Vous souvenez-vous de l’époque où certains quartiers portaient des surnoms qui faisaient frémir toute une région ? À Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, il y en avait un qui résonnait comme une légende noire : Shitland. Un nom presque hollywoodien pour ce qui fut, pendant des années, l’un des plus gros supermarchés de drogue d’Île-de-France. Fermé en fanfare il y a douze ans, le voilà qui refait surface, ou du moins qui tente de le faire. Et franchement, ça donne des frissons.
Je passais souvent devant ces tours des Boullereaux quand j’étais plus jeune. On sentait déjà, rien qu’en levant les yeux, que quelque chose clochait. Aujourd’hui, des photos circulent et montrent que l’histoire pourrait bien repartir pour un tour.
Shitland, la légende qui ne veut pas mourir
Il y a des lieux qui marquent une ville au fer rouge. Shitland, c’était ça. Pas juste un point de deal parmi d’autres, non : une véritable entreprise. Des guetteurs aux interphones, des stocks dans les caves, des horaires d’ouverture, presque un organigramme. À son apogée, on parlait de plusieurs dizaines de milliers d’euros qui tournaient chaque jour dans cette seule cage d’escalier. Les habitants, eux, vivaient l’enfer au quotidien : ascenseurs bloqués, odeurs, bagarres, peur de sortir après 20 heures.
Puis est venu le grand coup de filet. Opération massive, hélicos, dizaines d’interpellations, saisies records. La machine s’est arrêtée net. Tout le monde pensait que c’était fini pour de bon. Douze ans plus tard, on se rend compte que la mémoire, parfois, est plus forte que les menottes.
Les signes qui ne trompent pas
Ce qui choque le plus, ce sont les photos prises récemment dans la tour centrale. Sur les murs, les messages sont clairs :
- Des tarifs affichés comme dans une vitrine : 20 € le barrette, 50 € les 10 grammes, etc.
- Des plaques d’immatriculation de véhicules de police municipale et nationale soigneusement relevées
- Des insultes directes aux forces de l’ordre, du genre « nique la police » en lettres géantes
- Et surtout, des références explicites au nom mythique du lieu
C’est presque du marketing. Comme si une poignée de jeunes – on parle d’une dizaine tout au plus – surfait délibérément sur la légende pour se faire une place. L’adjoint à la sécurité de la ville l’a dit sans détour : ils veulent « capitaliser sur le mythe ».
Ils surfent sur la légende du lieu pour essayer de relancer l’activité. C’est une provocation claire.
– Un élu local, photos à l’appui
Pourquoi maintenant ?
La question brûle les lèvres. Douze ans, c’est long. Les anciens caïds sont soit en prison, soit ont pris de l’âge, soit ont disparu du paysage. Alors pourquoi ce retour de flamme ? Plusieurs pistes se dessinent.
D’abord, la vacance du terrain. Les gros réseaux qui dictaient la loi autrefois se sont dispersés ou ont été décapités. La nature a horreur du vide, dit-on. Ensuite, l’effet légende. Pour une nouvelle génération, reprendre le flambeau de Shitland, c’est un peu comme porter le maillot numéro 10 d’une équipe mythique. Ça impose le respect dans la rue, même si ça ne dure qu’un temps.
Et puis il y a la réalité économique. Le trafic de résine de cannabis reste une manne incroyable avec très peu d’investissement initial. Un téléphone, quelques contacts au Maroc ou en Espagne, et le business peut redémarrer en quelques jours.
La réponse des autorités : vigilance maximale
La mairie n’a pas attendu pour réagir. Les photos ont été publiées sur les réseaux sociaux dès le lendemain, histoire d’alerter la population et de mettre la pression. Les services techniques ont déjà effacé les tags, mais tout le monde sait que ça ne suffira pas.
Des patrouilles renforcées sont annoncées, la vidéosurveillance va être vérifiée, et des discussions sont en cours avec la police nationale pour des opérations ciblées. L’idée, c’est d’étouffer cette tentative dans l’œuf avant qu’elle ne prenne trop d’ampleur.
Parce que si on laisse faire, le retour de Shitland pourrait devenir une réalité en quelques semaines. Et là, ce serait reparti pour des années de galère pour les habitants.
Les habitants entre ras-le-bol et résignation
Dans le quartier, les réactions sont contrastées. Il y a ceux qui n’ont rien vu venir, trop occupés à vivre leur vie. Et puis il y a les autres, ceux qui ont connu l’époque sombre et qui sentent la menace revenir.
Une mère de famille me confiait récemment : « On avait enfin un peu de calme, les enfants jouaient dehors sans crainte. Si ça recommence… » Elle n’a pas fini sa phrase. Pas besoin.
Ce qui frappe, c’est la lassitude. Beaucoup disent : « On a déjà donné ». Les promesses de rénovation, les discours sur la reconquête républicaine, tout ça, ils connaissent par cœur. Ce qu’ils veulent, c’est du concret. Des effectifs policiers en nombre, des caméras qui fonctionnent, des sanctions rapides.
Shitland, symbole d’un mal plus profond
Au-delà de l’anecdote, cette tentative de résurrection pose une question de fond : pourquoi, malgré tous les efforts, le trafic reprend-il toujours racine dans certains quartiers ?
Il y a évidemment le côté économique : le chômage des jeunes, l’absence de perspectives, l’argent facile. Mais il y a aussi tout le reste : l’urbanisme des années 70 avec ses tours et ses barres qui facilitent les planques, le sentiment d’abandon, parfois, de certaines zones.
Shitland n’est pas qu’un nom. C’est le symptôme d’un système qui, quelque part, a échoué à proposer autre chose à une partie de la jeunesse.
Et demain ?
Personne ne sait si ces quelques tags déboucheront sur un vrai retour du trafic organisé. Peut-être que oui, peut-être que non. Ce qui est sûr, c’est que la vigilance est de mise.
Les autorités jouent leur va-tout pour ne pas revivre le cauchemar d’il y a douze ans. Les habitants retiennent leur souffle. Et quelque part, dans l’ombre d’une cage d’escalier, une poignée de jeunes rêve de faire renaître la légende.
L’histoire n’est pas finie. Elle ne fait, peut-être, que recommencer.
(Article mis à jour le 25 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
