Vous souvenez-vous de votre grand-père qui racontait « son » service militaire comme un rite de passage incontournable ? Moi oui. Et pourtant, voilà plus de vingt-cinq ans que la conscription a été suspendue en France. Aujourd’hui, un homme politique de gauche relance la machine avec une idée qui fait grincer des dents : rendre le service national à nouveau obligatoire. Pas seulement militaire, mais aussi civique. Et il le fait au moment précis où l’exécutif s’apprête à dévoiler… un dispositif purement volontaire. Le choc des visions est total.
Un service obligatoire pour « sauver la Nation » ?
Imaginez la scène : un jeune de banlieue et un autre du XVIe arrondissement de Paris qui se retrouvent côte à côte pendant plusieurs mois, obligés de travailler ensemble, de dormir dans le même dortoir voisin, de partager les corvées. Pour Raphaël Glucksmann, c’est exactement ce genre de brassage qui manque cruellement à la France d’aujourd’hui. Selon lui, la République ne peut pas tenir si les classes sociales ne se croisent plus jamais.
« Un jeune né à Trappes ne croisera jamais dans sa vie un jeune qui est né dans le VIIe arrondissement bourgeois de Paris. Et ça ne peut pas fonctionner une République comme cela. »
– Raphaël Glucksmann
Cette phrase, brutale, résume tout. Elle dit la fracture territoriale, sociale, culturelle. Et elle pose une question qu’on évite soigneusement d’habitude : sommes-nous encore un seul peuple ?
Volontariat ou obligation : le cœur du désaccord
D’un côté, l’exécutif prépare l’annonce d’un service volontaire de dix mois, rémunéré plusieurs centaines d’euros. L’idée est séduisante sur le papier : attirer les jeunes motivés, sans contraindre personne. Sauf que, comme le souligne Glucksmann, ceux qui s’engageront seront… déjà les plus engagés. Les autres, ceux qu’on voudrait justement toucher, resteront chez eux.
L’obligation change tout. Elle force la mixité. Elle oblige le dialogue. Elle crée des souvenirs communs. En clair, elle fabrique du vivre-ensemble là où il n’existe plus spontanément.
- Le volontaire choisit son engagement → renforce les bulles existantes
- L’obligatoire impose la rencontre → casse les bulles
C’est un peu comme si on voulait intégrer une classe en ne prenant que les élèves déjà bons : ça marche pour les notes, pas pour l’égalité.
Militaire, civique, écologique : les pistes concrètes
Glucksmann ne veut pas remettre les appelés sous les drapeaux version 1990. Son idée est plus large. Chacun pourrait choisir sa voie :
- Une composante militaire classique (pour ceux qui veulent porter l’uniforme)
- Un engagement dans la transition écologique (reforestation, lutte contre les inondations, etc.)
- Du service dans le social (hôpitaux, EHPAD, accompagnement des plus fragiles)
- Des missions de sécurité civile ou de protection de l’environnement
L’idée séduit parce qu’elle répond à plusieurs urgences en même temps. On forme des réservistes dont l’armée a désespérément besoin. On crée des vocations dans les secteurs en tension. Et surtout, on redonne le goût de l’intérêt général à une génération qu’on accuse trop souvent d’individualisme.
Le précédent du Service National Universel : un échec cuisant ?
Beaucoup pointent déjà l’expérience du SNU, lancé en 2019. Deux semaines de stage cohesion + mission d’intérêt général volontaire. Résultat ? Un coût exorbitant, une logistique compliquée et surtout… un taux de participation qui plafonne. Les jeunes les plus éloignés de l’institution républicaine sont aussi les plus absents.
Le SNU prouve une chose : le volontariat seul ne suffit pas à toucher tout le monde. Il attire les déjà-convaincus et laisse les autres sur le bord de la route. C’est exactement ce que veut éviter le responsable de Place publique.
Et l’armée dans tout ça ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’armée française compte environ 200 000 militaires d’active et seulement 47 000 réservistes. L’objectif 2030 : passer à 210 000 actifs et surtout 80 000 réservistes. Soit presque doubler l’effort.
Un service obligatoire, même partiellement militaire, permettrait de constituer cette réserve sans recourir à des recrutements coûteux et incertains. C’est d’ailleurs l’argument massue des partisans de la conscription : on forme en masse, à moindre coût, des citoyens capables de défendre le pays si jamais…
« La défense de la France n’est pas que l’affaire des militaires. »
Et quand on voit les tensions géopolitiques actuelles, l’argument porte.
Les contre-arguments qu’on va vous servir (et comment y répondre)
Évidemment, les critiques fusent déjà.
- « C’est liberticide » → Réponse : on impose déjà l’école jusqu’à 16 ans, les vaccins obligatoires, les impôts… L’obligation républicaine n’est pas nouvelle.
- « Trop cher » → Réponse : le SNU coûte déjà cher pour peu de résultats. Un vrai service structuré mutualiserait les coûts et rapporterait en formation de réservistes.
- « Inutile, on a une armée pro » → Réponse : toutes les armées professionnelles du monde conservent une réserve citoyenne massive (Suisse, Israël, Finlande, Corée du Sud…).
- « Les jeunes vont détester » → Réponse : les sondages sur le service militaire d’avant 1996 montrent l’inverse : une majorité y voyait un moment fort de leur vie.
Personnellement, j’ai discuté avec des anciens appelés de tous milieux. Presque tous, même ceux qui râlaient à l’époque, vous diront aujourd’hui que c’était « formateur ». Drôle de paradoxe.
À gauche aussi, ça bouge
Ce qui est fascinant, c’est que l’idée fait son chemin même à gauche. Des voix chez les insoumis parlent désormais d’une « conscription citoyenne mixte » où la partie militaire ne serait qu’une petite portion, le reste étant dédié à l’écologie ou à la solidarité. Preuve que le sujet transcende les clivages traditionnels.
On assiste peut-être à la naissance d’un nouveau consensus : la Nation a besoin d’un moment collectif fort pour ses jeunes. Reste à savoir sous quelle forme.
Et vous, vous en pensez quoi ?
Franchement, je suis partagé. D’un côté, l’idée de forcer des centaines de milliers de jeunes à quitter leur zone de confort me séduit. De l’autre, je me demande si notre société, avec ses individualismes exacerbés, est encore capable d’accepter une telle contrainte.
Mais une chose est sûre : laisser la fracture sociale s’agrandir sans rien faire serait une faute historique. Alors, service volontaire gentillet ou vrai service universel et obligatoire ?
La réponse qu’on apportera dans les prochains mois dira beaucoup de l’idée qu’on se fait encore de la France.
(Article mis à jour le 25 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
