Il y a des matins où tout bascule en quelques secondes. Lundi 24 novembre, vers 6 h 40, une averse de grêle transforme un bout d’autoroute A16 en patinoire. Huit voitures se percutent, trois blessés légers. Et puis, au milieu de ce chaos, un jeune homme de 25 ans s’arrête, sort de sa voiture, enfile son instinct de secourir avant même son casque. Il s’appelle Mathieu Cornu. Quelques instants plus tard, il n’est plus là.
On a tous déjà croisé ces silhouettes sur le bord des routes, ces gens qui stoppent net leur vie pour en sauver d’autres. La plupart du temps, on les remercie d’un coup de klaxon ou d’un signe de la main. Cette fois, la France entière a le cœur serré.
Un réflexe devenu destin
Mathieu n’était même pas en service ce matin-là. Il roulait simplement vers la caserne de Marquise, dans le Pas-de-Calais, pour prendre sa garde de pompier volontaire. Quand il a vu les premières voitures embouties près de Wimille, il n’a pas réfléchi. Il s’est garé, il est descendu. C’est ce qu’on appelle l’esprit pompier : sauver ou périr. Sauf que parfois, on périt.
Le premier accident, causé par la grêle, a déclenché deux suraccidents en sens inverse. Au total, six voitures légères, deux poids lourds, une dizaine de personnes impliquées. Et Mathieu, au milieu, fauché mortellement par un véhicule qui n’a rien pu faire.
« Il a porté secours et assistance au péril de sa vie. »
Message officiel des sapeurs-pompiers du Pas-de-Calais
Un garçon « taillé » pour aider les autres
À 25 ans, Mathieu cumulait déjà deux vies au service des autres. Pompier volontaire depuis plusieurs années, il travaillait aussi comme aide-soignant aux urgences de l’hôpital de Boulogne-sur-Mer. Ses collègues le décrivent comme quelqu’un qui ne savait pas dire non quand on avait besoin de lui.
Manon, sa compagne depuis sept ans, a partagé un message déchirant sur les réseaux : « J’ai perdu l’amour de ma vie… Un homme dévoué, passionné, guidé chaque jour par l’envie profonde d’aider les autres. » Sept ans d’amour, de rires, de complicité, balayés en un instant.
« C’était dans sa nature profonde. Il a toujours vécu pour aider. »
Manon, sa compagne
Ses amis le pleurent, la région entière aussi
Dans le petit village de Wimille, tout le monde connaissait Mathieu. Jacques Guyot, premier adjoint et ancien pompier volontaire, a du mal à parler : « C’est catastrophique pour la famille. Il a voulu aller tout de suite rendre service… C’est la devise : sauver ou périr. »
Ethan, un ami proche, très ému devant les caméras : « Je vais réussir à être pompier, comme ça au moins, il saura que j’ai réussi, de là-haut. » Simon, ami d’enfance, ajoute simplement : « Une personne incroyable. Un héros. »
- Il adorait les voitures anciennes et les rassemblements entre passionnés
- Un sourire communicatif qui mettait tout le monde à l’aise
- Toujours le premier à proposer son aide, même pour déménager un copain
- Un cœur immense dans un corps de jeune homme ordinaire
Une cagnotte et un rassemblement pour lui dire au revoir
Dès le lendemain, ses anciens collègues des urgences ont ouvert une cagnotte en ligne. L’objectif ? Soutenir sa famille et sa compagne dans cette épreuve. En quelques heures, des milliers d’euros ont été récoltés, preuve que le geste de Mathieu a touché bien au-delà de sa région.
Un rassemblement de voitures est également en préparation. Parce que Mathieu était un vrai passionné d’automobile, ses amis veulent lui rendre hommage sur ces routes qu’il aimait tant, mais cette fois en roulant doucement, phares allumés, en convoi silencieux.
Ces anges gardiens qu’on oublie trop souvent
En France, il y a environ 200 000 pompiers volontaires. Ils représentent près de 80 % des effectifs. La plupart ont un autre métier, une famille, une vie normale. Et pourtant, à n’importe quelle heure, ils laissent tout tomber quand la sirène retentit. Ou même, comme Mathieu, quand ils croisent simplement un accident sur leur trajet.
Ce drame rappelle cruellement que le danger est permanent. Chaque année, plusieurs pompiers meurent en intervention ou, comme ici, en dehors de toute garde officielle. Leur engagement est total, leur sacrifice parfois ultime.
« Malgré les risques, Mathieu a fait ce que font les sapeurs-pompiers : il a porté secours et assistance au péril de sa vie. Respect éternel à ce jeune homme courageux, généreux et dévoué. »
Commune de Marquise
Et nous, que peut-on faire ?
Je me pose la question à chaque fois qu’un tel drame arrive. On se sent impuissant. Alors voilà quelques pistes concrètes :
- Respecter les couloirs de sécurité quand on voit un accident (c’est obligatoire et ça sauve des vies)
- Ralentir systématiquement quand on voit des gyrophares, même loin
- Participer aux cagnottes quand elles sont lancées pour les familles
- Et surtout, dire merci. Un simple signe de la main aux pompiers sur la route, ça compte.
Parce que ces femmes et ces hommes risquent leur vie pour des inconnus. Et parfois, comme Mathieu, ils la perdent.
Mathieu Cornu avait 25 ans. Il laisse derrière lui une compagne brisée, une famille dévastée, des collègues orphelins de son sourire, et des milliers de gens qui ne le connaissaient pas mais qui pleurent aujourd’hui un frère d’humanité.
Repose en paix, Mathieu. Et merci. Merci d’avoir montré, une ultime fois, ce que signifie être pompier. Ce que signifie être humain.
Somewhere, là-haut, il doit déjà organiser les secours pour les anges qui arrivent trop vite.
