Imaginez un peu la scène. Vous achetez aux enchères le contenu d’un box de stockage abandonné, comme on en voit dans les émissions américaines. Vous ouvrez les valises… et vous tombez sur les restes de deux enfants. C’est exactement ce qui s’est passé en août 2022 à Auckland. Ce jour-là, une famille entière a basculé dans l’horreur et un pays tout entier s’est figé.
Ce qu’on a appelé les « meurtres de la valise » est sans doute l’une des affaires criminelles les plus glaçantes de ces dernières années en Océanie. Et ce mercredi 26 novembre 2025, la justice néo-zélandaise a rendu son verdict : prison à perpétuité avec une période de sûreté de 17 ans. Derrière ce jugement, une mère. Derrière cette mère, deux petites filles qui n’ont jamais eu la chance de grandir.
Une découverte qui glace le sang
Tout commence par une banale vente aux enchères. Un garde-meuble récupère un box impayé depuis des années et décide de liquider son contenu. Une famille fait l’affaire du siècle : remorque, meubles, objets divers… et deux grandes valises qui semblent lourdes. Personne ne se doute de rien.
Quand ils ouvrent la première valise chez eux, l’odeur est insoutenable. Puis vient la seconde. À l’intérieur, les corps momifiés de deux enfants. L’un a environ 6 ans, l’autre 8 ans. Les enquêteurs mettront plusieurs semaines à identifier les petites victimes : Minu et Yuna, deux sœurs portées disparues depuis… personne ne sait exactement quand.
Ce qui choque immédiatement, c’est le temps. Les légistes estiment que les fillettes sont mortes entre trois et cinq ans plus tôt. Autrement dit, quelqu’un a vécu normalement pendant tout ce temps en sachant que deux enfants pourrissaient dans des valises au fond d’un box.
Une mère en fuite vers la Corée du Sud
Très vite, les enquêteurs remontent jusqu’à la locataire du box. Une femme d’origine coréenne, naturalisée néo-zélandaise. Elle a loué l’espace en 2018, puis plus aucune nouvelle. En creusant, on découvre qu’elle a quitté le pays peu après la disparition présumée de ses filles. Direction la Corée du Sud, où elle a changé d’identité.
Pendant quatre ans, elle a refait sa vie là-bas. Travail, appartement, nouvelle identité. Comme si rien ne s’était passé. Il faudra une coopération internationale sans faille et une extradition pour la ramener à Auckland en 2022. À son retour, elle n’a pratiquement pas desserré les dents.
Elle est restée tête baissée tout le long du procès, les cheveux devant le visage. On aurait dit qu’elle voulait disparaître.
Un observateur présent aux audiences
Ce que les autopsies ont révélé
Les corps étaient dans un état de momification naturelle, ce qui a permis de retrouver des indices précieux. Les analyses toxicologiques ont parlé sans ambiguïté : les deux enfants sont mortes d’une overdose massive de médicaments. Le genre de dose qu’on ne s’administre pas tout seul à 6 ou 8 ans.
Aucun signe de violence physique extérieure. Pas de coups, pas de strangulation. Juste cette quantité astronomique de substances dans leur petit corps. Les experts ont parlé d’une mort lente, probablement pendant leur sommeil. Une façon de faire qui laisse songeur sur l’intention : éviter la souffrance ou éviter les cris ?
- Pas de traces de lutte
- Pas de blessures antérieures
- Une dose létale calculée pour chaque enfant
- Les valises achetées peu après le décès
Autant d’éléments qui ont convaincu le jury en moins de deux heures de délibération.
Un silence assourdissant au procès
Ce qui a marqué les esprits pendant le procès, c’est le mutisme total de l’accusée. Pas un mot pour sa défense. Pas un regard vers les photos de ses filles. Même quand le verdict est tombé, aucune réaction. Juste ce visage caché derrière une cascade de cheveux noirs.
J’ai suivi pas mal d’affaires criminelles, mais rarement une où l’accusé semblait aussi… absent. Comme si la personne jugée n’était plus vraiment là. Certains y voient une forme de dissociation, d’autres un calcul froid. La vérité, on ne la connaîtra peut-être jamais.
Pourquoi ce crime ? Les hypothèses qui restent
C’est la question qui hante tout le monde : pourquoi ? On a beau tourner le problème dans tous les sens, aucune réponse claire n’émerge.
Des proches ont parlé d’une mère apparemment normale avant la disparition. Pas de signalements pour maltraitance. Pas de problèmes psychiatriques connus. Puis d’un coup, ce basculement. Certains évoquent une dépression sévère post-partum qui aurait dégénéré des années plus tard. D’autres parlent de pressions culturelles ou familiales insupportables.
Ce qui est sûr, c’est que cacher les corps pendant aussi longtemps demande une organisation froide. Payer le box tous les mois (jusqu’à ce qu’on ne puisse plus), déménager à l’autre bout du monde, changer de nom… Ce n’est pas l’acte impulsif d’une personne en crise. C’est réfléchi. Planifié.
La peine : 17 ans avant toute libération possible
En Nouvelle-Zélande, la prison à perpétuité n’est pas symbolique. Avec une période de sûreté de 17 ans, cela signifie que la condamnée, aujourd’hui âgée de 45 ans, ne pourra pas demander de libération conditionnelle avant ses 62 ans. Et encore, rien ne garantit qu’elle l’obtienne un jour.
Le juge a été clair : ce crime combine une gravité exceptionnelle et une absence totale de remords. Les 17 ans ne sont pas un hasard. C’est le minimum légal pour un double infanticide sans circonstances atténuantes reconnues.
Et après ? Une société qui se regarde dans le miroir
Cette affaire a secoué la Nouvelle-Zélande bien au-delà du fait divers. On s’est demandé comment deux enfants avaient pu disparaître sans que personne ne donne l’alerte. L’école ? Les voisins ? La famille élargie ? Personne n’a vu que ces petites n’étaient plus là depuis des années.
Il y a eu des débats sur le suivi des enfants scolarisés à domicile (les fillettes l’étaient), sur les signalements obligatoires, sur la santé mentale des parents isolés. Des commissions ont été créées. Des lois sont en discussion.
Parce qu’au fond, derrière l’horreur pure, il y a cette question lancinante : aurait-on pu éviter ça ?
Ce que cette affaire nous dit de plus grand
Les infanticides maternels, on en parle peu. Pourtant, ils existent. Et ils sont souvent entourés du même silence, de la même invisibilité. Une mère qui tue ses enfants, ça bouscule tous nos schémas. On préfère imaginer le monstre extérieur plutôt que celui qui berce, qui nourrit, qui borde le soir.
Ce genre d’affaire nous rappelle que la frontière entre amour et destruction peut parfois être terriblement fine. Et que derrière chaque fait divers, il y a des vies brisées qui ne se réparent pas.
Minu et Yuna n’auront jamais 15 ans. Elles resteront à jamais ces deux petites silhouettes qu’on imagine dans leurs valises, quelque part entre l’oubli et l’éternité.
Et nous, on continue de se demander comment c’est possible.
