Imaginez : on est le 25 novembre 2025, la tournée d’automne vient de se terminer et, déjà, on sent l’odeur de la poudre deux ans avant la prochaine Coupe du monde en Australie. On a vu des mastodontes confirmer leur statut, d’autres trébucher là où on ne les attendait pas, et quelques sélectionneurs qui doivent se poser de sérieuses questions en rentrant chez eux. Franchement, rarement une fin d’année internationale n’aura été aussi parlante pour la suite.
Le rugby mondial a changé de visage. Il y a ceux qui avancent à marche forcée, ceux qui stagnent, et ceux qui donnent l’impression de reculer. Et au milieu de tout ça, une question qui brûle toutes les lèvres : qui sera vraiment prêt en 2027 ?
Le paysage mondial à l’aube du cycle 2027
À l’issue de cette fenêtre automnale, le classement World Rugby ne ment pas, mais il ne dit pas tout non plus. Certaines équipes ont joué seize matchs dans l’année, d’autres à peine huit avec leur meilleur quinze. Le nombre de rencontres, les absences liées aux Lions, les blessures… tout ça fausse un peu la photo. Alors prenons plutôt la température à la main, comme on dit, en regardant les résultats qui pèsent vraiment.
Aflantique du Sud : la machine qui ne s’arrête plus
Difficile de commencer par quelqu’un d’autre. Les Springboks version 2025, c’est tout simplement effrayant. Une nouvelle couronne au Rugby Championship, un Malcolm Marx élu meilleur joueur du monde, et surtout trois victoires références loin de leurs bases : Nouvelle-Zélande explosée 43-10, France battue 32-17, Irlande dominée 24-13. Quand on ajoute le dernier match contre le pays de Galles qui s’annonce comme une formalité, on tient là une équipe qui n’a quasiment plus de point faible.
Ce qui impressionne le plus ? La capacité à se renouveler sans jamais perdre son identité. On parle d’une profondeur de banc hallucinante, avec des jeunes comme Sacha Feinberg-Mngomezulu qui s’installent à l’ouverture ou des polyvalents comme André Esterhuizen testé avec succès en troisième ligne. On a même vu un pilier gauche se muer en talonneur convaincant. Tout ça porte la patte d’un homme : Rassie Erasmus.
C’est peut-être le secret le mieux gardé du rugby mondial : Erasmus ne laisse jamais son groupe s’endormir sur ses deux étoiles.
Il surprend, innove, provoque parfois, mais surtout il gagne. Et quand on est double champion en titre, qu’on vient de battre tous les cadors à l’extérieur, on peut légitimement se demander qui va réussir à les faire tomber en 2027.
Angleterre : le réveil tant attendu
Si on m’avait dit il y a un an que l’Angleterre arriverait à ce niveau-là, j’aurais probablement rigolé. Souvenez-vous : début 2025, ils pointaient à la 7e place mondiale et semblaient perdus. Aujourd’hui ? Troisièmes, onze victoires consécutives, un sans-faute en novembre et surtout un rugby qui fait plaisir à voir.
Steve Borthwick a trouvé la formule. Exit le jeu stéréotypé et prévisible, bonjour le mouvement, le rythme, l’efficacité. Les jeunes ont pris le pouvoir, les anciens ont retrouvé de l’allant, et le quinze de la Rose donne enfin l’impression d’avoir un projet clair. On les a vus pousser les Pumas dans leurs retranchements, dompter des Écossais revanchards et surtout battre des nations du Sud avec la manière.
Attention tout de même : le vrai test viendra lors du prochain Tournoi des Six Nations, face aux Irlandais et aux Français. Mais pour la première fois depuis longtemps, l’Angleterre fait vraiment peur.
Nouvelle-Zélande : l’annus horribilis
De l’autre côté du spectre, il y a les All Blacks. Et là, franchement, c’est compliqué. Dix victoires en treize matchs cette année, ça peut paraître correct… sauf quand on s’appelle Nouvelle-Zélande. Trois défaites qui ont fait mal : la première historique face à l’Argentine sur son sol, la pire raclée de l’histoire à domicile contre l’Afrique du Sud (10-43), et puis ce revers cinglant à Twickenham contre l’Angleterre.
