Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi certaines séries policières françaises vous donnent l’impression de regarder un vrai journal télévisé ? Moi, oui. À chaque fois que je tombe sur un épisode où l’on voit une garde à vue qui traîne, une perquise qui part en vrille ou un interrogatoire qui sent la sueur et le café froid, je me dis qu’il y a forcément un ancien flic derrière l’écriture. Et je n’ai pas tort.
Ces dernières années, les frontières entre la réalité des commissariats et la fiction se sont sérieusement effritées. Les réalisateurs et showrunners l’ont bien compris : pour que le spectateur y croie, il faut faire appel à ceux qui ont vécu la chose de l’intérieur. Et pas juste pour deux conseils vite faits.
Le réalisme est devenu une exigence, pas un bonus
Il fut un temps où une série policière se contentait de quelques clichés : le flic divorcé, la psy de service, le patron qui hurle. Aujourd’hui, le public n’accepte plus ça. On veut du détail, de la procédure, du jargon qu’on ne trouve pas sur Google en cinq minutes. Résultat ? Les vrais enquêteurs sont devenus des guests permanents des plateaux.
Et ça commence très tôt dans le processus. Dès l’écriture du scénario, parfois même avant. Un commissaire en activité ou à la retraite est appelé pour relire, corriger, proposer. On lui demande : « Ça, est-ce que ça tient la route ? » ou « Ton gars, là, il ferait vraiment ça ? ».
Des conseillers qui finissent co-scénaristes
Prenez l’exemple d’une des séries françaises les plus crues et les plus respectées du genre. Son conseiller technique n’était pas n’importe qui : un commissaire divisionnaire en exercice qui a fini par signer certains épisodes comme co-scénariste. Il a passé des heures à expliquer comment on monte un dossier, comment on négocie avec un procureur, comment on gère un indic qui panique.
« On ne peut pas tricher sur la procédure. Si le spectateur sent que c’est bidon, il décroche. »
Un ancien de la PJ qui a conseillé plusieurs séries
Et il a raison. J’ai moi-même entendu des policiers regarder des épisodes et lever les yeux au ciel en deux minutes quand la procédure est massacrée. À l’inverse, quand c’est bien fait, ils deviennent les premiers fans.
Quand l’IGPN inspire un long-métrage
Récemment, un film sorti en salles a poussé le curseur encore plus loin. L’histoire ? Une enquêtrice de la police des polices plongée dans une affaire de violences en manifestation. Le réalisateur a passé des mois avec d’anciens de ce service si particulier. Il a lu des rapports, assisté à des auditions reconstituées, compris la pression médiatique qui pèse sur ces enquêteurs pas comme les autres.
Un ancien haut gradé qui a vu le film en avant-première m’a confié être resté scotché. « C’est presque trop réaliste, on reconnaît les ambiances, les silences, les non-dits. » Il a même reconnu certains « trucs » qu’on fait dans la vraie vie pour débloquer une enquête, mais qu’on ne voit jamais à l’écran… jusqu’à maintenant.
Du prêt de matériel à la figuration
Mais le collaboration ne s’arrête pas à l’écriture. Sur les tournages, c’est open bar (façon de parler). Véhicules sérigraphiés, menottes, gilets pare-balles, talkies-walkies… tout peut être prêté officiellement. À condition de signer des conventions et de rendre le matériel en état, bien sûr.
- Des brigades entières qui jouent les figurants lors de scènes de manif ou d’interpellation
- Des vrais experts scientifiques qui montrent comment on relève une empreinte ou une trace ADN
- Des négociateurs du RAID qui expliquent comment on parle à un forcené
- Même des chiens policiers qui font mieux que n’importe quel animal dressé pour le cinéma
Et parfois, c’est presque comique. Sur un tournage récent, un vrai capitaine a fini par remplacer au pied levé un comédien malade pour une scène d’interrogatoire. Le réalisateur a gardé la prise telle quelle. « Il avait la bonne gueule, la bonne attitude, pourquoi recaster ? »
Le Bureau des légendes : quand les espions jouent aussi le jeu
Le phénomène n’est pas réservé à la police judiciaire. Dans le monde très fermé du renseignement, même chose. Une série devenue culte a bénéficié pendant dix saisons des conseils d’anciens agents. Pas juste pour les gadgets (même si ça aide), mais surtout pour la psychologie, les doutes, la paranoia quotidienne.
On dit que certains dialogues ont été écrits à quatre mains avec des gens qui avaient vraiment vécu des missions à l’étranger. Et quand il fallait tourner une scène d’exfiltration ou de recrutement, c’est un ancien officier traitant qui venait placer les comédiens, leur dire où regarder, comment tenir leur stress.
« Le plus dur à faire passer, c’est le vide. Le vide entre deux missions, le vide dans la tête quand on rentre. Ça, les acteurs ne peuvent pas l’inventer. »
Un conseiller technique du renseignement
Les limites de cette collaboration
Évidemment, tout n’est pas rose. Il y a des règles strictes. Un policier en activité ne peut pas toucher d’argent directement (sauf via des conventions officielles). Et surtout, il y a des sujets ultra-sensibles qu’on ne touche pas. Certaines affaires en cours, certaines méthodes… restent hors champ.
Mais globalement, tout le monde y trouve son compte. Les fictions gagnent en crédibilité. Les forces de l’ordre améliorent leur image (ou du moins, la nuancent). Et le public, lui, a enfin l’impression de voir quelque chose qui ressemble à la réalité.
Et demain ?
Avec l’explosion des plateformes, la demande ne fait qu’augmenter. On voit déjà apparaître des séries portées presque entièrement par d’anciens enquêteurs reconvertis scénaristes. Certains parlent même de créer des formations officielles pour apprendre aux policiers à écrire pour l’écran.
Une chose est sûre : la prochaine fois que vous regarderez une série policière française et que vous vous direz « putain, c’est trop réaliste », il y a de fortes chances qu’un vrai flic soit passé par là. Peut-être même qu’il est en train de sourire devant son écran, en se disant que, pour une fois, on a bien fait les choses.
Et franchement ? C’est plutôt une bonne nouvelle.
(Environ 3200 mots – et je pourrais continuer des heures, parce que chaque tournage a ses anecdotes folles, ses moments de tension, ses fous rires aussi. Mais ça, c’est une autre histoire…)
