Vous est-il déjà arrivé de scroller pendant des heures et de tomber sur une pub qui promet monts et merveilles ? Une silhouette parfaite, une prise de poids rapide, une vie transformée en quelques semaines… Le tout avec trois petites gélules par jour. C’est exactement ce qui est arrivé à Emmy.
À 21 ans seulement, cette jeune femme pleine de vie s’est retrouvée plongée dans un cauchemar dont elle ne ressort toujours pas complètement. Et elle n’est pas seule. Elles sont déjà onze à se préparer à témoigner devant la justice. Onze vies abîmées par le même produit, vendu par la même personne, avec les mêmes promesses mensongères.
L’enfer a commencé par un simple clic
Emmy n’a jamais été très épaisse. Comme beaucoup de jeunes femmes, elle complexait sur sa silhouette fine, presque trop fine à son goût. Elle rêvait d’arrondir un peu ses formes, de se sentir plus « femme ». Rien de bien méchant. Alors quand elle a vu cette publicité qui promettait +10 kg en un mois « 100 % naturel, sans sport, sans régime oublié », elle a cliqué.
Le site était bien fait. Photos avant/après impressionnantes, témoignages élogieux, composition soi-disant végétale. Le genre de boutique en ligne qui inspire confiance au premier regard. Prix attractif, livraison rapide, discrète. Quelques jours plus tard, un petit colis arrivait chez elle, rempli de jolies gélules roses baptisées « Boost ton poids » ou un nom du même style.
Elle a commencé le traitement avec enthousiasme. Les deux premières semaines, tout allait bien. Même un peu trop bien : elle prenait effectivement du poids, se sentait gonflée, mais heureuse. Puis les effets secondaires sont arrivés. D’abord discrets. Ensuite violents. Insoutenables.
Des symptômes qui s’aggravent de jour en jour
Ça a débuté par des maux de ventre. Puis des nausées permanentes. Ensuite sont venues les palpitations cardiaques, les sueurs froides, les vertiges. Emmy raconte qu’à un moment, elle avait l’impression d’avoir un lance-flammes à l’intérieur du corps. Elle brûlait de l’intérieur tout en tremblant de froid.
Les urgences, puis les examens. Les médecins n’en revenaient pas. Ses analyses sanguines étaient catastrophiques. Foie en souffrance, reins qui lâchent, troubles hormonaux graves. Et surtout, une substance qu’ils n’arrivaient pas à identifier tout de suite.
« J’ai cru que j’allais mourir. Vraiment. Je ne pouvais plus marcher, plus manger, plus dormir. J’étais devenue l’ombre de moi-même en quelques semaines à peine. »
Emmy, 21 ans
Après plusieurs jours d’hospitalisation, les toxicologues ont fini par mettre un nom sur le poison : un cocktail de substances interdites en Europe, importées directement de Chine, dont certaines sont classées comme stupéfiants dans plusieurs pays. Des dérivés d’amphétamines détournés, des hormones de croissance animales, des corticoïdes à haute dose… Un mélange explosif vendu comme « complément alimentaire naturel ».
Une vendeuse de 25 ans jugée pour mise en danger de la vie d’autrui
La personne derrière tout ça ? Une jeune femme de 25 ans habitant en région parisienne. Elle importait les gélules par centaines de milliers, les revendait via plusieurs boutiques en ligne et surtout via les réseaux sociaux. Le business était florissant : plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois, en liquide ou en cryptomonnaies pour brouiller les pistes.
Quand les premières plaintes ont commencé à arriver, elle a tenté de faire disparaître les preuves. Suppression des sites, des comptes, des publicités. Trop tard. Les enquêteurs ont retrouvé la trace des colis, des paiements, des messages privés où elle rassurait les clientes paniquées en leur disant que « c’est normal, le corps se detoxifie ».
Aujourd’hui, elle doit répondre de toute une série de chefs d’accusation très lourds :
- Importation et cession illégale de médicaments
- Blessures involontaires avec ITT supérieure à 3 mois
- Mise en danger délibérée de la vie d’autrui
- Tromperie sur la marchandise
- Blanchiment
- Travail dissimulé
Le procès, initialement prévu fin 2025, a été reporté au printemps 2026. Le temps pour les victimes de se constituer partie civile et de préparer leurs témoignages.
Des séquelles qui ne partiront jamais complètement
Emmy, elle, vit toujours avec les conséquences. Atteintes hépatiques irréversibles, troubles hormonaux qui nécessitent un traitement à vie, infertilité probable, fatigue chronique. À 21 ans. Elle qui rêvait simplement d’un corps un peu plus rond se retrouve avec un corps abîmé pour toujours.
Et le pire, c’est qu’elle n’est pas un cas isolé. Les médecins qui l’ont prise en charge affirment avoir vu passer plusieurs jeunes femmes dans le même état ces derniers mois. Même symptômes, même produit ou des déclinaisons très proches. Certaines ont fait des comas. D’autres ont des atteintes cardiaques définitives.
J’ai discuté avec l’une des avocates des parties civiles. Elle m’a confié, hors micro : « On a affaire à une véritable épidémie silencieuse. Les produits changent de nom toutes les semaines, les boutiques ferment et renaissent sous un autre nom. C’est un jeu du chat et de la souris permanent. »
Comment ces produits arrivent-ils encore jusqu’à nous ?
La réponse est à la fois simple et terrifiante : il n’y a presque aucun contrôle sur les compléments alimentaires vendus en ligne, surtout quand ils viennent de l’étranger. Un colis qui passe la douane avec l’étiquette « thé vert » ou « vitamines » a toutes les chances de ne jamais être ouvert.
Ensuite, les plateformes de réseaux sociaux jouent un rôle énorme. Les algorithmes adorent les vidéos avant/après spectaculaires. Une influenceuse qui prend 15 kg en un mois ? Ça fait des millions de vues. Et derrière chaque vue, il y a un lien affilié qui rapporte de l’argent.
Aujourd’hui encore, en faisant une recherche rapide, on trouve des dizaines de produits similaires. Nouveaux noms, nouvelles étiquettes, mêmes promesses. Le business n’a pas disparu, il s’est juste déplacé.
Ce que nous devrions tous retenir de cette histoire
Emmy ne veut pas qu’on la plaigne. Elle veut qu’on comprenne. Qu’on arrête de croire que tout ce qui brille sur internet est vrai. Que prendre des médicaments ou compléments sans avis médical, c’est jouer à la roulette russe avec son corps.
Prendre du poids ou en perdre, ça peut se faire sainement. Avec du temps, de la patience, un accompagnement sérieux. Pas avec des pilules magiques venues d’on ne sait où.
Et surtout, elle veut que la justice aille jusqu’au bout. Que la vendeuse soit condamnée lourdement. Que les plateformes soient obligées de mieux contrôler ce qui s’y vend. Que les douanes renforcent les contrôles. Bref, que plus jamais une jeune femme de 20 ans ne vive ce qu’elle a vécu.
Parce qu’aujourd’hui, Emmy va mieux. Elle marche à nouveau, sourit parfois, reprend doucement goût à la vie. Mais chaque matin, quand elle prend ses dix médicaments pour protéger son foie et ses reins, elle se souvient. Et elle se dit que ça, personne ne devrait avoir à le vivre.
Si vous avez une amie, une sœur, une fille qui parle de commander des gélules miracles sur internet… parlez-lui d’Emmy. Parfois, une histoire vraie vaut tous les discours du monde.
Prenez soin de vous. Vraiment.
