, les artisans, eux, bloquent des créneaux pour rien.
Les conséquences humaines derrière les chiffres
Derrière ces statistiques, il y a des histoires qui serrent le cœur.
Il y a cette dame de 83 ans dans le Var qui attendait depuis sept mois. Son fils m’a raconté qu’elle a fini par faire une nouvelle chute dans l’escalier. Fracture du col du fémur. Aujourd’hui, elle est en maison de retraite. Le monte-escalier ? Toujours pas installé.
Il y a aussi ces couples qui avaient tout planifié : vendre la grande maison plus tard, rester dans leur village, près des amis. Et qui, lassés d’attendre, ont tout bazardé pour un petit appartement adapté… mais loin de tout.
Et puis il y a les artisans. Eux aussi trinquent. Parce qu’un dossier bloqué, c’est un chantier qui ne démarre pas, des salariés au chômage technique, des fournisseurs qui attendent d’être payés.
Y a-t-il du mieux quand même ?
Oui, heureusement. Beaucoup de professionnels reconnaissent que la situation s’améliore doucement. Les départements les plus en retard rattrapent leur retard, des renforts arrivent, les procédures se fluidifient.
Mais on est encore loin du compte. Et chaque mois perdu, c’est une personne âgée qui prend des risques inutiles chez elle.
Que faire si vous êtes concerné ? Mes conseils concrets
Si vous ou un proche envisagez des travaux d’adaptation, voici ce que je vous recommande, après avoir discuté avec une dizaine d’ergothérapeutes et d’entreprises spécialisées :
- Déposez votre dossier le plus tôt possible, même si les travaux ne sont pas urgents. Vous serez devant dans la file.
- Contactez directement le service instructeur de votre département pour connaître le délai moyen actuel. Certains le communiquent sans problème.
- En parallèle, renseignez-vous sur les aides locales : certaines collectivités proposent des avances ou des dispositifs plus rapides.
- Si vous le pouvez, commencez les travaux et faites l’avance de trésorerie. Vous serez remboursé après, mais vous gagnez un temps fou.
- Choisissez une entreprise labellisée Handibat ou Silverbat : elles connaissent parfaitement le dispositif et savent parfois accélérer les choses.
« Le pire ennemi du maintien à domicile, ce n’est pas le manque d’argent, c’est le temps. »
Un ergothérapeute que j’ai rencontré récemment
Et demain ?
La bonne nouvelle, c’est que tout le monde semble conscient du problème. Des groupes de travail sont en cours, des budgets supplémentaires ont été débloqués pour 2026, et certains départements testent déjà des plateformes 100 % dématérialisées qui réduisent les délais à moins de deux mois.
Mais en attendant, la réalité reste cruelle : vouloir vieillir chez soi ne devrait pas ressembler à un parcours du combattant administratif.
Parce que derrière chaque dossier qui traîne, il y a une personne qui rêve simplement de rester dans sa maison, avec ses souvenirs, son jardin, son chat sur les genoux.
Et ça, ça n’a pas de prix.
Si vous avez vécu cette galère avec MaPrimeAdapt’ ou si, au contraire, tout s’est passé vite dans votre département, racontez-nous votre expérience en commentaire. Vos retours aident énormément les autres familles.
