Vous souvenez-vous de l’époque où l’on croyait qu’un mur et quelques caméras suffiraient à redresser un gamin qui dérape ? Moi, j’ai toujours trouvé ça un peu naïf. Et pourtant, pendant plus de vingt ans, c’est exactement ce qu’on a essayé avec les centres éducatifs fermés. Mercredi matin, le couperet est tombé : ils n’ont pas marché. Point final.
Le ministre de la Justice l’a dit sans détour, devant tout le monde réuni aux Rencontres de la justice des mineurs : le modèle est « épuisé ». On ferme la parenthèse. Progressivement, bien sûr – on n’est pas des barbares – mais on la ferme quand même.
Vingt-trois ans d’existence, et puis s’en va
Revenons un peu en arrière, parce que l’histoire mérite d’être rappelée. C’était en 2002, sous un climat sécuritaire post-11 Septembre et après plusieurs faits divers qui avaient choqué le pays. L’idée semblait logique sur le papier : prendre les mineurs multirécidivistes ou auteurs de délits graves, les mettre dans un endroit clos (mais pas une prison, hein, attention, c’est éducatif), et leur faire suivre un programme intensif pendant six mois maximum. Ni quartier fermé classique, ni foyer ouvert. Un entre-deux censé être magique.
Sauf que la magie n’a jamais vraiment opéré.
Et quand on gratte un peu, les chiffres font mal.
Un constat d’échec en trois points qui piquent
Premièrement, le coût. Un jeune en CEF, ça coûte plus cher qu’en prison. Oui, vous avez bien lu. On parle de structures de douze places, avec un encadrement pléthorique, des bâtiments sécurisés… La facture explosait.
Deuxième coup dur : les fugues. Autant qu’en foyer classique. Parfois plus. Tout ça pour ça.
Et troisièmement – et c’est peut-être le plus rageant – la scolarité. Dans certains centres, les gamins faisaient à peine quelques heures de cours par semaine. On les enfermait pour les « remettre sur le droit chemin »… mais on ne leur donnait même pas les bases pour réussir au brevet. Absurde.
« Le modèle s’est épuisé et ne tient pas ses promesses. Il est temps de tourner la page. »
Le garde des Sceaux, sans langue de bois
58 centres, deux réalités très différentes
Petite précision qui a son importance : tous les CEF ne vont pas disparaître de la même façon.
Sur les 58 existants, 39 sont gérés par le secteur associatif. Et là, surprise : ils marchent globalement mieux. Moins de dysfonctionnements, plus de stabilité dans les équipes, des projets pédagogiques plus solides. Résultat ? Ils restent ouverts, en l’état.
Les 19 autres, ceux tenus directement par l’État ? Eux, c’est fini. Ils vont être transformés, fusionnés avec les foyers classiques pour donner naissance à de nouvelles structures : les « unités judiciaires à priorité éducative ».
Derrière le nom un peu barbare, il y a une ambition : remettre l’école, la santé mentale et la lutte contre les addictions au cœur du dispositif.
Ce qui change concrètement (et c’est pas du bla-bla)
- Un professeur des écoles ou un prof technique présent en permanence dans chaque unité. Fini les cours dispensés au compte-gouttes.
- 40 recrutements prévus rien que pour ça. C’est du jamais-vu.
- 150 éducateurs supplémentaires pour le suivi en milieu ouvert – parce que oui, la plupart des mineurs délinquants ne sont pas placés, ils vivent chez eux.
- Interdiction totale des téléphones portables dans les unités. Fouilles autorisées. On sait tous ce que les gamins trouvent sur TikTok ou Snapchat à 14 ans…
- Priorité absolue à la santé mentale et aux soins addictologiques. Parce que derrière beaucoup de passages à l’acte, il y a de la souffrance non dite.
J’ai discuté avec des éducateurs de terrain il y a quelques mois. Ils me disaient déjà : « Le téléphone, c’est le cancer de nos prises en charge. » Le ministre a enfin entendu.
Et les juges dans tout ça ?
Une circulaire est en préparation. Elle va demander aux magistrats de privilégier les contrôles judiciaires avec obligations éducatives très précises : scolarité obligatoire, soins psychiatriques ou addictologiques si besoin, interdiction de fréquenter certains quartiers ou certaines personnes.
En clair : on sort du tout-répressif pour aller vers du sur-mesure. C’est ambitieux. Reste à voir si les moyens suivront vraiment.
Pourquoi maintenant ? Le souvenir qui hante
Il y a des drames qui marquent. Celui du jeune Elias, 14 ans, tué en janvier 2025 à Paris, a visiblement été la goutte d’eau. Deux des mis en cause étaient suivis par la justice des mineurs. Suivis, mais pas assez encadrés, pas assez soutenus.
On pense aussi à l’affaire Rose, à tant d’autres. À chaque fois la même question : qu’est-ce qu’on a raté ?
Le ministre assume : on a trop misé sur l’enfermement light, pas assez sur l’accompagnement lourd et intelligent.
Alors, simple jeu de chaises musicales ou vraie révolution ?
Soyons honnêtes : certains y verront une opération cosmétique. On ferme des CEF publics qui dysfonctionnaient, on garde les associatifs qui marchent, et on repeint le tout en « priorité éducative ». Mouais.
Mais il y a quand même du nouveau. Et du costaud.
Recruter 40 profs dédiés et 150 éducateurs, ce n’est pas rien dans la fonction publique actuelle. Interdire les portables, c’est un signal fort – même si ça va hurler dans certains couloirs.
Et surtout, reconnaître publiquement l’échec d’un dispositif créé il y a plus de vingt ans, ça demande un certain courage politique. On a vu pire en matière de déni.
« On a voulu croire que la clôture suffirait à créer de la sécurité intérieure. Ce n’était pas suffisant. »
Un haut magistrat, sous couvert d’anonymat
Ce que ça dit de notre société
Au-delà des annonces, cette décision pose une question de fond : comment on traite nos ados qui dérapent ?
On a 900 mineurs en prison aujourd’hui. 2 000 en foyer. Et des milliers suivis en milieu ouvert. Derrière chaque chiffre, il y a un gosse qui a grandi trop vite, souvent dans des contextes qu’on préférerait ignorer.
La vraie réussite, ce serait qu’on n’ait plus besoin ni de CEF, ni de prison pour mineurs. Utopique ? Peut-être. Mais c’est vers ça qu’il faut tendre.
En attendant, cette réforme est un pas. Pas parfait, mais un pas. Et parfois, c’est déjà beaucoup.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Est-ce qu’on va enfin dans le bon sens, ou est-ce qu’on se raconte des histoires ? Dites-le moi en commentaire, j’ai vraiment envie de savoir ce que vous ressentez sur ce sujet brûlant.
Parce qu’au fond, c’est de l’avenir de nos gamins dont on parle. Et ça, ça ne laisse personne indifférent.
