Imaginez la scène : vous êtes à la Meinau un soir de novembre, l’air est glacé, le public strasbourgeois chauffe déjà l’ambiance et, au milieu du terrain, un grand gaillard de 25 ans, maillot rouge et bleu de Crystal Palace, s’échauffe tranquillement. Maxence Lacroix. Ce nom ne vous dit peut-être pas encore grand-chose, et pourtant, en Premier League, il commence sérieusement à faire parler la poudre. Ce jeudi, il revient presque à la maison. Enfin, presque : en France, sur un terrain de foot pro, face à un public français. Et quelque part dans un coin de sa tête, il y a ce rêve qui ne le lâche pas depuis l’enfance : porter un jour le maillot bleu des A.
Un central qui coche (presque) toutes les cases
Quand on parle de Maxence Lacroix aujourd’hui, on parle d’abord d’un défenseur complet. Grand (1,90 m), rapide, bon dans les duels aériens, mais surtout extrêmement propre dans la relance et, cerise sur le gâteau, leader des interceptions en Premier League depuis le début de saison selon les stats Opta. Dix-huit récupérations hautes rien que sur les premières journées, personne ne fait mieux parmi les centraux. C’est le genre de donnée qui fait lever un sourcil du côté de Clairefontaine.
Et puis il y a le contexte. Crystal Palace version 2025, ce n’est plus le petit club sympa du sud de Londres qui se bat pour le maintien. Non. C’est l’équipe qui a remporté la FA Cup il y a six mois, qui a soulevé le Community Shield en août et qui joue les premiers rôles en Ligue Conférence. Bref, un club en pleine ascension, porté par un coach autrichien, Oliver Glasner, qui a transformé les Eagles en machine à gagner. Et au cœur de cette défense, il y a lui.
Le souvenir qui le porte encore
Il y a cette anecdote qu’il raconte avec beaucoup d’émotion. Juste après la demi-finale de FA Cup gagnée 3-0 contre Aston Villa, un vieux supporter l’arrête dans la rue. 80 ans au compteur, les larmes aux yeux : « Avant de partir, je voudrais voir Palace gagner un trophée. » Lacroix lui répond, presque comme un fils : « Ne vous inquiétez pas, ça va le faire. » Quelques semaines plus tard, Palace bat Manchester City en finale. 1-0. But en toute fin de match. Le vieux monsieur a vécu son rêve. Et Lacroix, lui, a compris ce que signifie jouer pour un club qui n’avait rien gagné depuis… toujours.
« J’y repense encore. Ce jour-là, j’ai compris que le foot, c’est bien plus grand que nous. »
Maxence Lacroix
Sochaux dans le cœur, toujours
Avant Palace, il y a eu Sochaux. Le FCSM, club formateur, celui qui l’a vu grandir, celui qui descend aujourd’hui en National et qu’il suit encore match après match. Il a mis les Lionceaux en notification sur son téléphone. Quand il parle de son ancien club, il a le sourire large. Pour le match à Strasbourg, il a reçu des dizaines de demandes de places de la part d’anciens coéquipiers, d’éducateurs, de supporters doubistes. La famille, quoi.
C’est peut-être ça, le plus touchant chez lui : il n’a pas oublié d’où il vient. Né à Ajat, petit village de Dordogne, élevé par une mère médecin qui lui a transmis le sens du devoir et de l’aide aux autres. Résultat ? En janvier dernier, il a passé une journée à distribuer des vêtements chauds aux sans-abri dans les rues de Londres avec le staff de Palace. Pas pour la caméra. Juste parce que ça lui ressemble.
Le rêve bleu qui colle à la peau
Maintenant, la question qui brûle toutes les lèvres : et l’Équipe de France dans tout ça ? Il a fait toutes les sélections jeunes, il a côtoyé les Camavinga, Tchouaméni et compagnie. Mais les A, jamais. Pas même une pré-convocation officielle. Alors il regarde. Tous les rassemblements. À 14 heures pile, il lance la chaîne YouTube, le cœur qui bat un peu plus fort à chaque nom prononcé.
« Je regarde toutes les listes de Deschamps en direct. Si tu n’y crois pas toi-même, qui va y croire ? »
Il sait que la concurrence est féroce. Konaté, Upamecano, Saliba, Koundé, les places sont chères. Mais il a aussi vu Jean-Philippe Mateta, son coéquipier à Palace, être appelé à 28 ans après des années de galère. Alors pourquoi pas lui ? Surtout quand tu joues chaque week-end contre Haaland, Salah ou Kane et que tu gagnes la plupart de tes duels.
- Il est leader des interceptions en Premier League
- Il a gagné la FA Cup il y a six mois
- Il est titulaire indiscutable dans un Palace ultra-ambitieux
- Il a 25 ans, l’âge parfait pour exploser
Franchement, quand tu alignes tout ça, tu te demandes ce qu’il manque encore. Peut-être juste un match référence sous les yeux du sélectionneur. Ou une blessure dans la hiérarchie actuelle. Le foot est parfois cruel, mais il réserve aussi de belles surprises.
Strasbourg-Palace : plus qu’un match de C4
Ce soir, la Meinau sera bouillante. Strasbourg reste sur de bonnes performances européennes et veut jouer les trouble-fêtes. Palace, de son côté, veut enchaîner et rester dans le top du groupe. Mais pour Lacroix, c’est spécial. Revenir en France, jouer devant du public français, peut-être se montrer une dernière fois avant la prochaine liste. Même s’il le dit lui-même avec le sourire : « La Premier League est quand même plus regardée que la Ligue Conférence… »
Il a raison. Mais parfois, un match peut tout changer. Un tacle glissé parfait, une relance de 50 mètres qui lance une contre-attaque décisive, un duel gagné face à un attaquant réputé… Le genre de soirées où on passe de « bon joueur de Premier League » à « futur international ».
Un garçon qui a tout pour plaire
Ce qui frappe le plus quand on écoute Maxence Lacroix, c’est sa maturité. À 25 ans, il parle comme quelqu’un qui a déjà vécu trois carrières. Calme, posé, réfléchi, mais avec une détermination froide dans le regard. Il ne fait pas de bruit, il ne tape pas du poing sur la table. Il bosse, il progresse, il gagne des titres et il attend son tour.
Et si son tour venait enfin ? La Coupe du monde 2026 arrive à grands pas. Deschamps aime les profils solides, expérimentés, capables de tenir un vestiaire. Lacroix coche beaucoup de cases. Peut-être même toutes, sauf celle de l’appel décisif.
Ce soir à Strasbourg, il ne jouera pas pour une convocation. Il jouera pour gagner, comme toujours. Mais quelque part, dans un coin de sa tête, il y aura ce maillot bleu. Celui qu’il regarde en secret à chaque liste. Celui qu’il rêve de porter devant des millions de Français.
Et qui sait ? Peut-être que ce soir, à la Meinau, un certain Didier regardera le match en se disant : « Tiens, celui-là, il a quelque chose… »
Le foot, parfois, écrit les plus belles histoires là où on ne les attend pas.
(Article mis à jour le 27 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
