Il y a des villes qui semblent attirer les projecteurs comme un aimant. Les Mureaux, dans les Yvelines, en font partie. Et pendant vingt-cinq ans, l’homme qui a tenu la barre s’appelle François Garay. Hier, il a lâché la nouvelle : c’est fini. Pas de cinquième mandat. L’écharpe tricolore va changer d’épaules en mars prochain.
Franchement, ça fait quelque chose. Quand on pense à cette commune de 33 000 habitants coincée entre la Seine et l’autoroute A13, on revoit immédiatement les images des discours présidentiels, les cars de ministres, les caméras braquées sur les cités rénovées. Et au milieu, toujours lui. Calme, posé, parfois un peu usé mais jamais vraiment dépassé.
Un Quart de Siècle au Service d’une Ville « Terre Promise » des Gouvernements
140 ministres. Une petite dizaine de visites présidentielles. Les chiffres donnent le tournis. Pour vous donner une idée, certaines grandes villes de France n’ont pas vu autant de costumes-cravates en un demi-siècle. Aux Mureaux, c’est devenu presque routine.
Pourquoi autant d’attention ? La réponse tient en trois lettres : QPV. Quartier prioritaire de la politique de la ville. Les Mureaux, c’est un laboratoire grandeur nature de tous les plans banlieues successifs. ANRU, contrat de ville, zone franche, campus numérique, éco-quartier… Chaque gouvernement y a mis son grain de sel, son logo, sa promesse.
Et François Garay, élu pour la première fois en 2001 sous l’étiquette divers gauche, a su transformer cette hyper-exposition en opportunité. Pas toujours facile, soyons honnêtes. Être la vitrine de la politique de la ville, c’est aussi être la cible quand ça va mal. Émeutes, trafics, chômage, image parfois dégradée… Il a tout encaissé.
Les Grandes Étapes d’un Long Parcours
Revenons un peu en arrière, parce que 25 ans, ça ne se résume pas en trois lignes.
- 2001 : Il prend la mairie à 46 ans, succédant à un autre poids lourd de la gauche locale.
- 2004-2008 : Premier grand chantier de rénovation urbaine. Les tours des années 60 commencent à tomber. Les habitants oscillent entre espoir et crainte du déménagement forcé.
- 2014 : Réélection confortable. La ville change de visage. Un nouveau centre-ville sort de terre, avec médiathèque, cinéma, conservatoire.
- 2020 : Quatrième mandat dans un contexte compliqué : Covid, attentats, tensions sociales. Il tient bon malgré une opposition qui grignote.
Entre temps, les présidents se succèdent au pied des immeubles. Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron… Tous sont venus. Parfois pour annoncer des millions, parfois pour calmer le jeu après des violences. François Garay, lui, est toujours là pour accueillir, négocier, rappeler que derrière les statistiques, il y a des gens.
« On a été le terrain d’expérimentation de toutes les politiques publiques depuis vingt-cinq ans. Parfois c’est lourd à porter, mais ça a permis d’avancer plus vite que d’autres territoires. »
François Garay, maire sortant des Mureaux
Ce Qui a Réellement Changé (et ce qui reste à faire)
Soyons clairs : la ville n’est plus celle de 2001. Le centre-ville est méconnaissable. L’éco-quartier des Musiciens, le pôle Molière avec son lycée nouvelle génération, la gare réaménagée, le campus Airbus Helicopters qui forme des centaines de jeunes… Il y a de quoi être fier.
Mais – parce qu’il y a toujours un mais – certains indicateurs restent dans le rouge. Le taux de chômage oscille encore autour de 18-20 % selon les quartiers. La pauvreté touche plus d’un enfant sur trois. Et l’image, malgré tous les efforts, colle toujours à la peau.
François Garay ne nie rien. Il parle plutôt de « travail de longue haleine ». Et il a raison. Transformer une ville, ce n’est pas poser une plaque et repartir. C’est générationnel.
La Succession : le Vrai Sujet Brûlant
Maintenant, la grande question : qui après lui ?
Pour l’instant, silence radio. Ou presque. Le maire sortant reste très discret. « Je ne ferai pas comme certains qui désignent leur dauphin à grand renfort de communication », glisse-t-il avec un sourire en coin. Traduction : il laissera la démocratie locale faire son travail.
Dans les couloirs de la mairie, on murmure pourtant plusieurs noms. Des adjoints fidèles, bien sûr. Des figures de la société civile aussi. Peut-être même un outsider venu d’ailleurs. Tout est possible.
Ce qui est sûr, c’est que le prochain maire héritera d’un siège particulier. Une ville sous les projecteurs permanents. Un budget conforté par les aides de l’État mais aussi des attentes immenses. Et une population jeune, exigeante, qui ne se contentera plus de promesses.
Un Maire Qui a Su Garder sa Liberté de Ton
L’un des traits qui marquera sans doute le plus, c’est son franc-parler. François Garay n’a jamais été un godillot. Il a pu taper du poing sur la table quand les crédits tardaient ou quand les annonces restaient lettre morte.
Je me souviens d’une réunion publique, il y a quelques années. Un ministre venait d’annoncer un énième plan. Applaudissements polis. Puis Garay prend le micro : « Merci pour les belles paroles. Maintenant, on attend les euros. Et vite. » La salle explose. Le ministre, lui, encaisse.
Cette liberté, il l’a gardée jusqu’au bout. Divers gauche, il n’a jamais vraiment collé à une étiquette. Ni tout à fait PS, ni tout à fait LREM à certaines époques. Juste maire des Mureaux, point.
Et Maintenant ? Une Retraite (Presque) Tranquille
À 70 ans passés, il dit vouloir profiter de sa famille, voyager un peu, lire. Les classiques du maire qui raccroche. Mais on le connaît. Il ne disparaîtra pas totalement.
« Je resterai habitant des Mureaux, bien sûr. Et si on me demande un conseil, je serai là. » Sous-entendu : il gardera un œil. Comme tous ceux qui ont donné un quart de siècle à leur ville.
En attendant mars 2026, la page se tourne doucement. Une page épaisse, riche, contrastée. Comme la ville elle-même.
François Garay laisse derrière lui une commune transformée, des souvenirs par milliers, et surtout cette phrase qu’il répète souvent : « Les Mureaux, ce n’est pas une ville difficile. C’est une ville exigeante. Et c’est tant mieux. »
On ne pouvait pas mieux résumer vingt-cinq ans de mandat.
PS : si vous passez un jour par Les Mureaux, levez les yeux. Vous verrez encore, sur certains bâtiments, les plaques commémoratives des visites officielles. Elles racontent, mieux que n’importe quel discours, l’histoire particulière de cette ville et de l’homme qui l’a incarnée si longtemps.
