Vous avez déjà eu cette sensation bizarre en regardant votre Livret A ? Ce petit carnet bleu qui dormait tranquille depuis vingt ans et qui, d’un coup, ne rapporte presque plus rien. Moi oui, récemment. Et je ne suis visiblement pas le seul.
En octobre 2025, les Français ont retiré net 5,1 milliards d’euros de leurs Livret A et LDDS. C’est la plus grosse décollecte jamais enregistrée pour un mois d’octobre. Et pourtant, dans le même temps, le taux d’épargne national a grimpé jusqu’à 18,7 % du revenu disponible – un niveau qu’on n’avait plus vu depuis les années 70, hors Covid. Cherchez l’erreur.
Le grand désamour avec le Livret A
Revenons deux ans en arrière. Début 2023, le Livret A affichait encore un joli 3 % annualisés. Tout le monde se précipitait dessus, l’encours explosait, on se disait que l’État avait enfin compris qu’il fallait rémunérer correctement l’épargne populaire. Et puis patatras.
Febvrier 2025 : 2,4 %. Août 2025 : 1,7 %. Aujourd’hui, avec une inflation qui tourne autour de 2 %, le Livret A fait perdre de l’argent en pouvoir d’achat. Résultat ? Les retraits s’enchaînent mois après mois. Octobre a simplement été le point d’orgue de cette fuite silencieuse.
« La décollecte d’octobre est historique par son ampleur. On assiste à une vraie rupture de comportement pour le Livret A. »
Un spécialiste reconnu du marché de l’épargne
Et pourtant, l’argent ne disparaît pas dans la nature. Il change simplement de poche.
L’assurance-vie, grande gagnante du moment
Septembre 2025 : 14,9 milliards d’euros de collecte nette sur les contrats d’assurance-vie. Du jamais-vu pour un mois de septembre. Pourquoi ce raz-de-marée ?
- Les fonds euros servent aujourd’hui autour de 2,6 % attendus pour 2025, parfois plus chez certains acteurs agressifs.
- Ils restent garantis en capital (ou presque).
- La fiscalité reste ultra-avantageuse après 8 ans de détention.
- Et surtout : les assureurs ont retrouvé des marges de manœuvre grâce à la remontée des taux obligataires.
Bref, l’assurance-vie redevient sexy. J’ai même vu des conseillers en gestion de patrimoine sourire à nouveau quand on prononce le mot « fonds euros ». C’est dire.
Le LEP, ce survivant discret
Dans ce paysage, il y a quand même un rescapé : le Livret d’Épargne Populaire. Avec son taux à 3,5 % net d’impôt (oui, vous avez bien lu), il continue d’attirer ceux qui y ont encore droit.
Mais attention : beaucoup de LEP ont été fermés au printemps 2025 quand les revenus 2023 des ménages ont dépassé les plafonds. Résultat, l’encours stagne autour de 80 milliards et la collecte d’octobre n’a été que de +20 millions. Peanuts à l’échelle nationale.
Dommage, parce que pour les 8-9 millions de Français encore éligibles, c’est objectivement le meilleur placement liquide du marché aujourd’hui.
Mais alors, où va vraiment tout cet argent ?
On pourrait croire que les Français se ruent sur la Bourse. Eh bien… pas tant que ça. La part des actions dans le patrimoine financier des ménages reste stable, autour de 20-22 %. Autrement dit, on ne devient pas subitement une nation de traders.
Non, l’argent se repositionne surtout vers trois grandes poches :
- L’assurance-vie (on l’a vu).
- Les comptes courants et dépôts à vue (oui, beaucoup gardent simplement l’argent liquide en attendant).
- Et, dans une moindre mesure, les plans d’épargne retraite (PER) qui profitent de la défiscalisation et du besoin de préparer l’après.
Certains osent aussi les SCPI ou les cryptos, mais on parle là de minorités actives, pas du grand public.
Ce que ça dit de nous, les Français
Ce mouvement est fascinant parce qu’il révèle une maturité nouvelle. Pendant longtemps, on nous a reproché d’être trop prudents, trop « Livret A ». Là, on voit que quand le rendement n’est plus au rendez-vous, on sait bouger.
On n’est plus dans le réflexe pavlovien « sécurité avant tout, même si ça rapporte zéro ». On compare, on arbitre, on accepte parfois un peu plus de risque pour un meilleur rendement. C’est plutôt sain, non ?
Après, soyons honnêtes : beaucoup attendent aussi le prochain mouvement de taux. Si la BCE baisse encore en 2026, les fonds euros pourraient à nouveau devenir moins attractifs. Et là, l’argent repartira ailleurs. Peut-être vers la Bourse cette fois ? L’histoire n’est pas finie.
Et demain ? Quelques scénarios possibles
Imaginons 2026 :
- Si l’inflation reste sous 2 %, le Livret A pourrait descendre vers 1-1,5 %. La décollecte continuerait.
- Si les fonds euros confirment 2,8-3 % en 2026, l’assurance-vie garderait la main.
- Si jamais la Bourse fait +15 % dans les douze prochains mois (ce qui n’a rien d’impossible), on verra enfin les actions remonter dans le cœur des Français.
En attendant, une chose est sûre : le Livret A ne sera plus jamais le placement refuge automatique. Il a perdu son aura. Et quelque part, c’est une bonne nouvelle pour l’économie : cet argent qui dormait pourrait enfin financer des projets, des entreprises, de la croissance.
Parce qu’au final, épargner c’est bien. Faire travailler son épargne, c’est mieux.
Et vous, vous avez déjà fait le grand saut hors du Livret A ? Ou vous attendez encore un miracle sur les taux ? Dites-moi tout en commentaire, ça m’intéresse vraiment.
