Imaginez une seconde. Une gamine de 13 ans, retirée à sa famille parce qu’on a jugé que c’était plus sûr pour elle, se retrouve quelques mois plus tard à faire le trottoir devant l’endroit même qui devait la protéger. Ça semble aberrant ? Et pourtant, c’est la réalité de milliers de jeunes filles en France.
J’ai eu le cœur serré en découvrant les derniers témoignages qui circulent. Des mères qui pleurent parce que leur fille « fait le mur » et finit livrée à des hommes, des éducateurs qui haussent les épaules, des juges qui signent des placements sans vraiment savoir où ils envoient ces gamines. On se dit que ça ne peut plus durer. Et pourtant, ça dure depuis des années.
Un système censé protéger… qui expose au pire
L’idée de base est pourtant simple : quand une famille dysfonctionne gravement, on retire l’enfant pour le mettre à l’abri. Foyers, maisons d’enfants, hôtels parfois. Sauf que, trop souvent, la porte de sortie devient une porte d’entrée vers l’enfer.
Des chiffres font froid dans le dos. On parle de plusieurs milliers de mineures concernées, et une écrasante majorité d’entre elles sont passées par le système de protection de l’enfance. Le lieu même où elles auraient dû être intouchables est devenu un vivier pour les réseaux.
Les proxénètes savent exactement où attendre
Ce n’est même pas discret. Devant certains foyers, c’est open bar. Des voitures garées, des types qui patientent, parfois en plein jour. Les plus jeunes sont repérées dès leur arrivée. Un bonjour, un sourire, un téléphone offert, et le piège se referme.
Une mère que j’ai entendue récemment racontait qu’elle avait engagé un détective privé pour suivre sa fille. Le rapport était glaçant : des allers-retours réguliers vers des hôtels, des hommes beaucoup plus âgés. Elle a tout porté au juge. Réponse ? Circulez, on ne peut rien faire tant qu’elle revient avant minuit.
« L’établissement est une zone de non-droit, les jeunes sont livrées à elles-mêmes et tout le monde le sait. »
– Une mère désespérée
À l’intérieur même des foyers, le danger rôde
Ce qui est peut-être encore plus révoltant, c’est que parfois les recruteuses sont… d’autres pensionnaires. Des filles un peu plus âgées, déjà dedans jusqu’au cou, qui forcent les nouvelles à « travailler ». Menaces, violences, séquestration dans les chambres communes. Un véritable système pyramidal à l’abri des regards.
Une adolescente témoignait récemment, la voix tremblante : elle avait commencé à 13 ans, juste pour acheter du shampoing et des vêtements. Les éducateurs savaient. Les « clients » savaient qu’elle était mineure. Personne n’a bougé le petit doigt.
- Des fugues déclarées, puis classées sans suite
- Des signalements qui restent lettre morte
- Des éducateurs débordés ou résignés
- Des grilles escaladées par le parking en toute impunité
Et quand on change la jeune de foyer pour la « protéger », bien souvent c’est pour retomber dans le même schéma ailleurs. Comme un mauvais jeu de l’oie.
Des chiffres qui donnent le vertige
Difficile d’avoir des statistiques officielles précises – on parle quand même de mineures et de prostitution – mais certaines estimations font état de 15 à 20 000 jeunes concernées en France. Et oui, 7 à 8 sur 10 seraient passées par l’aide sociale à l’enfance.
Quand on sait que le placement est justement censé couper les ponts avec les dangers extérieurs, on mesure l’ampleur du fiasco.
Des régions entières gangrenées
Ce n’est pas un phénomène parisien ou marseillais. On le retrouve partout. Dans le Sud, dans le Nord, en zone rurale même. À Albi, une employée confiait récemment que sur les douze adolescentes du foyer, toutes étaient impliquées d’une façon ou d’une autre.
Dans certaines grandes villes, les éducateurs de rue disent qu’ils reconnaissent les voitures des proxénètes comme on reconnaît celles des livreurs Uber. C’est devenu une routine.
L’hôtel, solution de dernier recours… et catastrophe annoncée
Quand les foyers sont pleins ou jugés inadaptés, on place les jeunes à l’hôtel. Seules. Avec une carte bleue prépayée. Vous imaginez la suite ? Des chambres payées par le département qui deviennent des lieux de passes. Des ados de 15-16 ans qui reçoivent des hommes toute la nuit pendant que la réception ferme les yeux.
Une jeune fille a passé six mois comme ça. Six mois. Quand sa mère a découvert le carnet de « clients », elle a failli s’effondrer. Aujourd’hui elle attaque le département en justice. Elle n’est pas la seule. Des dizaines de familles font la même chose.
« On nous retire nos enfants pour les protéger et on les jette dans la gueule du loup. »
Pourquoi rien ne bouge vraiment ?
C’est la question que tout le monde se pose. Il y a eu des rapports, des alertes, des émissions, des questions au gouvernement. Et puis… plus rien. Ou si peu.
Manque de moyens, bien sûr. Turn-over infernal chez les éducateurs. Absence de formation spécifique sur le proxénétisme. Peur des représailles aussi – certains réseaux n’hésitent pas à menacer le personnel.
Mais il y a plus grave : une forme de résignation collective. Comme si on s’était habitué à ce que « ça arrive ». Comme si ces gamines étaient déjà perdues d’avance.
Les parents, ces grands oubliés
On retire l’enfant à la famille, souvent à juste titre. Mais ensuite ? On coupe les ponts. Les parents n’ont plus de nouvelles, plus de droit de regard. Quand ils sonnent l’alarme, on les traite de paranoïaques ou de mauvais parents. Résultat : ils se retrouvent seuls à se battre.
Certains vont jusqu’à payer des détectives privés, à dormir en voiture devant les foyers, à supplier les éducateurs. Et quand leur fille finit à l’hôpital après une overdose ou une grossesse non désirée, on leur dit : « Vous voyez, c’est mieux qu’elle soit placée. »
Et les jeunes, elles, que disent-elles ?
Elles parlent peu, au début. La honte, la peur, le sentiment d’être coupables. Et puis un jour, certaines craquent. Elles racontent les passes à la chaîne, les séquestrations de plusieurs jours, les violences. Elles racontent aussi le vide abyssal qui les a poussées là.
Parce qu’au fond, la prostitution n’est jamais un choix pour une gamine de 13 ans. C’est une survie. Quand on n’a plus rien – ni famille stable, ni repères, ni argent pour un paquet de pâtes – on accepte l’inacceptable.
Des pistes, enfin ?
Des associations tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps. Elles demandent des foyers sécurisés, réellement fermés, avec du personnel formé et en nombre suffisant. Des unités spécialisées pour les victimes de traite. Une meilleure coordination entre police, justice et services sociaux.
Certains départements commencent à bouger, timidement. Mais on est encore loin du compte. Et pendant ce temps, chaque soir, des gamines sortent par le parking ou par la fenêtre des toilettes.
Ce qui me révolte le plus, c’est qu’on sait. Tout le monde sait. Et pourtant, on continue à placer des adolescentes dans des endroits où on sait pertinemment qu’elles risquent de se faire dévorer.
Il est temps que ça change. Vraiment. Parce que derrière les chiffres et les rapports, il y a des vies brisées avant même d’avoir commencé.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Jusqu’où va-t-on tolérer que des enfants confiés à la République finissent sur le trottoir ?
