Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe quand la tradition la plus ancienne des Jeux olympiques modernes rencontre une simple averse ? Hier matin, à Olympie, on a failli le découvrir de la pire des façons.
Depuis 1936, la flamme est censée naître uniquement grâce aux rayons du soleil concentrés par un miroir parabolique. Point de briquet, point de secours. Juste le ciel et un peu de foi. Sauf que mercredi, le ciel grec avait décidé de faire des caprices. Résultat : pour la première fois depuis des décennies, les organisateurs ont sorti la flamme de répétition gardée précieusement depuis lundi. Un plan B qui, franchement, fait un peu grincer des dents les puristes, mais qui a sauvé la cérémonie.
Un départ sous haute tension émotionnelle
Je me souviens encore de l’ambiance des relais précédents. Il y a cette attente presque religieuse quand la grande prêtresse lève le miroir. Là, tout était différent. Les nuages lourds, la pluie fine qui mouillait les tuniques blanches, et pourtant, une émotion décuplée.
La nouvelle présidente du Comité international olympique, Kirsty Coventry, n’a pas caché ses larmes. Elle qui a succédé à une période particulièrement mouvementée a choisi ce moment précis pour rappeler pourquoi on fait tout ça.
« Dans le monde divisé dans lequel nous vivons aujourd’hui, les Jeux occupent une place véritablement symbolique. »
Kirsty Coventry, présidente du CIO
Et quand elle ajoute qu’il est de notre devoir de permettre aux athlètes du monde entier de se rassembler pacifiquement, on sent que ce n’est pas juste un discours protocolaire. C’est une femme qui a nagé pour le Zimbabwe, qui connaît le poids des frontières et des tensions géopolitiques. Cette phrase, prononcée sous la pluie d’Olympie, pèse lourd.
Les premiers porteurs : la passerelle Grèce-Italie
Petros Gaidatzis a eu l’honneur d’être le tout premier relayeur. Médaillé de bronze en aviron à Paris l’été dernier, le Grec a reçu la flamme conservée depuis la répétition. Un symbole fort : les Jeux d’été qui passent le témoin aux Jeux d’hiver.
Ensuite, direction l’Italie avec deux légendes absolues :
- Stefania Belmondo, la reine du ski de fond transalpin, double championne olympique
- Armin Zöggeler, monstre sacré de la luge avec ses deux titres en 2006 et 2010
Quand on voit ces noms, on mesure déjà la saveur particulière de ces Jeux italiens. Le nord industrialisé de Milan, les Dolomites majestueuses de Cortina… Tout un pays qui va vibrer pendant deux mois.
Le parcours : 12 000 kilomètres de symboles
Après neuf jours de relais en Grèce, la flamme sera officiellement remise le 4 décembre dans le stade panathénaïque d’Athènes – celui-là même qui a accueilli les premiers Jeux modernes en 1896. Un clin d’œil historique qui donne des frissons.
Puis débutera le grand tour d’Italie à partir du 6 décembre. Soixante-trois jours, 10 001 relayeurs, et un itinéraire qui va faire rêver :
- Rome et le Colisée évidemment
- Sienne et sa place du Palio
- Pompéi figée dans le temps
- Venise et ses canaux (imaginez la torche en gondole…)
- Et bien sûr les stations alpines de Cortina, Bormio, Predazzo
J’ai regardé la carte du parcours. Franchement, c’est une Italie en coupe sagittale. Du nord enneigé au sud méditerranéen, des métropoles aux villages perdus dans les montagnes. Rarement un relais aura aussi bien reflété l’âme d’un pays hôte.
Pourquoi les Jeux d’hiver restent spéciaux
On l’oublie parfois, mais les JO d’hiver ont une saveur différente. Moins de nations, plus de proximité, une ambiance presque familiale malgré l’exigence sportive extrême. Et pourtant, ces Jeux de Milan-Cortina arrivent dans un contexte particulier.
Entre les tensions géopolitiques qui rendent certains déplacements compliqués, le changement climatique qui menace les stations de moyenne altitude, et les interrogations sur le coût de l’événement, la flamme porte plus que jamais son message originel de paix et d’unité.
Je trouve ça presque poétique : une flamme née sous la pluie grecque qui va réchauffer les cœurs italiens en plein hiver. Comme un rappel que même quand le ciel est gris, la lumière finit toujours par percer.
Les Français dans tout ça
Côté tricolore, on suit évidemment ça de très près. Les primes pour les médaillés resteront au niveau de Paris 2024, ce qui est une excellente nouvelle. Et puis il y a ces histoires individuelles qui commencent à émerger.
Timothy Loubineaud qui explose le record du monde de patinage de vitesse, Julia Simon qui se bat pour être présente malgré ses ennuis extrasportifs… Le biathlon, le ski alpin, le snowboard, toutes les disciplines phares françaises sont déjà en ébullition.
Et quelque part, cette flamme qui démarre sous la pluie, c’est un peu le reflet de ce que vivent nos athlètes : des conditions parfois adverses, mais une détermination intacte.
Ce que cette flamme nous dit du monde en 2025
Permettez-moi une petite réflexion personnelle. Je couvre les Jeux depuis plus de quinze ans maintenant, et je n’ai jamais vu un relais démarrer dans un climat aussi chargé symboliquement.
On a d’un côté cette tradition millénaire qui refuse de plier face à la météo – littéralement. De l’autre, une présidente qui pleure en parlant de paix dans un monde qui semble en avoir oublié le sens.
Entre les deux, cette petite flamme qui vacille mais ne s’éteint pas.
Si ça, ce n’est pas une métaphore de ce qu’on vit collectivement en cette fin d’année 2025, je ne sais pas ce qu’il vous faut.
Alors oui, techniquement, la flamme n’est pas née des rayons du soleil cette fois-ci. Mais d’une certaine manière, elle porte peut-être plus de sens qu’à l’accoutumée. Parce qu’elle nous rappelle que même quand les éléments semblent contre nous, l’essentiel tient bon.
Dans 72 jours, elle arrivera à Cortina pour allumer la vasque des Jeux olympiques d’hiver 2026. Et quelque part, j’ai l’intime conviction que ce périple pluvieux d’Olympie restera comme l’un des plus marquants de l’histoire olympique récente.
Parce que parfois, c’est précisément quand tout semble compromis que naît la plus belle des lumières.
