Imaginez-vous en 2040. Vous regardez le ciel et vous ne voyez plus un seul avion de chasse piloter seul sa mission. À la place, un pilote dans un cockpit dernier cri dirige une véritable meute : des drones kamikazes, des brouilleurs volants, des capteurs déportés… Tout cela connecté en temps réel dans un nuage de combat où l’information voyage plus vite que les missiles. Ce n’est pas de la science-fiction. C’est le SCAF qui se réveille enfin.
Franchement, j’ai suivi ce programme depuis ses balbutiements en 2017 et j’ai rarement vu un projet aussi malmené tenir encore debout. On a eu droit à tout : querelles d’ego, menaces de rupture, chantage aux brevets, déclarations à l’emporte-pièce dans la presse… Et puis, presque par miracle, l’espoir renaît. Fin 2025 pourrait bien marquer le vrai décollage du Système de Combat Aérien du Futur. Et croyez-moi, ça vaut le coup de s’y arrêter cinq minutes.
Le SCAF, c’est quoi au juste ?
Commençons par les bases, parce que le sigle cache une révolution. Le SCAF n’est pas seulement un nouvel avion. C’est tout un écosystème.
Au centre, il y a le NGWS – New Generation Weapon System – un chasseur piloté de sixième génération, ultra-furtif, capable de supercroisi…
Autour de lui gravitent les remote carriers : des drones de toutes tailles, certains aussi gros qu’un Mirage 2000, d’autres pas plus grands qu’un missile de croisière. Ces engins ne sont pas là pour faire joli. Ils portent les armes, brouillent les radars ennemis, écoutent les communications, éclairent les cibles au laser ou se sacrifient purement et simplement pour protéger le pilote.
Et tout ça baigne dans un combat cloud, un réseau ultra-sécurisé où chaque plateforme partage ses données en temps réel. Le pilote ne vole plus : il dirige une équipe.
« On passe d’un avion qui emporte des armes à un système qui génère des effets. »
Un ingénieur système qui travaille sur le programme depuis 2019
Pourquoi c’était presque mort il y a encore six mois
Revenons un peu en arrière. Le SCAF, c’est une histoire d’amour franco-allemande… avec l’Espagne en troisième roue du carrosse qui tente de suivre le rythme.
En 2017, tout le monde est beau, tout le monde est gentil. On annonce un programme à 100 milliards d’euros minimum, entrée en service 2040, partage parfait 33/33/33. Et puis la réalité industrielle rattrape la belle histoire politique.
- Qui sera le maître d’œuvre de l’avion ?
- Qui garde quels brevets critiques ?
- Comment garantir que la France ne se retrouve pas simple sous-traitante sur la partie volante ?
- Et surtout : qui paie quoi quand les surcoûts arrivent ?
Les tensions ont explosé publiquement à l’été 2024. On parlait même d’un plan B français (ressusciter un Rafale « 5.5 ») ou d’un rapprochement avec le programme britannique-italien Tempest. Autant dire la fin du rêve européen.
Le vent tourne : ce qui a changé ces dernières semaines
Et puis, presque discrètement, les choses ont bougé. Très fort.
D’abord, il y a eu des réunions au plus haut niveau politique. On dit que les cabinets français et allemands ont remis pas mal d’énergie sur le dossier. Traduction : personne n’a envie d’être celui par qui le grand projet européen de défense meurt.
Ensuite, et c’est peut-être le plus important, les industriels semblent avoir trouvé un terrain d’entente sur la phase 1B – celle qui va lancer les démonstrateurs volants dès 2029-2030.
- Leadership clarifié sur le pilier avion (le plus sensible)
- Partage des propriété intellectuelles moins conflictuel
- Financement débloqué pour les trois pays
- Calendrier tenu pour les premiers vols de démonstrateur
Bref, on respire. Pas encore le grand amour, mais au moins un contrat de mariage qui tient la route.
Les technologies qui font rêver (et flipper)
Ce qui rend le SCAF vraiment différent des programmes précédents, ce n’est pas seulement la furtivité – même si on parle là d’un avion quasiment indétectable – c’est l’intelligence du système.
Quelques exemples concrets :
- Un drone qui détecte un radar sol-air ennemi et décide seul d’aller le saturer sans attendre l’ordre du pilote
- Un remote carrier qui se transforme en missile hypersonique si la situation l’exige
- Un pilote qui peut « sauter » d’un appareil à l’autre en cas d’avarie (même à distance)
- Une IA capable de proposer trois plans d’attaque en quelques secondes en fonction des menaces détectées
On est très loin du dogfight à l’ancienne. Là, c’est la guerre de l’information qui prime. Celui qui voit en premier, comprend en premier et décide en premier gagne.
Et la concurrence dans tout ça ?
Parce qu’il ne faut pas l’oublier : pendant que l’Europe se chamaillait, les autres avançaient.
Les États-Unis ont leur NGAD (sixième génération aussi, mais secret-défense total). La Chine vole déjà son J-36 (on en sait très peu mais les images satellite font peur). Le trio Royaume-Uni-Italie-Japon avance à marche forcée sur le Tempest/Global Combat Air Programme.
Si le SCAF avait définitivement capoté, l’Europe se retrouvait avec des Rafale, des Eurofighter et des F-35 jusqu’en 2070. Sympa pour l’autonomie stratégique.
Ce qui reste à sécuriser avant la fin d’année
On n’est pas encore au bout du tunnel. Plusieurs points chauds subsistent :
| Point critique | Enjeu | État actuel |
| Pilote automatique & IA | Leadership allemand (très sensible) | Discussions avancées |
| Moteur nouvelle génération | Safran + MTU | Phase 1B validée |
| Cloud de combat | Thales + Airbus | Bon avancement |
| Financement Espagne | Retard chronique | Promesse de rattrapage |
Mais pour la première fois depuis longtemps, les voyants sont plutôt verts.
Et nous, simples citoyens, pourquoi ça nous concerne ?
Parce que 100 milliards d’euros, ce n’est pas rien. Et que cet argent sort en partie de nos impôts.
Mais il y a plus important : le SCAF, s’il aboutit, garantit que l’Europe restera une puissance militaire crédible au XXIe siècle. Sans lui, on devient dépendants technologiquement – et donc stratégiquement – des États-Unis ou, pire, vulnérables face à d’autres puissances.
Et puis il y a les retombées industrielles. Des dizaines de milliers d’emplois ultra-qualifiés. Des technologies qui irrigueront l’aviation civile (moteurs plus économes, matériaux avancés, intelligence artificielle…). Le genre de programme qui fait avancer toute une filière.
Alors oui, c’est cher. Oui, c’est long. Oui, ça fait raler quand on voit les surcoûts. Mais parfois, il faut savoir investir dans l’avenir.
En résumé ? Le SCAF n’est pas encore sauvé, mais il n’a jamais été aussi proche de l’être. Si les accords sont signés d’ici la fin de l’année comme tout le laisse penser, 2026 pourrait marquer le vrai début de l’aventure.
Un aventure européenne, imparfaite, parfois agaçante, mais qui nous rappelle qu’on est capables, quand on le veut vraiment, de faire des choses extraordinaires ensemble.
Et quelque part, c’est plutôt réconfortant.
