Imaginez la scène : un ancien chef d’État, encore il y a peu acclamé par des millions de Brésiliens, qui franchit le seuil d’une cellule de quelques mètres carrés. Pas de palais présidentiel, pas de foule en délire. Juste le bruit métallique d’une porte qui se referme. Ce mardi 26 novembre 2025, Jair Messias Bolsonaro, 70 ans, a commencé à purger une peine de 27 années de prison. Une condamnation qui fait déjà trembler tout un continent.
Franchement, quand on suivait la politique brésilienne ces dernières années, on sentait que ça finirait mal. Mais de là à voir l’ex-capitaine derrière les barreaux aussi rapidement… Personne n’aurait parié là-dessus il y a encore six mois.
Un verdict qui a fait l’effet d’un coup de tonnerre
Revenons un peu en arrière. En septembre dernier, la Cour suprême brésilienne a rendu un arrêt historique : Jair Bolsonaro est reconnu coupable d’avoir été le cerveau d’une organisation criminelle visant à renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2022. Objectif ? Rester au pouvoir par la force, coûte que coûte.
Les faits reprochés sont lourds. Très lourds.
- Planification d’un coup d’État militaire après la victoire de Lula
- Projet (non exécuté) d’assassinat du président élu et de son vice-président
- Mobilisation de groupes extrémistes pour bloquer les institutions
- Discours répétés mettant en cause la fiabilité des urnes électroniques
Ce qui a particulièrement marqué les juges, c’est le niveau de préparation. On ne parle pas de simples déclarations enflammées sur les réseaux sociaux. Des documents, des réunions secrètes, des contacts avec des officiers supérieurs… Tout était consigné. Le procureur général a même parlé d’un « scénario à la turque » qui n’a échoué que parce que l’état-major des forces armées a refusé de suivre.
« Il ne s’agissait pas d’un délire isolé, mais d’un véritable complot structuré pour briser la démocratie brésilienne. »
– Un magistrat de la Cour suprême, lors du prononcé du verdict
La tentative de fuite qui a tout précipité
Depuis août, Bolsonaro était assigné à résidence avec un bracelet électronique. Une mesure déjà humiliante pour l’ancien président qui continuait à clamer son innocence et à se présenter comme victime d’une « persécution politique ».
Et puis, dans la nuit du vendredi au samedi dernier, l’impensable se produit.
Vers minuit, les services de surveillance remarquent que le signal du bracelet faiblit. Les caméras montrent Bolsonaro, seul dans sa chambre, en train d’approcher un fer à souder de l’appareil. Il tente littéralement de le brûler pour s’en débarrasser. Alertée, la police fédérale débarque en quelques minutes. Game over.
Le juge chargé du dossier, Alexandre de Moraes – celui-là même que les bolsonaristes surnomment « le dictateur en robe » –, n’a pas hésité une seconde. Risque de fuite avéré, proximité d’ambassades étrangères (dont celle des États-Unis, rappelons l’amitié avec Trump), manifestation de soutien prévue le lendemain… Toutes les conditions étaient réunies pour une évasion.
Le lendemain matin, l’ordre tombe : détention immédiate.
Une cellule « VIP »… mais une cellule quand même
Ne vous imaginez pas Bolsonaro dans une geôle infâme avec rats et cafards. Non. Il reste dans les locaux de la Police fédérale de Brasilia, là où sont détenues les grandes figures politiques en attente de jugement. Une petite pièce équipée d’un lit, d’un climatiseur, d’une télévision et même d’un mini-réfrigérateur. C’est spartiate, mais c’est loin d’être l’enfer de certaines prisons brésiliennes.
D’ailleurs, ses avocats ont déjà déposé une demande pour qu’il purge sa peine en résidence surveillée, comme un autre ancien président condamné pour corruption il y a quelques années. Motif invoqué : son état de santé fragile, séquelles de l’attentat au couteau de 2018, crises de hoquet chronique, etc.
