Imaginez une ville où la gauche a toujours été majoritaire, où le rouge a longtemps dominé les urnes, et pourtant où, depuis cinq ans, un socialiste passe pour l’homme qui a « rendu la fierté » aux habitants. Saint-Denis, c’est exactement ça. Et à un an et demi des municipales de 2026, la question qui brûle toutes les lèvres n’est pas de savoir si la gauche va gagner – elle part favorite – mais si elle va réussir à se présenter unie ou si elle va, une fois encore, s’offrir en kit démonté à ses adversaires.
Ce mardi soir, dans une salle quelque part dans le centre-ville, ça sent le café trop chauffé et les discussions qui peuvent faire basculer une campagne. Un collectif citoyen baptisé On s’en mêle a décidé de taper du poing sur la table : ils ont invité tous ceux qui se réclament de la gauche et de l’union à venir s’expliquer devant les habitants. Et, surprise, presque tout le monde a dit oui.
Saint-Denis 2026 : l’union de la gauche plus proche qu’on ne le croit ?
J’étais récemment dans le quartier de la Plaine et, franchement, les gens ne parlent que de ça. Entre deux remarques sur le prix des loyers ou la propreté des rues, revient toujours la même phrase : « Si la gauche repart en morceaux, on est foutus. » Parce que oui, même ceux qui votent à gauche depuis toujours savent que Mathieu Hanotin, le maire socialiste sortant, a su parler à un électorat bien plus large que son propre camp. Il a joué la carte de la sécurité, du stade flambant neuf, des Jeux olympiques qui ont mis la ville sur la carte. Résultat ? Il peut dormir tranquille… tant que ses adversaires restent divisés.
Les acteurs du possible rassemblement
Alors, qui est autour de la table ce soir-là ?
- Bally Bagayoko, conseiller municipal insoumis, figure connue et appréciée dans les quartiers populaires.
- Les communistes, avec Sofia Boutrih et Farid Aïd, qui pèsent encore lourd dans la ville malgré les années.
- Bakary Soukouna et le mouvement Seine-Saint-Denis au cœur, qui incarne une gauche plus jeune, plus ancrée dans les réalités du terrain.
- Romain Potel, venu de Pierrefitte, preuve que le rassemblement dépasse les frontières communales.
- Et même un représentant du NPA, parce que dans l’idée d’union, personne ne veut laisser quelqu’un sur le bord de la route.
Ce qui est nouveau, c’est que les discussions ne sont plus au stade des sourires de politesse. On parle concret. On parle tête de liste. Et, paraît-il, les insoumis seraient prêts à laisser la place aux communistes si cela permet de sceller l’accord. Attendez… vraiment ? Dans la ville où LFI a fait ses meilleurs scores en 2020, ça serait un sacré geste.
« On est plus prêts à trouver un accord qu’à aller à la division. »
Une phrase qui circule en off chez les négociateurs
Mathieu Hanotin, l’adversaire qui dort sur ses deux oreilles
Pendant ce temps, le maire socialiste, lui, avance sans trop de bruit. Il répète qu’il a « redonné de la fierté » aux Dionysiens, qu’il a tenu parole sur la sécurité, qu’il a su attirer des entreprises, que le village olympique va devenir un quartier vivant. Et force est de constater que ça prend. Même dans des quartiers historiquement rouges, on entend des habitants dire : « Au moins, avec lui, on voit du changement. »
C’est ça, le vrai danger pour la gauche radicale : Hanotin a réussi à parler au-delà de son camp. Il a siphonné une partie de l’électorat populaire qui, autrefois, votait mécaniquement communiste ou insoumis. S’il y a trois ou quatre listes à gauche au premier tour, il passe tranquille. S’il n’y en a qu’une seule, crédible et rassemblée… là, ça devient une autre histoire.
Le rôle décisif des citoyens
Ce qui rend cette séquence passionnante, c’est que pour une fois, ce ne sont pas seulement les états-majors qui décident dans un bureau enfumé. C’est un collectif de citoyens, sans étiquette ou presque, qui met tout le monde face à ses responsabilités. Leur message est simple : on veut une seule liste, on veut un programme clair, et on veut savoir qui porte le projet.
Et ça marche. Parce que personne n’a envie d’être celui qui dira non à l’union devant deux cents habitants en colère. La pression populaire, ça change tout. Je me souviens des municipales de 2020 : à l’époque, les divisions avaient été fatales. Beaucoup ne veulent pas revivre ça.
Les points de blocage qui restent
Mais soyons honnêtes, rien n’est encore joué. Il reste des ego, des histoires anciennes, des divergences réelles aussi. Sur la sécurité, sur la gestion des équipements sportifs, sur la place de l’écologie dans le programme… il y a encore du boulot.
- Qui sera tête de liste ? Un communiste historique ou un insoumis charismatique ?
- Quelle place pour les plus petits mouvements ?
- Comment intégrer des propositions très radicales sans effrayer l’électeur médian ?
- Et surtout : est-ce que tout le monde acceptera de se ranger derrière le choix final ?
Ce sont ces questions qui seront, peut-être, tranchées dans les prochaines semaines. Ou pas.
Pourquoi ça nous concerne tous
Saint-Denis, ce n’est pas qu’une ville de banlieue. C’est un laboratoire. Ce qui s’y passe en 2026 dira beaucoup de choses sur l’état de la gauche en France. Si elle arrive à s’unir dans une ville où elle a toutes les chances de gagner, alors l’espoir renaît ailleurs. Si elle échoue encore, alors les discours sur le rassemblement resteront des mots vides.
Et puis il y a l’enjeu national. On le sait tous : 2026, c’est l’antichambre de 2027. Une victoire large à Saint-Denis, avec une liste vraiment unie, serait un signal fort envoyé à tout le pays. Un message du type : oui, on peut encore gagner en étant ensemble.
Alors ce soir, dans cette salle, il ne s’agit pas seulement de savoir qui sera maire en mars 2026. Il s’agit de savoir si la gauche est encore capable de se parler, de se respecter, et surtout de gagner.
Et quelque part, c’est beau à voir.
À suivre, évidemment. Parce que dans cette ville, rien n’est jamais écrit d’avance. Mais pour une fois, on a vraiment l’impression que quelque chose est en train de bouger. Et ça, franchement, ça fait du bien.
