Vous vous souvenez de l’hiver dernier ? Celui où la grippe a cogné si fort qu’on en parlait encore au printemps. Eh bien figurez-vous que cette fois, quelque chose a changé. Profondément.
En à peine un mois et demi de campagne, plus de 8,3 millions de doses de vaccin contre la grippe saisonnière ont déjà été délivrées dans les pharmacies. C’est énorme. Et surtout, c’est inédit.
Un démarrage fulgurant qui change la donne
Quand on regarde les chiffres de plus près, on reste scotché. +22 % par rapport à la saison précédente à la même période. Et +11 % par rapport à l’avant-dernière. Autrement dit, on n’a jamais vu ça depuis des années.
À titre de comparaison, on représente déjà presque la moitié des personnes prioritaires vaccinées. Près de 43,7 % des 19 millions de Français éligibles ont déjà sauté le pas. L’an dernier à la même époque ? On était loin du compte. Très loin.
Franchement, en tant que simple observateur de la santé publique depuis des années, je n’aurais jamais parié là-dessus. On avait plutôt l’habitude de voir les campagnes traîner en longueur, avec des relances désespérées en janvier quand l’épidémie faisait déjà des ravages.
Pourquoi ce sursaut soudain ?
La première explication, et probablement la plus évidente : la mémoire encore vive de l’hiver 2024-2025. Plus de 17 000 décès attribués à la grippe. Des services d’urgence saturés. Des familles endeuillées bien au-delà des statistiques officielles.
Quand on a vécu ça (ou quand on a vu ses proches le vivre), on réfléchit différemment. Le vaccin passe soudain du statut de « conseil annuel qu’on oublie » à celui de bouclier vital.
« Les gens se souviennent. C’est aussi simple que ça. Quand on a eu peur une fois, on n’a pas envie de recommencer. »
– Un pharmacien de banlieue parisienne, croisé la semaine dernière
Les messages enfin mieux compris
Autre élément intéressant : les autorités ont semble-t-il réussi à mieux séparer les discours grippe et Covid cette année. Pendant longtemps, on a tout mélangé. « Faites-vous vacciner contre les deux en même temps ! » Résultat ? Beaucoup de gens se sont dit « si c’est pour deux, je ne fais rien ».
Cette fois, le message grippe est revenu au premier plan. Clair. Distinct. Et ça marche.
Preuve en est : seulement 1,7 million de doses anti-Covid administrées en ville contre 8,3 millions antigrippales. L’écart est abyssal. Mais pour une fois, c’est plutôt une bonne nouvelle : ça veut dire que les gens ne boycottent pas la vaccination par principe. Ils choisissent simplement… la grippe en priorité.
Qui se vaccine vraiment ?
- Les plus de 65 ans, évidemment, restent en première ligne
- Les personnes avec maladies chroniques (diabète, insuffisance respiratoire, etc.)
- Les femmes enceintes, souvent plus vigilantes cette année
- Et surprise : beaucoup plus de parents qui vaccinent aussi leurs enfants fragiles
J’ai discuté avec plusieurs médecins généralistes récemment. Tous disent la même chose : « On voit arriver des patients qu’on n’avait jamais vus pour la grippe avant. Des quinquas en bonne santé apparente qui disent simplement : j’ai vu ce que ça a fait à mon voisin l’an dernier. »
Attention, il ne faut pas crier victoire trop vite
Oui, les signaux sont excellents. Oui, on est sur une dynamique jamais vue. Mais il reste des zones d’ombre.
D’abord, l’épidémie n’a pas vraiment commencé. Quelques cas chez les enfants, oui. Mais le gros des troupes virales arrive généralement en décembre-janvier. Rien n’est joué.
Ensuite, on sait que l’efficacité du vaccin varie d’une année sur l’autre selon les souches. L’an dernier, elle était particulièrement faible contre certaines variantes. Cette année ? On croise les doigts.
« Un bon taux de vaccination, c’est bien. Un vaccin bien adapté aux souches circulantes, c’est mieux. Idéalement, il nous faut les deux. »
Et si on atteignait enfin les 60-70 % de couverture ?
Historiquement, on tourne autour de 45-50 % chez les plus de 65 ans. C’est déjà pas mal, mais c’est insuffisant pour créer une vraie immunité collective.
Cette année, si la dynamique se maintient, on pourrait franchir un cap psychologique important. Vers les 60 %, peut-être plus. Et là, les épidémiologistes commencent à parler d’un vrai tournant.
Moins de formes graves. Moins d’hospitalisations. Moins de décès. Et surtout : moins de saturation des hôpitaux quand le Covid reviendra lui aussi en force.
Ce que ça dit de nous, en tant que société
Il y a quelque chose de profondément humain dans ce mouvement. On a eu peur. On a souffert. Et au lieu de se replier ou de nier, une partie significative de la population a choisi d’agir.
C’est rare. C’est précieux. Et ça mérite d’être salué.
Parce que finalement, la vaccination, ce n’est pas qu’une histoire de seringue et de bras. C’est une histoire de mémoire collective. De solidarité intergénérationnelle. De confiance (même fragile) dans la science et dans les institutions.
Et cette année, pour une fois, ça semble fonctionner.
Alors oui, il reste du chemin. Oui, certains groupes restent sous-vaccinés. Oui, il faudra confirmer ces tendances dans les prochaines semaines.
Mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai l’impression qu’on est en train de gagner une bataille qu’on avait presque abandonnée.
Et si cet hiver 2025-2026 était enfin celui où la grippe redeviendrait… une simple grippe ?
À suivre. De très près.