Mais pour l’instant, la réponse est non. Et ça risque de durer.
La réaction du clan Bolsonaro : entre colère et désarroi
Flavio Bolsonaro, le fils aîné et sénateur, s’est rendu dès mardi matin au parloir. À la sortie, il était rouge de colère :
« Mon père est indigné, révolté. Il subit une persécution inédite dans l’histoire du Brésil. S’il lui arrive quoi que ce soit en prison, on saura qui est responsable. »
Du côté des soutiens historiques, c’est la sidération. Beaucoup refusent encore d’y croire. Sur les réseaux, les hashtags #LibertemBolsonaro et #PerseguiçãoPolítica explosent. Des manifestations sont déjà prévues pour les prochains jours.
Mais il y a aussi ceux qui, dans le camp de droite, commencent à prendre leurs distances. Car sans Bolsonaro candidat en 2026, c’est tout l’échiquier politique qui se retrouve bouleversé.
Et maintenant ? Le vide à droite
Lula, 80 ans passés, a déjà annoncé qu’il briguerait un quatrième mandat. À gauche, l’unité semble se reforger autour de lui. À droite ? C’est le chaos.
Personne n’a le charisme, la base militante ni la notoriété de Bolsonaro. Ses fils ? Trop clivants. Les gouverneurs conservateurs ? Trop régionaux. Les militaires ? Ils ont déjà dit qu’ils restaient en dehors.
Certains analystes n’hésitent plus à parler d’un « orphelin politique » de la droite brésilienne. Et si cette condamnation signait, paradoxalement, la fin d’un cycle pour le bolsonarisme radical ?
Un précédent qui fait école en Amérique latine
Ce n’est pas la première fois qu’un ancien président finit en prison au Brésil – souvenons-nous de Lula lui-même, incarcéré 580 jours avant que ses condamnations ne soient annulées. Mais c’est la première fois qu’un leader d’extrême droite, élu démocratiquement, écope d’une peine aussi lourde pour tentative de coup d’État.
Le message est clair : au Brésil, la démocratie a failli basculer en janvier 2023 (les émeutes de Brasilia, c’est l’équivalent local du 6 janvier américain). Et cette fois, la justice a décidé de frapper fort pour que ça ne se reproduise plus.
Dans les chancelleries d’Amérique latine, on observe la situation avec attention. En Argentine, au Pérou, en Bolivie… partout où des leaders populistes ont tenté de s’accrocher au pouvoir, le cas Bolsonaro fait jurisprudence.
Et Trump dans tout ça ?
Impossible de ne pas évoquer l’éléphant dans la pièce : Donald Trump. Les deux hommes sont proches depuis des années. Quand la condamnation est tombée, le président américain (réélu) a immédiatement réagi en menaçant le Brésil de sanctions commerciales. Puis, après une rencontre avec Lula, il a fait machine arrière.
Mais la question demeure : Trump va-t-il laisser « son ami Jair » croupir en prison sans rien faire ? Certains parient sur une grâce présidentielle américaine (théoriquement possible si Bolsonaro obtenait l’asile), d’autres pensent que Washington a trop à perdre dans ses relations avec Brasilia.
Une chose est sûre : les prochains mois vont être tendus.
Alors, où va le Brésil après cette journée historique ?
Pour la première fois depuis la fin de la dictature militaire en 1985, un ancien président purge une peine aussi longue pour des faits aussi graves. C’est à la fois une victoire pour les institutions… et un avertissement à tous ceux qui seraient tentés de jouer avec la démocratie.
Quant à Jair Bolsonaro, il a 70 ans. 27 ans de prison, même avec des remises de peine possibles, ça ressemble furieusement à une fin de vie derrière les barreaux.
Triste épilogue pour celui qui se présentait comme le sauveur de la nation.
Ou peut-être, qui sait, le début d’une légende pour ses partisans. L’histoire, comme toujours, tranchera.
