Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passait vraiment dans la tête de quelqu’un lors d’un premier rendez-vous ? Pas juste les petites voix habituelles, non, mais carrément un conseil de guerre complet, avec des personnages qui hurlent, se contredisent et tentent de prendre le contrôle ? Moi, jusqu’à la semaine dernière, je trouvais ça réservé aux dessins animés. Et puis j’ai vu Follement(e), et j’ai compris que les Italiens venaient de réinventer la comédie romantique avec une idée aussi folle que géniale.
Imaginez la scène : un appartement romain, une bouteille de vin à moitié vide, deux personnes qui se découvrent… et soudain, hop, on plonge dans leurs cerveaux. Lui, c’est un bordel grisâtre où quatre mecs se battent pour diriger la manœuvre. Elle, un salon ultra-féminin, tout en couleurs et coussins, où quatre femmes s’écharpent sur la stratégie à adopter. Et pendant que les deux tourtereaux essaient de faire connaissance, leurs émotions, incarnées par de vrais acteurs, commentent absolument tout en direct. Chaque silence gênant, chaque compliment maladroit, chaque regard un peu trop insistant devient un champ de bataille.
Quand Vice-Versa rencontre Quand Harry rencontre Sally (mais en plus déjanté)
Le pitch pourrait faire peur : « encore un film qui copie Vice-Versa ». Sauf que non. Là où Pixar jouait sur des émotions primaires universelles (Joie, Tristesse, Colère…), Paolo Genovese va beaucoup plus loin. Il crée des archétypes ultra-contemporains, parfois clichés, souvent désarmants de vérité. Chez l’homme, on trouve le macho pur et dur, l’intello donneur de leçons, l’amoureux transi qui fond dès qu’elle sourit, et le cynique qui pense déjà qu’elle va le ghoster. Côté femme : la romantique incurable, la féministe qui décortique chaque phrase, la séductrice qui veut accélérer les choses, et la raisonnable qui tente (en vain) de calmer le jeu.
Et le plus fou ? Ces émotions ne sont pas des effets spéciaux. Ce sont de véritables comédiens italiens, connus et adorés là-bas, qui se lâchent complètement. Résultat : on rit jaune, on rit gras, on rit aux éclats, parfois tout en même temps.
Un casting qui porte le film à bout de bras (et de neurones)
Commençons par le couple principal. Edoardo Leo et Pilar Fogliati sont parfaits. Lui joue Piero, la quarantaine un peu paumée, gentil mais maladroit, le genre d’homme qu’on a tous croisé un jour. Elle est Lara, pétillante, drôle, mais avec cette pointe de méfiance qu’ont beaucoup de trentenaires d’aujourd’hui. Leur alchimie est immédiate, crédible, touchante. On a envie qu’ils s’en sortent, même quand tout part en vrille dans leurs têtes.
Mais les véritables stars, ce sont les émotions. Mention spéciale à Claudio Santamaria, méconnaissable en macho bodybuildé qui hurle « Vas-y, embrasse-la tout de suite ! » dès la première minute. Ou à Claudia Pandolfi, incroyable en voix de la raison qui tente désespérément de garder le contrôle pendant que les autres s’étripent. Chaque second rôle est choisi avec un soin diabolique : on sent que le réalisateur connaît parfaitement le vivier comique italien et qu’il s’est fait plaisir.
Franchement, je n’avais pas ri comme ça au cinéma depuis des lustres. À certains moments, j’avais mal aux côtes.
Pourquoi ce film résonne autant aujourd’hui
Parce qu’il parle de nous, tout simplement. De cette génération qui analyse tout, qui sur-réfléchit, qui a peur de se lancer. Les hommes coincés entre leur éducation à l’ancienne et la nécessité de se moderniser. Les femmes qui jonglent entre envie de romance et vigilance permanente. Le film ne prend jamais parti, il observe, il taquine, il exagère juste ce qu’il faut pour qu’on se reconnaisse.
Et puis il y a cette idée géniale : pendant que les deux protagonistes font très attention à ce qu’ils disent, leurs émotions, elles, balancent tout haut ce qu’on pense tout bas. Le malaise devient comique, la tension sexuelle explose en gags, les non-dits se transforment en pugilat verbal. C’est cathartique.
- Le moment où le macho veut que Piero dise « T’es grave bonne » et que l’intello hurle « Non mais tu vas reformuler ça tout de suite ! » → mort de rire
- La féministe qui démonte chaque compliment un peu trop classique → on se sent visé, et c’est parfait
- La romantique qui fond quand il parle de ses plantes → tellement vrai
- Le cynique qui parie déjà que ça finira mal → on a tous un pote comme ça dans la tête
Un succès qui ne doit rien au hasard
En Italie, le film a dépassé les 2 millions d’entrées. Pas mal pour une comédie sans star hollywoodienne, sans effets spéciaux à 200 millions. Juste une idée forte, un scénario en béton et des acteurs qui s’amusent comme des fous. C’est le genre de succès qui redonne foi dans le cinéma populaire intelligent.
Et chez nous ? Il sort discrètement un mercredi de novembre, coincé entre les blockbusters et les films d’auteur. Dommage. Parce que Follement(e) mérite largement qu’on se déplace. C’est le genre de film qu’on recommande à tout le monde ensuite, qu’on veut revoir avec des amis pour repérer les détails qu’on avait ratés la première fois.
Alors, est-ce qu’ils finissent ensemble ?
Je ne vous dirai rien. Ou plutôt si : allez voir. Parce que la réponse n’est pas si importante. Ce qui compte, c’est le chemin, les embardées, les fous rires, les moments de tendresse volés entre deux disputes mentales. C’est une ode à l’imperfection amoureuse, à ces ratés magnifiques qui font qu’on tombe amoureux pour de vrai.
Personnellement, je suis sorti de la salle avec le sourire jusqu’aux oreilles et l’envie irrésistible d’appeler un ex pour lui dire que, finalement, ses émotions avaient peut-être raison sur certains points. Ça, c’est la marque d’un grand film.
Alors oui, courez voir Follement(e). Prenez quelqu’un avec qui vous avez déjà eu un premier rendez-vous chaotique. Ou quelqu’un avec qui vous rêveriez d’en avoir un. Vous allez rire, vous allez rougir, et surtout, vous allez passer un excellent moment.
Et si jamais vos émotions se mettent à parler pendant le film… ne les faites pas taire. Elles ont sûrement des choses intéressantes à dire.
Durée : 1h37 – En salles depuis le 26 novembre – Comédie romantique italienne réalisée par Paolo Genovese.
