Il y a quelques mois, j’étais coincé dans un bouchon sur l’autoroute du Soleil, en pleine canicule. La clim peinait, la radio passait toujours la même chanson et je cherchais désespérément mon badge de télépéage sous les sièges. À ce moment-là, j’aurais donné cher pour pouvoir simplement regarder la clim et la baisser de deux degrés. Eh bien devinez quoi ? Ce fantasme un peu bête est en train de devenir réalité.
Non, je ne parle pas de voitures autonomes qui roulent toutes seules (même si on y vient). Je parle de quelque chose de beaucoup plus immédiat et, disons-le, un peu troublant : vos yeux sont en train de devenir la nouvelle télécommande de votre voiture.
L’Europe a imposé une caméra… et tout a basculé
Tout a commencé avec une réglementation qui, sur le papier, semblait uniquement destinée à nous empêcher de nous endormir au volant. Depuis l’été 2024, chaque voiture neuve vendue en Europe doit embarquer un système de surveillance du conducteur. Point final. L’idée ? Lutter contre la somnolence, responsable d’un accident mortel sur trois environ. Jusque-là, rien de bien sexy.
Mais les ingénieurs, ces génies un peu fous, n’ont pas pu s’empêcher d’aller plus loin. Très loin.
La petite caméra infrarouge obligatoirement placée dans le montant du pare-brise (oui, celle qui vous observe même quand vous roulez de nuit avec des lunettes de soleil) est devenue bien plus qu’un simple flic électronique. Elle voit absolument tout : où vous regardez, pendant combien de temps, si vos paupières commencent à papillonner, si vos pupilles se dilatuent… Bref, elle lit dans vos yeux comme dans un livre ouvert.
Payer le péage juste en tournant la tête
Imaginez la scène. Vous arrivez au péage. Au lieu de chercher votre carte ou votre badge, vous regardez simplement l’écran qui affiche le montant. La caméra détecte votre regard prolongé (disons deux secondes), interprète ça comme une validation volontaire et hop, la barrière se lève. Le paiement est débité automatiquement.
Ça existe déjà en prototype. Et ce n’est que le début.
« On passe d’un système de détection de fatigue à une véritable interface homme-machine basée sur le regard. C’est une révolution silencieuse qui est en train de se produire sous nos yeux… si je puis dire. »
Un ingénieur chez un grand équipementier automobile
Des interactions qu’on n’osait même pas rêver
Maintenant que la caméra est là et qu’elle fonctionne parfaitement même dans le noir total, les possibilités explosent. Et franchement, certaines idées font tourner la tête (sans mauvais jeu de mots).
- Changer de musique simplement en regardant l’icône Spotify pendant une seconde
- Accepter ou refuser un appel en fixant le bouton correspondant
- Régler la température côté passager en jetant un œil au cadran (très pratique quand madame a toujours froid)
- Faire défiler la carte GPS en suivant la route du regard
- Ouvrir le coffre en regardant dans le rétroviseur extérieur (pratique les bras chargés)
- Désactiver le limiteur de vitesse en fixant un bouton « confirmation » (avec double validation bien sûr)
J’ai testé certains de ces prototypes dans des salons auto confidentiels. Le sentiment ? C’est à la fois magique et un peu flippant. On se sent tout-puissant… jusqu’à ce qu’on se rende compte que la voiture nous observe en permanence.
Et la sécurité dans tout ça ?
C’est la grande question que tout le monde se pose. Est-ce que multiplier les interactions par le regard ne va pas, au contraire, distraire le conducteur ?
Les constructeurs jurent que non. Leur argument est plutôt solide : quand vous devez détourner le regard de la route pour appuyer sur un bouton physique ou toucher un écran, vous quittez la chaussée des yeux pendant 2 à 4 secondes en moyenne. Avec le suivi oculaire, c’est 0,3 seconde. Dix fois moins.
En gros, moins vous quittez la route des yeux, plus c’est sûr. C’est contre-intuitif, mais les chiffres parlent.
Les applications qu’on n’attendait pas
Au-delà du confort, il y a des usages qui pourraient vraiment changer la donne.
Par exemple, les voitures partagées ou les flottes d’entreprise. Imaginez louer une voiture : plus besoin de réglages interminables. La caméra vous reconnaît (oui, elle sait aussi faire de la reconnaissance faciale), charge votre profil et règle tout automatiquement : siège, rétros, radio préférée, température habituelle. Vous montez, elle vous reconnaît, c’est parti.
Autre idée fascinante : l’assurance comportementale. Certaines compagnies commencent à proposer des réductions si vous acceptez que votre regard soit analysé. Moins vous regardez votre téléphone, plus vous fixez la route, plus votre prime baisse. Big Brother ? Peut-être. Mais ça peut sauver des vies.
Vers une voiture qui vous comprend vraiment
Le plus intéressant, c’est peut-être ce que ça dit de l’évolution de notre relation avec la voiture.
On est en train de passer d’une machine qu’on commande avec les mains et les pieds à une sorte de prolongement de notre corps. Un peu comme quand on a adopté les écrans tactiles sur nos téléphones : au début c’était gadget, maintenant on ne peut plus s’en passer.
Et demain ? Certains parlent déjà de voitures capables de détecter votre humeur grâce à la dilatation de vos pupilles ou la direction de votre regard. Stressé ? Elle baisse la musique et active le mode massage dans le siège. Fatigué ? Elle vous propose un café au prochain arrêt. Amoureux ? Elle met votre playlist romantique (bon ok, j’invente un peu).
Les questions qui dérangent (et qu’il faut poser)
Évidemment, tout n’est pas rose.
Que deviennent toutes ces données sur où vous regardez ? Qui y a accès ? Combien de temps sont-elles conservées ? Et si quelqu’un pirate le système et vous force à regarder un endroit précis ?
Les réponses actuelles sont plutôt rassurantes : les données restent dans la voiture, elles sont anonymisées, etc. Mais on sait tous comment ça se passe avec les données… Elles finissent toujours par fuiter ou être revendues.
Et puis il y a la question de l’équité. Tout le monde n’a pas les mêmes yeux. Les personnes atteintes de strabisme, de nystagmus ou portant certaines lunettes risquent d’être pénalisées. Les constructeurs disent travailler dessus, mais on attend de voir.
Ce qui nous attend dans les 3-5 prochaines années
D’après ce que j’ai pu voir et comprendre, voici ce qui arrive à court terme :
- 2026 : les premières voitures de série avec interactions oculaires basiques (réglages clim, radio)
- 2027 : généralisation du paiement par le regard (péages, parkings, drive)
- 2028 : intégration dans les systèmes d’infodivertissement premium
- 2030 : combinaison regard + gestes + voix pour une interface totalement naturelle
Et après ? Certains ingénieurs que j’ai rencontrés parlent déjà de lentilles de contact connectées ou d’implants rétiniens. Là, on entre dans autre chose. Mais c’est une autre histoire.
Ce qui est sûr, c’est que la prochaine fois que vous monterez dans une voiture neuve, elle vous regardera différemment. Et vous aussi.
Personnellement, je trouve ça à la fois excitant et un peu vertigineux. Comme toutes les grandes avancées technologiques, finalement. On gagne en confort et en sécurité ce qu’on perd en intimité.
Mais quand je repense à mon bouchon sur l’autoroute du Soleil… je me dis que je suis prêt à signer.
Et vous ?
