Imaginez-vous un instant à la place de ces parents. Vous déposez votre enfant de 3 ou 4 ans à l’école maternelle en lui faisant un bisou sur le front, persuadé qu’il passe la journée dans un cocon sécurisé. Et puis, des mois plus tard, on vous apprend que l’animateur chargé de veiller sur lui pendant la pause méridienne est soupçonné d’attouchements sur plusieurs petits… C’est le cauchemar que vivent plusieurs familles d’une école du 11e arrondissement de Paris depuis plus d’un an maintenant.
Ce mardi 25 novembre 2025, tout le monde pensait que la vérité allait enfin éclater au grand jour. Le procès devait avoir lieu. Les journalistes étaient là, les caméras aussi, les parents avaient pris leur journée. Et puis… rien. Ou presque. L’audience a duré à peine le temps d’ouvrir le dossier.
Un procès qui n’a même pas commencé
L’homme de 35 ans est arrivé libre. Oui, libre. Chemise claire, lunettes fumées, cheveux frisés, l’air un peu perdu face à la meute de micros qui l’attendait devant le tribunal. Quelques mots balbutiés – « c’est un emballement », « je nie tout » – avant de demander qu’on arrête de le filmer. Difficile de dire s’il était surpris ou simplement résigné.
À l’intérieur, l’ambiance était électrique. D’un côté, les parents, soudés comme jamais, occupant la moitié des bancs de la salle d’audience. De l’autre, lui. Seul. Car voilà le hic : son avocat commis d’office l’a lâché quelques jours avant l’audience. Sans défenseur, impossible de tenir un procès digne de ce nom.
Le président du tribunal n’a pas eu le choix. Entre l’absence d’avocat et l’arrivée de quatre nouvelles parties civiles par citation directe (des parents qui ont décidé de poursuivre eux-mêmes), il a renvoyé l’affaire au 26 mai 2026. Six mois d’attente supplémentaire pour les familles. Six mois de plus à vivre avec cette boule au ventre.
Neuf enfants concernés, des filles et des garçons
Les faits qui lui sont reprochés sont glaçants. Entre août 2024 et avril 2025, l’animateur aurait commis des atteintes sexuelles sur neuf enfants âgés de 3 à 5 ans. Des gestes inappropriés pendant les temps périscolaires, dans les couloirs, dans les toilettes, parfois même dans la cour de récréation. Des caresses sur les parties intimes, des baisers forcés, des mots déplacés. Le genre de choses qui vous retournent l’estomac quand on les lit dans un dossier judiciaire.
Et ce n’est pas tout. Deux animatrices de l’école se sont également constituées parties civiles pour harcèlement sexuel. Des remarques graveleuses, des gestes déplacés, une ambiance toxique. L’une d’elles a fini par craquer et tout raconter. C’est d’ailleurs souvent comme ça que ces affaires éclatent : une collègue qui ose parler, puis les enfants qui, petit à petit, livrent des bribes de ce qu’ils ont vécu.
« On se sent trahis à tous les niveaux. Par l’Éducation nationale, par la mairie, par le système de recrutement… Comment a-t-on pu laisser cet homme seul avec nos enfants pendant des mois ? »
– Un parent d’élève, à la sortie de l’audience
Un renvoi qui pose question
Franchement, je comprends que la défense ait droit à un avocat. C’est la base du droit. Mais quand on voit la gravité des faits et l’âge des victimes, on ne peut pas s’empêcher de grincer des dents. Six mois de plus, c’est long quand on a 4 ans et qu’on a vécu l’inimaginable.
En attendant, l’animateur reste sous contrôle judiciaire : interdiction formelle d’approcher les enfants, interdiction d’exercer toute activité en lien avec des mineurs. Des mesures qui paraissent évidentes, mais qui arrivent bien tard pour les familles concernées.
Le « MeToo des enfants » : une vague qui monte
Cette affaire n’est malheureusement pas isolée. On parle désormais ouvertement du MeToo des enfants. Depuis deux ans, les signalements pour violences sexuelles en milieu scolaire explosent. Crèches, écoles maternelles, centres de loisirs… Aucun endroit censé être « sûr » n’est épargné.
- En 2024, plus de 18 000 mineurs ont été victimes reconnues d’infractions sexuelles en France (source : ministère de l’Intérieur).
- Près d’un tiers de ces faits se sont produits dans le cadre scolaire ou périscolaire.
- 80 % des agresseurs présumés sont des hommes travaillant au contact direct des enfants.
Ce qui frappe, c’est la répétition du schéma : un adulte en position d’autorité, des enfants trop petits pour comprendre pleinement ce qui leur arrive, des collègues qui parfois « sentent » quelque chose mais n’osent pas parler, et puis un jour, tout explose.
Et maintenant ?
Les parents, eux, ne lâchent rien. Ils se sont organisés en collectif, ont pris des avocates spécialisées, et continuent de pousser pour que la lumière soit faite. Certains envisagent même des actions contre la Ville de Paris et l’Éducation nationale pour manquement à leur devoir de protection.
Car au-delà du procès pénal, il y a toute la question de la prévention. Comment se fait-il qu’un casier judiciaire vierge suffise parfois à être embauché auprès d’enfants ? Pourquoi les formations à la détection des signaux d’alerte sont-elles encore si rares ? Et surtout, comment accompagner au mieux ces petits qui ont vécu des choses qu’aucun enfant ne devrait vivre ?
Mai 2026, c’est loin. Très loin. Entre-temps, d’autres affaires risquent d’éclater. D’autres parents vont découvrir l’indicible. Et nous, on continuera à se demander comment protéger vraiment nos enfants dans les lieux où on les croit le plus en sécurité.
En attendant, une chose est sûre : la parole des enfants, même très jeunes, mérite d’être écoutée. Sans attendre six mois de plus.
