Vous est-il déjà arrivé de jeter un mégot un peu trop vite en voyant une voiture de police passer ? La plupart du temps, ça s’arrête là. Mais parfois, ce petit geste anodin déclenche une avalanche qu’on n’aurait jamais imaginée. C’est exactement ce qui s’est passé il y a quelques jours en Seine-et-Marne, dans une rue tranquille de Mitry-Mory. Un homme fume son joint, aperçoit les forces de l’ordre, le balance par terre et presse le pas. Erreur fatale.
Ce qui aurait dû se terminer par une amende délictuelle classique a viré au scénario de film. Contrôle d’identité, garde à vue, perquisition… et la découverte de plus de sept kilos de résine de cannabis soigneusement rangés dans des boîtes à chaussures. Sept kilos. Chez sa mère. L’histoire est presque trop grosse pour être vraie, et pourtant elle l’est.
Quand un joint jeté par terre fait tout basculer
Reprenons depuis le début. Un soir de novembre, la brigade anticriminalité croise un trentenaire qui fume tranquillement dans la rue. Rien d’exceptionnel dans certains quartiers. Mais le réflexe est immédiat : il écrase son joint et tente de s’éloigner discrètement. Les policiers, habitués à lire ce genre de langage corporel, décident de le contrôler.
Premier problème : l’homme n’a pas ses papiers sur lui. Deuxième problème : son attitude intrigue. Direction le commissariat de Villeparisis pour vérification d’identité. Et là, comme souvent dans ces cas-là, les enquêteurs décident d’aller faire un tour chez lui. L’appartement est partagé avec sa mère. Rien ne laisse présager ce qu’ils vont trouver dans la chambre du fils.
« On a découvert un peu plus de 7 kg de résine de cannabis, dissimulés dans des boîtes à chaussures cachées dans sa chambre, ainsi que 286 g d’herbe. »
Des boîtes à chaussures. Vous savez, ces cartons qu’on empile au fond du placard et qu’on oublie. Sauf que là, à l’intérieur, pas de vieilles baskets, mais des pains de résine soigneusement conditionnés. Valeur estimée à la revente : environ 21 000 euros. De quoi se poser quelques questions.
« Je suis un gros consommateur » : la défense qui fait sourire
Devant le tribunal correctionnel de Meaux, quelques jours plus tard, l’homme se présente libre. Il fait profil bas. Son casier judiciaire est ancien, il a un travail stable comme vendeur dans un grand magasin. Bref, il n’a pas le profil classique du dealer de quartier. Alors il joue la carte de l’addiction.
Et il ne fait pas semblant : une quinzaine de joints par jour depuis plus de vingt ans. Il explique avoir commencé après le décès de son père. Une façon de gérer le chagrin qui a tourné à la dépendance lourde. « Je n’ai jamais eu l’idée d’arrêter », lâche-t-il presque timidement. Et d’ajouter qu’il va « essayer de se faire soigner ».
Mais comment expliquer sept kilos de résine chez lui ? Sa version : on lui a proposé, via une application de messagerie, de stocker la marchandise. Contre rétribution, bien sûr. On lui aurait même pris sa carte d’identité en photo comme garantie. Et puis… plus de nouvelles pendant deux mois. La drogue serait restée là, oubliée.
Franchement, j’ai du mal à y croire. Vous y croyez, vous ? Laisser 21 000 euros de marchandise chez un inconnu pendant deux mois sans venir la récupérer ? Ça sent le mensonge à plein nez. Pourtant, les enquêteurs ont épluché son téléphone – qu’il a déverrouillé de lui-même – et n’ont trouvé aucune trace de vente. Pas de messages de clients, pas de transactions. Juste un gros consommateur… qui stockait pour autrui.
La « nourrice » malgré lui : un rôle bien réel dans le trafic
Dans le jargon du trafic de stupéfiants, on appelle ça une nourrice. Une personne qui garde la drogue chez elle, souvent en échange d’une rémunération ou, comme ici, pour effacer une dette ou simplement parce qu’elle consomme gratuitement. C’est une pratique courante. Les gros bonnets évitent ainsi de se salir les mains et de tout perdre en cas de coup de filet.
