Imaginez-vous en train de siroter votre petit noir du matin et, tout à coup, réaliser que la machine qui vient de le préparer n’a pas traversé la moitié de la planète pour arriver chez vous. C’est exactement le pari un peu fou que vient de relever une marque française bien connue des amateurs de café : rapatrier en France la fabrication de ses cafetières à dosettes. Et pas n’importe où : en plein cœur de la Vendée.
Franchement, quand on entend parler de relocalisation ces temps-ci, on pense souvent à des discours politiques ou à des grandes annonces qui restent lettre morte. Là, c’est du concret. Une usine toute neuve, des emplois créés, des machines qui sortent déjà des lignes… Ça fait du bien de voir que certains passent vraiment à l’action.
Malongo prend le contrepied de vingt ans de délocalisations
Retour en arrière. Dans les années 90-2000, comme presque tout le monde dans l’électroménager, la marque avait fini par confier la production de ses machines à des usines asiatiques. Coûts plus bas, volumes énormes, logique industrielle implacable. Sauf que petit à petit, la donne a changé. Entre les hausses de frais de transport, les tensions géopolitiques, les exigences environnementales et une clientèle qui veut du sens, rester à l’autre bout du monde devenait de moins en moins tenable.
Le déclic ? Probablement un mélange de tout ça, avec une bonne dose de conviction personnelle. Le dirigeant de l’entreprise l’a dit lui-même : après avoir cherché partout en Europe des partenaires capables de suivre, le constat était sans appel. Soit on continuait en Asie, soit on créait nous-mêmes la solution en France. Ils ont choisi la seconde option.
Une usine dernier cri à Aubigny-les-Clouzeaux
Depuis septembre, c’est donc à Aubigny-les-Clouzeaux, à quelques kilomètres de La Roche-sur-Yon, que naissent les célèbres machines Eoh. L’atelier est impressionnant : immense volume baigné de lumière naturelle, grandes baies vitrées qui donnent sur la campagne vendéenne, et surtout une organisation pensée pour être à la fois performante et agréable à vivre pour les équipes.
Ce qui frappe quand on voit les photos (et croyez-moi, j’aurais adoré visiter), c’est le soin apporté aux détails. Ce n’est pas juste une chaîne de montage froide. On sent la volonté de faire quelque chose de beau, presque d’artisanal, même si on est dans une production industrielle.
« On voulait un lieu où les gens soient fiers de travailler, où l’on voie la lumière du jour, où l’on sente qu’on participe à quelque chose qui a du sens. »
– Le dirigeant de Malongo
Pourquoi la Vendée, et pourquoi maintenant ?
La question mérite d’être posée. Pourquoi choisir ce coin précis de l’ouest de la France ? Plusieurs raisons, en réalité.
- Un terrain disponible rapidement et à un coût raisonnable
- Une main-d’œuvre qualifiée dans l’industrie (la région n’est pas en reste côté savoir-faire)
- La proximité avec les ports pour les composants qu’on ne fabrique pas encore sur place
- Et, soyons honnêtes, une vraie volonté de s’ancrer dans un territoire à taille humaine
Le timing, lui, n’est pas un hasard. Entre la crise du Covid qui a montré la fragilité des chaînes longues, l’explosion des coûts du fret maritime et une pression sociétale de plus en plus forte pour du made in France, tous les feux étaient au vert. Ou presque.
Le coût de la relocalisation : le sujet qui fâche
Évidemment, produire en France coûte plus cher qu’en Chine. C’est le premier argument qu’on entend à chaque fois. Salaires, charges sociales, normes environnementales… tout est plus élevé. Mais la marque a une réponse toute prête : le coût complet n’est pas si différent quand on intègre le transport, les stocks immobilisés, les aléas géopolitiques et surtout la qualité.
Et puis il y a l’image. Vendre du café équitable avec une machine fabriquée dans des conditions parfois douteuses à l’autre bout du monde, ça commençait à faire tache. La cohérence de marque, ça n’a pas de prix (ou plutôt, ça a un coût, mais les clients sont prêts à le payer).
Des emplois et du savoir-faire qui reviennent
L’un des aspects les plus intéressants, c’est la création d’emplois qualifiés. Assembleurs, techniciens de maintenance, ingénieurs qualité… l’usine embauche et forme en continu. Et on ne parle pas de jobs précaires : l’idée est clairement de fidéliser les talents sur le long terme.
D’ailleurs, j’ai trouvé ça touchant : plusieurs salariés viennent d’anciens sites industriels fermés dans la région. C’est une forme de revanche douce. Là où certains ont vu des usines fermer, d’autres voient renaître une activité industrielle moderne.
Et l’écologie dans tout ça ?
On ne peut pas parler de relocalisation sans aborder l’impact environnemental. Réduire les kilomètres parcourus par conteneur, c’est déjà énorme. Une machine qui vient de Vendée plutôt que de Shenzhen, c’est des milliers de tonnes de CO2 en moins chaque année.
Mais la marque va plus loin : l’usine est conçue pour être économe en énergie, les emballages sont minimisés, et une partie des composants commence à être sourcée en Europe. Ce n’est pas encore parfait, mais la trajectoire est claire.
Un modèle reproductible ailleurs ?
Ce qui est passionnant avec cette aventure, c’est qu’elle pourrait inspirer d’autres PME. On entend souvent que la réindustrialisation est réservée aux géants ou aux secteurs stratégiques. Ici, une entreprise de taille intermédiaire dans le café montre que c’est possible.
Bien sûr, tout n’est pas rose. Il a fallu investir lourdement, convaincre les banques, recruter, former… Mais le fait est que ça tourne. Et les premières machines sorties de l’usine vendéenne sont déjà dans les magasins.
Ce que ça dit de la France industrielle en 2025
Personnellement, je trouve que cette histoire résume assez bien où on en est. On n’est plus dans les grandes déclarations d’il y a dix ans. On est dans le concret, dans les choix difficiles mais assumés. Et surtout, on voit que quand une entreprise a une vision claire et des convictions solides, elle peut bouger les lignes.
La relocalisation n’est pas une mode passagère. C’est une tendance de fond qui s’installe doucement mais sûrement. Et des cas comme celui-ci prouvent que c’est non seulement possible, mais parfois même plus malin sur le long terme.
Alors la prochaine fois que vous préparerez votre café du matin, peut-être que vous sourirez en pensant que, quelque part en Vendée, des femmes et des hommes font tourner une usine qui redonne un peu de fierté à l’industrie française. Moi, en tout cas, c’est l’effet que ça me fait.
(Article mis à jour le 25 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
