Imaginez-vous au volant de votre vieille citadine, celle que vous avez depuis quinze ans, celle qui vous a accompagné partout. Et soudain, plus le droit de rentrer dans la ville où vous travaillez. Plus le droit d’aller chercher vos enfants à l’école. Plus le droit, tout simplement, de vivre normalement. C’est exactement ce que des millions de Français ont ressenti quand on leur a annoncé l’arrivée des fameuses ZFE. Et si, demain, tout ça n’était plus qu’un mauvais souvenir ?
Franchement, je n’aurais jamais cru qu’on en arriverait là aussi vite.
Les ZFE : un enterrement qui ne surprend plus personne
Ce mercredi, une commission mixte paritaire va se réunir. Sept députés, sept sénateurs. Une petite quinzaine de personnes qui, en quelques heures, pourraient balayer d’un revers de main un dispositif prévu pour s’appliquer dans toutes les grandes agglomérations d’ici la fin de l’année. L’ambiance ? On sent déjà la fête chez ceux qui roulent en Crit’Air 3, 4 ou 5. Et la gueule de bois chez ceux qui croyaient dur comme fer à la révolution verte par l’interdiction.
Moi, ce qui me frappe, c’est la vitesse à laquelle tout ça s’effondre. Il y a encore deux ans, on nous expliquait que c’était inévitable, que l’Europe nous regardait, que la santé publique était en jeu. Et là, paf. Un vote à l’Assemblée au printemps dernier, et tout vacille.
Retour sur une idée qui partait d’un bon sentiment
Revenons un peu en arrière, parce que c’est important de comprendre d’où ça vient.
L’histoire commence fin 2019 avec la loi d’orientation des mobilités. L’idée est simple sur le papier : dans les villes où la qualité de l’air dépasse régulièrement les seuils recommandés, on crée des zones où les véhicules les plus polluants n’ont plus le droit de circuler. Ensuite, la loi Climat de 2021 durcit le ton : onze agglomérations obligées de mettre en place une ZFE avant 2025. Et pas n’importe lesquelles : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Reims et Saint-Étienne.
Sur le principe, qui pourrait être contre ? Moins de particules fines, moins de cancers, moins d’asthme chez les enfants. Sauf que dans la vraie vie, ça coince sévère.
« On ne s’attaque pas à la pollution en s’attaquant aux pauvres »
– Une phrase que j’ai entendue cent fois dans les manifs contre les ZFE
Pourquoi ça bloque depuis le début
Le problème, c’est que les véhicules interdits ne sont pas ceux des riches. Ce sont les vieux diesels des livreurs, les petites essence des aides-soignantes qui font les tournées de nuit, les utilitaires des artisans. Bref, ceux qui n’ont pas 40 000 € à mettre dans une voiture électrique neuve.
Et puis il y a la réalité géographique. Prenez l’exemple de la métropole de Lyon. La ZFE concerne tout le territoire à l’intérieur du périphérique. Résultat ? Des gens qui habitent à vingt kilomètres du centre n’ont plus le droit de prendre leur voiture pour aller travailler à Villeurbanne. Absurde.
- Coût du changement de véhicule : entre 15 000 et 50 000 € selon les modèles
- Aides à la conversion : souvent insuffisantes et réservées aux plus modestes
- Marché de l’occasion électrique : quasi inexistant pour les petits budgets
- Infrastructures de recharge : encore très insuffisantes hors grandes villes
- Transports en commun : saturés aux heures de pointe et inexistants dans certaines zones
Quand tu additionnes tout ça, tu comprends pourquoi le mécontentement a grandi aussi vite.
Le tournant politique de 2025
Le vrai coup de théâtre arrive au printemps 2025. L’Assemblée nationale vote un amendement qui supprime purement et simplement l’obligation de mettre en place des ZFE pour les agglomérations de moins de 150 000 habitants – ce qui concerne déjà la majorité des territoires. Et surtout, elle laisse la possibilité aux grandes métropoles de revenir en arrière si elles le souhaitent.
Depuis, plusieurs villes ont déjà fait machine arrière. Rouen a suspendu son dispositif. Toulouse a reporté sine die. Strasbourg a assoupli ses critères. Même à Paris, où la ZFE est la plus avancée, on sent le vent tourner.
Et maintenant, la commission mixte paritaire pourrait entériner tout ça dans une loi définitive. En clair : les ZFE ne seraient plus obligatoires nulle part. Elles deviendraient juste… une option parmi d’autres.
Les arguments des deux camps
Pour être honnête, les deux côtés ont des arguments solides.
D’un côté, ceux qui veulent enterrer les ZFE :
- Impact social énorme sur les classes moyennes et populaires
- Inefficacité prouvée : à Paris, la baisse de pollution reste marginale malgré les restrictions
- Concurrence déloyale pour les artisans et commerçants
- Manque criant d’alternatives crédibles
De l’autre, ceux qui crient au recul historique :
- 30 000 à 40 000 morts prématurées par an en France à cause de la pollution de l’air
- Engagements européens que la France risque de ne pas tenir
- Risque de condamnations financières par la justice européenne
- Signal désastreux envoyé à la jeunesse sur l’urgence climatique
Personnellement, je trouve que le débat est mal posé depuis le début. On a voulu faire porter tout le poids de la transition écologique sur les épaules des automobilistes individuels. Alors que les vraies solutions – développement massif des transports en commun, électrification du parc de véhicules professionnels, report modal vers le ferroviaire – demandent du temps et surtout des investissements colossaux que personne n’a vraiment voulu faire.
Et maintenant, on fait quoi ?
Si les ZFE meurent vraiment cette semaine, ça ne voudra pas dire que la pollution va soudain exploser. Beaucoup de grandes villes ont déjà anticipé le renouvellement de leur parc automobile. Les normes européennes font que les véhicules neufs polluent de moins en moins. Et surtout, les mentalités évoluent : le vélo, le covoiturage, le télétravail ont pris une place qu’on n’imaginait pas il y a dix ans.
Mais ça voudra dire quelque chose de plus profond : la France a choisi, une fois de plus, de repousser les décisions qui fâchent. De privilégier le court terme au long terme. De préférer la paix sociale à l’urgence écologique.
Est-ce que c’est une bonne ou une mauvaise chose ? Franchement, je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que dans dix ans, on regardera peut-être cette période avec des yeux différents. Soit on se dira qu’on a eu raison d’écouter les Français et leurs difficultés quotidiennes. Soit on regrettera amèrement d’avoir raté le coche d’une transition vraiment ambitieuse.
Une chose est sûre : l’histoire des ZFE n’est pas terminée. Elle ne fait que prendre un nouveau tournant. Et comme souvent en France, ce tournant ressemble étrangement à un grand pas de côté.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Allez-vous déboucher le champagne si les ZFE disparaissent ? Ou estimez-vous qu’on est en train de commettre une erreur historique ? Dites-le-moi en commentaire, j’ai vraiment envie de savoir où en sont les Français sur ce sujet qui nous touche tous, d’une manière ou d’une autre.