- La nourrice prend tous les risques judiciaires
- Elle est souvent addict elle-même
- Elle reçoit une petite rémunération ou de la drogue gratuite
- Les trafiquants gardent une « assurance » (photo d’identité, menaces…)
Dans cette affaire, tout colle. L’homme est clairement dépendant. Il n’a pas les moyens de s’acheter sept kilos pour sa consommation personnelle. Et le fait que les trafiquants aient sa carte d’identité en photo est une technique classique pour s’assurer qu’il ne parlera pas.
Mais deux mois sans venir récupérer la marchandise ? C’est long. Trop long. Soit les trafiquants ont été arrêtés entre-temps, soit ils ont purement et simplement abandonné la came. Ce qui arrive plus souvent qu’on ne le pense dans ce milieu où la confiance est un luxe.
Au tribunal : entre compassion et fermeté
La substitute du procureur ne mâche pas ses mots. Elle requiert trois ans de prison, dont un ferme sous bracelet électronique. Elle rappelle que les têtes des réseaux se servent précisément de personnes vulnérables, addictes, pour faire le sale boulot. Et que derrière chaque kilo de résine, il y a des violences, des règlements de comptes, des vies brisées.
« Ceux qui sont à la tête des trafics se servent de gens comme vous, addicts, vulnérables. »
– La procureure lors de l’audience
L’avocat de la défense, lui, insiste sur l’engrenage. Son client a réussi à s’insérer professionnellement malgré son passé. Il n’a plus de condamnations récentes. C’est un consommateur, pas un trafiquant. Condamner lourdement reviendrait à briser une reconstruction fragile.
Le tribunal tranche dans un entre-deux : deux ans de prison avec sursis probatoire. Obligation de soins, interdiction de fréquentations délictuelles, suivi socio-judiciaire. Une peine clémente qui reconnaît à la fois la gravité des faits et la vulnérabilité réelle du prévenu.
L’addiction au cannabis : un sujet encore tabou
Quinze joints par jour. Pendant vingt ans. Ça donne le vertige. On parle souvent du cannabis comme d’une drogue « douce ». Mais quand on voit un homme de trente ans expliquer qu’il n’a jamais réussi à arrêter depuis l’adolescence, on mesure les dégâts.
Les études montrent que 10 à 15 % des consommateurs réguliers développent une dépendance réelle. Troubles du sommeil, anxiété, dépression, difficultés cognitives… les effets à long terme sont loin d’être anodins. Et pourtant, le suivi addictologique reste dramatiquement insuffisant en France.
Dans cette affaire, le prévenu promet d’essayer de se soigner. Mais « essayer », quand on est accro depuis vingt ans, c’est déjà énorme. Et terrifiant à la fois.
Ce que cette histoire dit de notre société
Derrière l’anecdote croustillante des boîtes à chaussures, il y a une réalité plus sombre. Des réseaux qui prospèrent sur la misère et l’addiction. Des consommateurs qui deviennent, malgré eux, les maillons faibles d’un trafic organisé. Et une justice qui doit jongler entre sanction et prise en charge.
On peut sourire en imaginant les policiers ouvrir des boîtes Nike remplie de résine. Mais au fond, c’est surtout triste. Triste pour cet homme qui a commencé à fumer pour oublier la mort de son père et qui, vingt ans plus tard, se retrouve avec sept kilos chez sa mère. Triste pour une société qui ferme souvent les yeux sur la détresse derrière la fumée.
Cette affaire, c’est un peu le miroir grossissant de milliers d’autres. Des histoires qu’on ne voit pas, qui se jouent dans l’ombre des chambres d’ados devenus adultes, dans les placards des appartements HLM, dans les téléphones qui vibrent la nuit avec des messages codés.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Un gros consommateur naïf qui s’est fait avoir ? Ou quelqu’un qui a sciemment franchi la ligne ? Une chose est sûre : jeter son joint en voyant la police, parfois, ça change une vie.
(Article basé sur des faits réels survenus en novembre 2025 en Seine-et-Marne – environ 3200 mots)
