Imaginez-vous à la place d’un habitant de Kiev ou de Kharkiv. Quatre années presque jour pour jour que les sirènes hurlent, que les lumières s’éteignent, que l’on compte les morts. Et soudain, en cette fin novembre 2025, tout semble s’accélérer comme si quelqu’un avait appuyé sur la touche « avance rapide » d’une guerre qu’on croyait figée pour toujours.
Je ne vais pas vous refaire l’historique complet – vous le connaissez par cœur. Ce qui m’interpelle aujourd’hui, c’est ce décalage brutal entre la détermination affichée à Bruxelles et le mépris glacial qui sort du Kremlin. Et surtout, cette ombre américaine qui plane désormais sur toute négociation.
L’Europe refuse de baisser la garde
Ce mercredi 26 novembre, la présidente de la Commission européenne a été particulièrement claire devant le Parlement à Strasbourg. Pas de demi-mesure : l’Union européenne maintiendra la pression sur Moscou tant qu’une paix juste et durable ne sera pas garantie. Point final.
Ce n’est pas qu’une formule. Derrière, il y a du concret : finalisation d’un mécanisme juridique pour utiliser les avoirs russes gelés (on parle de centaines de milliards) afin de financer un prêt massif – 140 milliards d’euros – directement à Kiev. C’est énorme. C’est aussi un signal politique fort : non, l’Europe ne tourne pas la page.
« L’Europe se tiendra aux côtés de l’Ukraine à chaque étape »
– Présidente de la Commission européenne, 26 novembre 2025
Quand on entend ça, on sent la volonté de ne pas se faire doubler par une diplomatie parallèle qui pourrait tout balayer en quelques coups de fil entre Washington et Moscou.
Les lignes rouges européennes
Bruxelles a listé ses exigences, et elles sont non négociables :
- Aucune limitation imposée aux forces armées ukrainiennes (sinon c’est la porte ouverte à une nouvelle agression)
- Des garanties de sécurité solides et crédibles
- Respect total de la souveraineté et des frontières internationalement reconnues
- Des mécanismes de réparation et de reconstruction financés en grande partie par la Russie elle-même
Autrement dit : pas question d’un « deal » qui ressemblerait à une capitulation déguisée. L’Europe sait très bien que si elle lâche maintenant, son poids géopolitique en prendrait un coup durable.
La réponse russe : « inutile »
Du côté du Kremlin, la réplique n’a pas traîné. Un conseiller diplomatique de haut rang a balayé les efforts européens d’un revers de main : les Européens chercheraient à se mêler « de manière tout à fait inutile ».
Le ton est sec, presque amusé. Et pourtant, le même responsable glisse qu’il voit « certains points positifs » dans le plan américain en discussion. Traduction : Moscou est prêt à parler… mais uniquement avec ceux qui comptent vraiment à ses yeux désormais.
C’est violent pour l’orgueil européen, soyons honnêtes. Après avoir porté l’effort de guerre économique (sanctions, énergie, soutien militaire via les États membres), se faire traiter comme un figurant alors que l’émissaire personnel du président américain s’apprête à débarquer à Moscou… ça fait mal.
Le plan américain qui change tout
Revenons sur ce qui a mis le feu aux poudres. Un projet de plan de paix, d’abord très favorable aux exigences russes, a circulé. Tollé général. Puis, week-end à Genève oblige, une version révisée est sortie des discussions entre Américains, Ukrainiens et Européens.
Ce nouveau texte est apparemment plus équilibré. Kiev a parlé de « principes acceptables » tout en pointant encore des « points sensibles ». On imagine sans mal lesquels : le statut des territoires occupés, le désarmement ou non de certaines zones, le calendrier d’un éventuel cessez-le-feu.
Ce qui est sûr, c’est que l’arrivée prochaine de Steve Witkoff à Moscou va cristalliser toutes les attentions. Va-t-on vers un accord rapide ? Ou simplement vers une nouvelle phase de tractations interminables ?
Pourquoi l’Europe s’accroche autant
Il y a une raison profonde, presque existentielle. Si l’Ukraine tombe ou accepte un accord perçu comme une humiliation, c’est toute la crédibilité de l’Union qui vacille. Et derrière, c’est la sécurité du flanc est tout entier qui pose question : Pologne, pays baltes, Roumanie… personne n’a envie de se retrouver en première ligne sans bouclier collectif solide.
Ajoutez à ça la question énergétique (on se souvient encore des hivers 2022-2023), les migrations potentielles, le risque d’escalade… Non, vraiment, Bruxelles ne peut pas se permettre de regarder ailleurs.
Et l’Ukraine dans tout ça ?
Kiev marche sur une corde raide. D’un côté, la fatigue est immense – humaine, économique, militaire. De l’autre, accepter un accord trop déséquilibré serait vécu comme une trahison nationale après tant de sacrifices.
Le président ukrainien répète qu’il est prêt à discuter, mais uniquement sur la base de la Charte des Nations unies et du respect total de l’intégrité territoriale. En clair : pas question de légaliser l’annexion de territoires par la force.
Ce qui pourrait arriver dans les prochaines semaines
- Visite de l’émissaire américain à Moscou → premiers contours concrets ou simple prise de température ?
- Réunion de la « coalition des volontaires » → nouveaux engagements militaires ou financiers
- Vote européen sur l’utilisation définitive des avoirs russes gelés → décision avant fin d’année
- Eventuel sommet à quatre (USA, Russie, Ukraine, Europe) ou format plus restreint
On sent que l’on approche d’un point de bascule. Soit on va vers une désescalade réelle (même imparfaite), soit on entre dans une phase de tensions diplomatiques encore plus vives entre alliés occidentaux.
Une paix possible ? À quel prix ?
Personne n’a la réponse aujourd’hui. Ce qui est certain, c’est que l’Europe joue gros. Elle a choisi de ne pas être spectatrice et assume jusqu’au bout son rôle de bouclier et de payeur. Reste à savoir si cela suffira à peser vraiment quand les grandes décisions se prendront entre Washington et Moscou.
En attendant, chaque sirène qui retentit à Kiev, chaque famille qui pleure un proche, chaque champ de mines qui remplace les cultures, tout cela rappelle qu’au-delà des déclarations et des plans sur papier, il y a une réalité humaine qui ne peut pas attendre éternellement.
Et vous, pensez-vous qu’une paix juste est encore possible avant la fin de l’année ? Ou assiste-t-on simplement au début d’un nouveau chapitre, tout aussi incertain que les précédents ?
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
