Il y a des moments où le sport redevient simplement humain. Dimanche après-midi, à l’entrée du Club Med de Tignes, la neige commence à tomber en gros flocons paresseux. Et là, au milieu des combinaisons techniques et des bonnets colorés, on voit un ancien champion les yeux humides. Pas parce qu’il a pris un vent froid en pleine figure, non. Parce qu’il voit arriver « sa » promotion 2025. Vingt-trois ans après avoir imaginé cet événement un peu fou, il est toujours là. Et ça, franchement, ça fait quelque chose.
Les Étoiles du Sport : plus qu’un rassemblement, une respiration
Depuis 2002, les Étoiles du Sport posent leurs valises à Tignes une semaine par an. L’idée de départ ? Mettre autour d’une même table (ou d’un même télésiège) les légendes du sport français et les jeunes pousses qui cognent à la porte du très haut niveau. Pas de conférence guindée, pas de PowerPoint à rallonge. Juste des discussions à bâtons rompus, des fous rires, parfois des larmes, et surtout cette transmission qui ne s’apprend dans aucune école.
Cette année pourtant, rien n’était gagné. L’euphorie des Jeux de Paris a laissé place à une gueule de bois financière chez beaucoup de partenaires. Les marques qui avaient mis le paquet sur 2024 se sont souvent évaporées dès la flamme éteinte. Et pourtant, l’événement est bien là, plus vivant que jamais. Comment ? En revenant à l’essentiel. À l’humain.
Quand le numérique s’efface devant le regard dans les yeux
On vit dans un monde où tout est liké avant même d’être vécu. Où les exploits se consomment en 15 secondes sur un smartphone. Et puis il y a Tignes, début décembre. Ici, un jeune espoir peut se retrouver à 8 heures du matin à prendre son petit-déjeuner à côté d’une triple championne olympique. Et parler. Vraiment parler.
« Rien ne vaut le rapport humain. Pouvoir toucher l’autre, le regarder dans les yeux… »
– Le fondateur des Étoiles du Sport, ému, en regardant arriver les athlètes
Cette phrase, je l’ai entendue plusieurs fois dans la journée. Et à chaque fois, elle résonne. Parce qu’en 2025, dire ça, c’est presque un acte de résistance.
2025 : l’année du rebond créatif
Pour survivre, l’organisation a dû se réinventer. Et plutôt bien, ma foi. Ils ont délocalisé des éditions régionales en Guadeloupe (oui, sous les cocotiers), en Moselle, en Normandie. Ils ont ouvert certaines sessions au grand public – et là, surprise, ça a cartonné. Les gens veulent voir les champions autrement que derrière un écran.
Résultat ? L’événement grandit sans se renier. Il sort de la bulle du très haut niveau pour irriguer plus largement. Et ça, c’est plutôt malin.
- Première édition en Outre-mer (Guadeloupe)
- Ateliers coachs renforcés en Normandie
- Ouverture au public à Tignes : succès immédiat
- Développement de partenariats universitaires
On sent que l’équipe a bossé dur. Et qu’elle a surtout refusé de brader l’âme de l’événement pour quelques euros de plus. Respect.
Un hymne par promotion : l’idée qui fait mouche
Ils ont déjà essayé avant les JO : faire écrire et enregistrer une chanson par les athlètes eux-mêmes. « Demain c’est Paris », ça avait mis tout le monde d’accord. Eh bien maintenant, chaque promotion aura SON hymne. Écrit sur place, composé sur place, chanté (plus ou moins juste) par ceux qui le vivent.
Imaginez : un soir, après une journée de ski ou de discussions intenses, tout le monde se retrouve autour d’un piano. Un médaillé olympique au clavier, une jeune prodige au micro, un autre qui tape le rythme sur une table. Et paf, naît l’hymne 2025. Frissons garantis.
Pourquoi ça marche encore après 23 ans ?
Parce que le sport de haut niveau, c’est aussi (surtout ?) une histoire de solitude. De doutes à 3 heures du matin. De blessures qui ne guérissent jamais vraiment. De pression qui broie. Et là, pendant une semaine, tu te retrouves entouré de gens qui savent. Qui ont vécu la même chose. Ou presque.
Un jeune athlète me confiait : « Ici, je peux dire que j’ai peur de rater, sans qu’on me prenne pour un faible. » Ça, aucune médaille ne peut l’acheter.
Et puis il y a ces moments magiques qu’on ne planifie pas. Une légende du handball qui prend sous son aile un gamin de 17 ans en escrime. Une championne d’athlétisme qui raconte ses échecs à une nageuse en plein doute. Des amitiés qui naissent et qui dureront bien au-delà de Tignes.
L’après-Paris 2024 : une gueule de bois salutaire ?
Paradoxal, non ? Les plus beaux Jeux de l’histoire récente, et derrière, un vide. Beaucoup de structures ont morflé. Budgets coupés, partenaires volatilisés. Mais parfois, se faire secouer permet de revenir à l’os. À ce qui compte vraiment.
Les Étoiles du Sport en sont la preuve vivante. Moins de moyens ? Qu’importe. On revient à l’authenticité. À la bienveillance. À ces valeurs qu’on brandit souvent mais qu’on applique rarement.
Et nous, dans tout ça ?
On regarde souvent le sport comme un spectacle. Des médailles, des records, des larmes sur le podium. Mais derrière, il y a des femmes et des hommes. Avec leurs failles, leurs doutes, leurs joies immenses aussi.
Les Étoiles du Sport, c’est un rappel. Que le sport, au fond, c’est une grande famille. Parfois dysfonctionnelle, souvent bruyante, mais une famille quand même. Et que dans cette famille, on se transmet bien plus que des techniques ou des stratégies. On se transmet de l’espoir.
Alors oui, il neige sur Tignes. Oui, il fait -12°C certains matins. Mais dans les couloirs du Club Med, dans les télécabines, autour des fondues du soir, il y a une chaleur qu’aucun sponsor ne pourra jamais acheter.
Et ça, vingt-trois ans après, c’est peut-être la plus belle victoire.
PS : Si un jour vous avez l’occasion de croiser un athlète qui revient des Étoiles du Sport, regardez-le dans les yeux. Vous verrez quelque chose de différent. Une petite flamme en plus. C’est ça, la magie de Tignes.
