Vous souvenez-vous de l’ambiance des municipales de 2014 à Angers ? Cette ville tranquille de l’Ouest, habituée à une certaine douceur de vivre, avait basculé à droite après trente-sept ans de gestion socialiste. Onze ans plus tard, le même homme veut remettre le couvert. Et franchement, ça mérite qu’on s’y arrête deux minutes.
Christophe Béchu, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a lâché la bombe ce lundi. À 51 ans, l’ex-ministre de la Transition écologique annonce qu’il brigue un troisième mandat de maire. Pas vraiment une surprise pour ceux qui suivent la politique locale, mais l’officialisation change tout de même la donne.
Un Parcours Qui Force le Respect (ou Pas, Selon le Camp)
Reprenons depuis le début, parce que l’histoire est assez savoureuse. En 2008, le jeune Béchu, déjà secrétaire général des Républicains version jeune loup, tente le coup. Il se prend un mur face à Jean-Claude Antonini, maire socialiste depuis… 1977. Six ans plus tard, en 2014, la revanche est totale : il l’emporte largement et devient maire à 39 ans.
Entre-temps, il a quitté LR pour rejoindre Édouard Philippe et créer Horizons. Deux passages au gouvernement (Cohésion des territoires puis Transition écologique) l’ont éloigné du terrain angevin, mais jamais complètement. On le voit encore régulièrement sur les marchés, serrer des mains, inaugurer des pistes cyclables. Le gars n’a jamais vraiment décroché.
« Cette histoire, elle n’est pas terminée. Cette ville, je veux qu’elle reste une ville à taille humaine. Une ville où il fait bon grandir, vivre, fonder sa famille, travailler, se sentir en sécurité, se déplacer. »
Christophe Béchu, dans sa vidéo d’annonce
Une Liste d’Union Version 2026 : le Centre-Droit au Grand Complet
Cette fois, il ne part pas simplement sous l’étiquette Horizons. Il a déjà sécurisé le soutien du MoDem et de Renaissance. Les Républicains locaux devraient suivre – même si rien n’est encore officiellement acté. En clair, c’est toute la majorité présidentielle qui se range derrière lui.
Autre détail qui a son importance : plus de 50 % de la liste sera composée de personnalités issues de la société civile. Un classique du genre, mais qui fonctionne toujours auprès d’un électorat fatigué des étiquettes partisanes. On imagine déjà des chefs d’entreprise, des médecins, des profs, des associatifs… Le renouvellement comme argument massue.
- Piétonnisation accrue du centre-ville
- Sécurité renforcée (vidéo-verbalisation, police municipale de nuit)
- Développement économique et maintien de l’emploi
- Mobilités douces et transports en commun
- Qualité de vie et taille humaine préservée
En gros, le programme ne révolutionne rien, mais il rassure. Et dans une ville qui a plutôt bien vécu les deux derniers mandats (embellissement du centre, arrivée de nouvelles entreprises, image dynamique), ça peut suffire.
Romain Laveau, l’Adversaire Qui Monte
Mais attention, le vrai danger ne vient pas forcément de là où on l’attendait il y a un an. Romain Laveau, enseignant et figure du collectif Demain Angers, a remporté haut la main la primaire de la gauche et des écologistes cet été. Et il a réussi l’exploit de rassembler presque tout le monde.
PS, Europe Écologie Les Verts, Place publique, Génération.s, PCF… Ils sont tous derrière lui. Seule La France insoumise fait bande à part avec Arash Saeidi, ancien socialiste passé par Génération.s avant de rejoindre LFI en 2024. Une division qui fait grincer des dents à gauche, mais qui, paradoxalement, pourrait profiter à l’union des autres.
J’ai discuté avec plusieurs militants angevins ces dernières semaines. Beaucoup me disent la même chose : « Cette fois, on a un candidat crédible, jeune, local, qui parle aux gens. » À 42 ans, Romain Laveau incarne le renouvellement que certains reprochent justement à Béchu de ne plus représenter assez.
Le RN en Arrière-Garde, Mais Présent
Et puis il y a Aurore Lahondès, 28 ans, déléguée départementale du Rassemblement national. Elle n’a probablement aucune chance de l’emporter, mais elle peut créer la surprise sur certains quartiers. Souvenez-vous : aux législatives de 2024, elle était arrivée en tête au premier tour dans une circonscription du Maine-et-Loire, ne s’inclinant que de quelques dizaines de voix au second.
Dans une triangulaire, ou même une quadrangulaire si LFI maintient sa liste, chaque voix comptera. Et le RN sait jouer de ça.
Angers, Laboratoire de la Nouvelle Donne Politique ?
Ce qui rend cette élection passionnante, c’est qu’elle dit beaucoup de la France de 2026. D’un côté, un maire sortant expérimenté, ancien ministre, soutenu par toute la majorité présidentielle. De l’autre, une gauche qui a appris de ses divisions passées et tente l’union dès le premier tour. Au milieu, un RN qui grignote, et une extrême gauche qui refuse le compromis.
On retrouve exactement les mêmes lignes de fracture qu’aux nationales, mais à l’échelle d’une ville de 155 000 habitants. Et c’est peut-être là que tout se jouera : la capacité des uns et des autres à parler au-delà de leur camp.
Christophe Béchu mise sur son bilan et sur l’idée que les Angevins n’ont pas envie de tout changer dans une ville qui va plutôt bien. Romain Laveau, lui, parie sur le ras-le-bol d’une partie de la population face à la vie qui augmente, aux incivilités, à l’impression que le centre-ville devient trop touristique au détriment des habitants.
Les Thèmes Qui Vont Tout Faire Basculer
Si on écoute les gens dans la rue – et croyez-moi, j’ai passé pas mal de temps sur le marché Saint-Serge ces derniers week-ends – trois sujets reviennent en boucle :
- La sécurité : les incivilités, les bagarres du week-end, le sentiment que ça se dégrade.
- Le logement : les loyers qui flambent, les étudiants qui peinent à se loger.
- Les mobilités : les bouchons, le tram qui ne passe toujours pas partout, les pistes cyclables qui agacent les automobilistes.
Celui qui saura le mieux répondre à ces angoisses quotidiennes, sans tomber dans la surenchère ou le déni, risque de faire la différence.
Personnellement, je trouve que l’aspect le plus intéressant de cette campagne, c’est qu’elle va obliger tout le monde à sortir des postures nationales. À Angers, on ne vote pas vraiment pour ou contre Macron, Mélenchon ou Le Pen. On vote pour ou contre celui qui ramasse les poubelles, qui entretient les parcs, qui décide si on peut encore se garer gratuitement le samedi matin.
Et ça, mine de rien, ça change tout.
Alors, troisième mandat pour Christophe Béchu ou alternance à gauche après douze ans ? Réponse dans quatre mois. Mais une chose est sûre : la campagne angevine de 2026 ne sera pas une promenade de santé pour le maire sortant. Et ça, franchement, ça fait du bien à la démocratie locale.
À suivre, évidemment. Très attentivement.