- Inconstance chronique
- Indiscipline récurrente
- Défense friable
- Attaque sans inspiration
Scott Robertson, arrivé auréolé de ses titres avec les Crusaders, peine à imposer sa patte. Le projet de jeu semble flou, les joueurs ne semblent pas tous convaincus, et le staff a déjà connu plusieurs départs. Le capitaine Scott Barrett qui prend une année sabbatique, ça en dit long sur l’ambiance.
À deux ans du Mondial, les All Blacks sont dans le dur. Et quand on connaît l’exigence du rugby néo-zélandais, la pression va être terrible.
France : entre promesses et interrogations
Chez nous, c’est un peu le flou artistique. Fabien Galthié termine l’année avec un bilan mitigé : 55 % de victoires en 2025, soit son plus faible pourcentage depuis son arrivée. La claque contre l’Afrique du Sud (17-32) a fait mal, très mal, surtout au niveau défensif – 12 essais encaissés en trois matchs, c’est énorme.
Mais il y a aussi du positif : les victoires contre les Fidji et surtout cette performance XXL contre l’Australie (48-33). Sans Antoine Dupont, sans plusieurs cadres, les Bleus ont parfois donné l’impression de chercher leurs marques. Le sélectionneur l’a lui-même reconnu : on est un peu moins en place qu’en 2021.
Ce qui sauve ? L’émergence de jeunes talents, notamment au centre, et un réservoir qui semble enfin se garnir à certains postes. Le Tournoi 2026 démarrera par un France-Irlande qui s’annonce explosif. Si les Bleus retrouvent leur défense et leur liant, ils redeviendront candidats sérieux. Sinon… la route risque d’être longue jusqu’en Australie.
Irlande : le retour de Farrell plus compliqué que prévu
L’Irlande reste une énigme. Andy Farrell revient des Lions auréolé de succès, mais retrouve une sélection qui a un peu perdu de sa superbe. Deux victoires larges contre des nations plus faibles (Japon, Australie), deux défaites contre les cadors (Nouvelle-Zélande et Afrique du Sud). Le bilan est équilibré, mais la manière interpelle.
On a vu une équipe dominée physiquement par les Boks, qui a craqué mentalement face aux Blacks à Chicago. Pourtant, les chiffres de Farrell restent impressionnants : plus de 80 % de victoires depuis 2020. Mais pour redevenir la machine qui terrorisait tout le monde il y a deux ans, il va falloir un gros résultat dès le prochain Tournoi, en France ou en Angleterre.
Australie : dans l’attente de Les Kiss
Les Wallabies, eux, jouent les transitions. Joe Schmidt a été tiré à la corde toute l’année, et le bilan est rude : dix défaites en quinze matchs. Une tournée européenne sans la moindre victoire, du jamais-vu depuis 1957. Les problèmes structurels du rugby australien sont toujours là : réservoir limité, postes en souffrance, manque de continuité.
Les Kiss arrive l’été prochain. Il aura un peu plus d’un an pour tout remettre d’aplomb avant le Mondial à domicile. Mission quasi impossible ? Peut-être pas : l’intéressé connaît bien la maison, il est respecté, et son rugby offensif pourrait redonner des couleurs à cette équipe. Mais le temps presse.
Argentine : la régularité, éternel Graal
Enfin, les Pumas. Felipe Contepomi vit la même galère que ses prédécesseurs : des joueurs dispersés aux quatre coins de l’Europe, peu de temps pour construire du collectif, et donc une irrégularité chronique. Victoire de prestige contre les Lions, succès références contre les Blacks et les Wallabies… mais aussi des gifles mémorables (67-30 contre l’Afrique du Sud).
Sixième place mondiale, tête de série pour 2027 : c’est déjà ça de pris. Mais pour rêver plus grand, il faudra trouver le moyen de performer semaine après semaine, pas une fois tous les trois mois.
Alors, verdict ? À deux ans du grand rendez-vous australien, l’Afrique du Sud part avec une longueur d’avance énorme. Derrière, l’Angleterre monte en puissance, la France et l’Irlande ont les armes pour revenir, pendant que la Nouvelle-Zélande traverse la crise la plus sérieuse de son histoire récente.
Le rugby, c’est aussi ça : des cycles, des remontées spectaculaire, des chutes brutales. Rendez-vous dans deux ans pour savoir qui aura eu raison de douter… ou de croire.
