Imaginez la scène : un détenu expérimenté, connu pour s’être déjà fait la belle plusieurs fois, profite d’une sortie scolaire au planétarium pour disparaître en plein Rennes. On se croirait dans un film, et pourtant, c’est bien réel. Et dix jours plus tard, c’est dans les ronces d’un camp de gens du voyage à Nantes que tout se termine. Franchement, on n’invente pas des histoires pareilles.
Une évasion qui fait jaser jusqu’au ministère
Le 14 novembre dernier, tout le monde a découvert avec stupéfaction qu’un détenu jugé à haut risque avait pu participer à une sortie culturelle. Le genre de décision qui, avec le recul, semble complètement dingue. Le ministre de la Justice lui-même est monté au créneau, et le directeur de la prison de Rennes-Vezin a sauté. Parce que oui, l’homme en question n’en était pas à son coup d’essai.
À 37 ans, Émile Siegler – plus connu sous le surnom de Gino – traîne un casier long comme le bras. Plus de vingt condamnations depuis le début des années 2000, principalement pour vols aggravés. Et surtout, trois évasion n’est pas un mot nouveau pour lui. 2009, 2015, 2024… à chaque fois qu’on lui a accordé un peu d’air, il a filé.
Autoriser une sortie à quelqu’un qui a déjà prouvé qu’il ne respectait aucune règle, c’est prendre le risque qu’il recommence. Et il a recommencé.
Le jour où le planétarium est devenu une porte de sortie
Ce jour-là, tout était pourtant encadré. Accompagnateurs, surveillants pénitentiaires, programme bien rodé. Mais Gino a su profiter d’un moment d’inattention – ou peut-être d’un trop-plein de confiance – pour s’éclipser. En quelques minutes, il était déjà loin. Le temps que l’alerte soit donnée, il avait déjà disparu dans la nature rennaise.
Très vite, les enquêteurs ont compris qu’il n’était pas parti au hasard. Des indices convergeaient vers l’ouest, vers Nantes plus précisément. Et pas n’importe où à Nantes : vers la Clairière, ce vaste terrain où vit une partie importante de la communauté des gens du voyage.
Un refuge logique pour quelqu’un “craint et respecté”
Dans cette communauté, Gino n’est pas un inconnu. On le décrit comme un membre influent, quelqu’un qui compte. Du coup, se cacher là-bas coulait de source. Des dizaines de caravanes, des allées et venues permanentes, une solidarité forte : l’endroit parfait pour passer inaperçu le temps que les choses se tassent.
Pendant dix jours, les policiers de la BRI ont patiemment resserré l’étau. Repérages discrets, surveillances, écoutes. Jusqu’à être certains qu’il était bien là. Et le jeudi 27 novembre, ils ont décidé de passer à l’action.
L’assaut final dans les ronces
L’opération a mobilisé du lourd : BRI en pointe, CRS en soutien pour sécuriser le périmètre et éviter tout débordement. À peine les forces de l’ordre entrent dans le camp que Gino tente le tout pour le tout. Il détale à travers les terrains vagues, saute par-dessus les obstacles, finit par se jeter dans un roncier épais à la lisière du camp.
Un proche à lui, recherché lui aussi, essaie de créer une diversion en prenant la fuite dans une autre direction. Mais rien n’y fait. Les hommes de la BRI, habitués à ce genre de course-poursuite, le rattrapent rapidement. Menotté, couvert d’éraflures, Gino retourne en cellule. Fin de la cavale.
Derrière l’évasion, une affaire bien plus lourde
Parce que si tout le monde parle de cette fuite spectaculaire, il ne faut pas oublier pourquoi Gino était en détention. L’homme n’est pas seulement un spécialiste de l’évasion. Il est mis en examen dans une retentissante série d’incendies criminels qui a touché une quinzaine de magasins en Bretagne et en Loire-Atlantique.
Son complice présumé ? Un entrepreneur rencontré en prison à Nantes. Les deux hommes auraient monté un système bien rodé : l’un apportait l’idée et l’argent, l’autre mettait à disposition son réseau au sein de la communauté pour exécuter les coups. Repérages, exécution, intimidation… tout y passait.
Le dossier est tellement sensible qu’un juge d’instruction rennais a dû être placé sous protection après que des membres de la famille de Gino ont été surpris près de son domicile. Autant dire que l’affaire dépasse largement le simple fait divers.
- Plus de 15 incendies volontaires
- Des millions d’euros de dégâts
- Des repérages jusqu’au domicile d’un magistrat
- Une collaboration née derrière les barreaux
Et le pire ? Gino devait comparaître très bientôt devant le tribunal correctionnel de Rennes. On imagine sans mal que cette évasion était aussi une tentative de faire pression ou de gagner du temps. Raté.
Ce que cette affaire dit de notre système pénitentiaire
Franchement, cette histoire pose des questions qui dérangent. Comment un détenu avec un tel passif peut-il encore bénéficier de sorties ? Pourquoi avoir pris ce risque énorme ? J’ai beau chercher, je ne vois pas bien l’intérêt rééducatif d’une visite au planétarium pour quelqu’un qui a déjà montré quatre fois qu’il ne respectait aucune règle.
Évidemment, il ne s’agit pas de mettre tous les détenus dans le même sac. Mais quand on a affaire à des profils à très haut risque de récidive et d’évasion, il faut peut-être accepter l’idée qu’il y a des activités qu’on ne peut tout simplement pas proposer. Point.
Le limogeage du directeur de la prison de Vezin, aussi brutal soit-il, montre que l’État a voulu envoyer un signal fort. Reste à savoir si ce signal sera suivi de mesures concrètes ou si, dans quelques mois, on retrouvera le même scénario ailleurs.
La réinsertion passe aussi par la capacité à dire non quand le risque est trop grand.
– Un ancien surveillant pénitentiaire
Au final, Gino retourne derrière les barreaux, avec probablement quelques années supplémentaires à purger pour cette nouvelle évasion. Et nous, on reste avec cette impression étrange que certaines histoires se répètent inlassablement tant qu’on n’accepte pas de tirer toutes les conséquences des précédentes.
Parce qu’au bout d’un moment, ce n’est plus une erreur. C’est un système qui dysfonctionne.
