Vous vous souvenez quand on parlait du retour du service militaire comme d’une blague de dîner de famille ? Eh bien, ce n’est plus une blague. Hier, depuis la base de la 27e brigade d’infanterie de montagne à Varces, le président a annoncé le lancement dès l’été 2026 d’un nouveau service national 100 % militaire et volontaire. Et franchement, ça change pas mal de choses dans le paysage.
Je ne vais pas vous refaire le discours officiel mot pour mot, mais j’ai écouté l’intervention et j’ai pris des notes. Ce qui ressort, c’est qu’on passe d’un SNU en mode colonie de vacances améliorée à quelque chose de bien plus costaud, de bien plus engagé. Dix mois sous les drapeaux, rien que ça.
Un virage à 180° par rapport au SNU
Le Service National Universel, lancé en 2019, devait être la grande idée pour redonner le goût de l’uniforme et des valeurs républicaines. Résultat ? Un séjour de cohésion de 12 jours + missions d’intérêt général. Sympa, mais clairement pas assez militaire pour les besoins actuels. Le président l’a lui-même reconnu : ça ne répondait ni aux attentes des armées ni à la réalité géopolitique.
Du coup, on repart sur autre chose. Un dispositif purement militaire, comme il l’a répété plusieurs fois. Exit les chantiers éducatifs et les débats sur l’écologie en cercle. Bonjour le terrain, l’entraînement, la vie de régiment.
« Notre jeunesse a soif d’engagement. Il existe une génération prête à se lever pour la patrie. »
Emmanuel Macron, Varces, 27 novembre 2025
Les chiffres qui donnent le tournis
On commence petit, mais l’ambition est énorme :
- 2026 → 3 000 volontaires (première promotion)
- Progression chaque année
- Objectif 2035 → 50 000 jeunes par an
Cinquante mille. Autant dire qu’on parle d’une vraie réserve de talents pour l’armée de Terre, qui manque cruellement de bras en ce moment.
Qui peut postuler ?
Le cœur de cible, ce sont les 18-19 ans, garçons et filles, qui ont déjà fait leur Journée Défense et Citoyenneté (JDC). C’est là que l’armée va repérer les profils motivés.
Mais attention, ce n’est pas ouvert à tout le monde : il y aura une sélection. Tests physiques, médicaux, motivation… Seuls les meilleurs dossiers passeront. Un peu comme pour entrer dans certaines grandes écoles, mais avec des pompes en plus.
10 mois, ni plus ni moins
La durée a été pensée pour coller à une année de césure. Dix mois, ça permet de faire une vraie formation militaire sans flinguer complètement ses études ou son entrée dans la vie active.
Pendant ces dix mois :
- Formation initiale
- Spécialités selon les besoins des régiments
- Missions sur le territoire national uniquement (métropole + outre-mer)
- Pas d’envoi à l’étranger en opération extérieure (le président a été très clair là-dessus)
Et l’argent dans tout ça ?
On y vient, parce que c’est la question qui brûle les lèvres de tous les parents (et des jeunes aussi). Le volontaire touchera :
- 800 € brut minimum par mois + primes possibles
- Hébergement gratuit
- Nourriture prise en charge
- Équipement fourni
- 75 % de réduction SNCF
Franchement, pour un jeune de 18 ans qui sort du lycée, c’est plutôt pas mal. Surtout quand on sait que le SMIC est autour de 1 400 € net. Et puis vivre en régiment, c’est aussi éviter le loyer parisien…
Et après ces 10 mois ?
L’armée ne cache pas son jeu : ce service est aussi un robinet pour la réserve. L’objectif est d’atteindre 80 000 réservistes opérationnels d’ici 2030 (contre 47 000 aujourd’hui).
À la sortie, deux chemins principaux :
- S’engager comme militaire d’active (contrat classique)
- Intégrer la réserve opérationnelle (quelques jours par an)
Mais rien n’oblige à continuer. On peut très bien faire ses 10 mois, empocher l’expérience et repartir vers la fac ou le privé avec un CV qui claque.
Le plan B (très hypothétique) : l’obligation en cas de crise majeure
Il y a un point qui a fait sursauter tout le monde. Le président a glissé que, en cas de situation extrême, le Parlement pourrait décider de rendre le service obligatoire pour ceux dont les compétences auront été repérées lors de la JDC.
Autant dire que c’est la porte ouverte à une conscription ciblée. Pas tout de suite, pas demain, mais on sent que l’idée n’est plus totalement taboue.
Les jeunes, vraiment partants ?
J’ai discuté avec plusieurs lycéens et étudiants ces derniers jours. Les réactions sont… mitigées.
Certains sont ultra-chauds : « Ça forge le caractère », « Je veux servir mon pays », « C’est mieux que de glander en année de césure ».
D’autres beaucoup moins : « Dix mois, c’est long », « Et mes études ? », « On serait de la chair à canon »… La peur de se retrouver embrigadés dans un conflit est palpable, même si on leur promet qu’ils resteront en France.
Personnellement, je pense qu’on aura la réponse dès janvier 2026, quand les inscriptions ouvriront. Si on a 20 000 candidatures pour 3 000 places, l’armée aura gagné son pari. Si on en a 500… ça sera plus compliqué.
Pourquoi maintenant ?
La réponse est dans la phrase qu’il a répétée plusieurs fois : « Dans ce monde incertain où la force prime sur le droit ». On sent la menace russe, les tensions au Moyen-Orient, la montée en puissance militaire de certains voisins… L’époque n’est plus à la paix perpétuelle.
Et puis il y a le constat froid des états-majors : l’armée professionnelle manque de monde. Les contrats courts ne suffisent plus. Il faut une masse de manœuvre plus importante, rapidement mobilisable.
« La seule façon d’éviter le danger, c’est de s’y préparer. »
Cette phrase résume tout l’état d’esprit actuel.
Comparaison rapide avec nos voisins européens
Juste pour situer :
| Pays | Type de service | Durée | |
| Suède | Obligatoire (mixte) | 9-12 mois | |
| Norvège | Obligatoire (mixte) | 12 mois | |
| Finlande | Obligatoire hommes | 6-12 mois | |
| Lituanie | Obligatoire hommes | 9 mois | |
| France 2026 | Volontaire (pour l’instant) | 10 mois |
On voit qu’on n’est pas les seuls à bouger. La tendance européenne est clairement au renforcement des capacités de défense.
Ce que j’en pense, personnellement
Je ne vais pas vous faire le coup du « c’était mieux avant ». Le service obligatoire à la papa, avec ses corvées de patates, n’avait plus de sens en 1996 et n’en aurait toujours pas aujourd’hui.
Mais là, on a quelque chose d’hybride qui peut marcher : volontaire, bien rémunéré, utile, avec une vraie porte de sortie. Si l’armée arrive à rendre l’expérience valorisante (et pas juste punitive), ça peut créer une génération beaucoup plus consciente des enjeux de défense.
Après, reste à voir si les 18-25 ans d’aujourd’hui, biberonnés au confort et à l’individualisme, vont mordre à l’hameçon. Je suis curieux. Vraiment très curieux.
En attendant, une chose est sûre : à partir de janvier 2026, on va pouvoir cocher une nouvelle case sur Parcoursup… ou plutôt sur le site de l’armée de Terre. Les temps changent.
