Vous avez déjà commandé un haut à 3 euros livré en dix jours et vous êtes-vous demandé comment c’était possible ? Moi oui, souvent. Et visiblement, je ne suis pas le seul. Ces dernières heures, la tension est montée d’un cran entre le géant chinois de l’ultra fast-fashion et plusieurs députés français bien décidés à comprendre ce qui se cache derrière ces prix défiant toute concurrence.
Ce n’est pas tous les jours qu’on voit une entreprise demander – poliment mais fermement – à l’Assemblée nationale de décaler une audition parce qu’elle a… rendez-vous au tribunal trois jours plus tard. C’est pourtant exactement ce qui vient de se passer.
Un bras de fer qui sent la poudre
Imaginons la scène. On est début décembre, il fait froid, les députés préparent leurs questions bien acérées, et là, paf, courrier du porte-parole français de la marque : « Désolé, on préférerait venir après l’audience judiciaire du 5, merci de votre compréhension. »
La réponse ne s’est pas fait attendre. La présidente de la commission concernée a tout simplement refusé, rappelé que la séparation des pouvoirs n’empêche pas le Parlement de travailler, et conclu sur une phrase qui fait mouche : en cas d’absence, direction le procureur de la République. Rien que ça.
Franchement, on n’avait pas vu une telle fermeté depuis longtemps face à une plateforme étrangère. Et quelque part, ça fait du bien.
Pourquoi maintenant ? Le contexte brûlant
Il faut dire que le dossier est explosif. Depuis des mois, les alertes se multiplient. Des vêtements qui arrivent par milliers de colis individuels pour contourner les droits de douane, des matières parfois douteuses, des conditions de travail opaque en Chine, une empreinte carbone catastrophique… La liste est longue.
Et puis il y a cette fameuse taxe sur les colis de moins de 150 euros qui devait entrer en vigueur et que certains acteurs contournent avec une créativité digne d’ingénieurs. Résultat : les douanes françaises s’arrachent les cheveux et les PME locales crient à la concurrence déloyale.
« Quand on veut vendre en France, on respecte les règles françaises. Point. »
Un député membre d’une mission d’information parlementaire
Cette phrase résume assez bien l’état d’esprit actuel au Palais Bourbon.
Une audition plusieurs fois reportée
Petit retour en arrière. L’audition était initialement prévue fin novembre. Premier report parce que, coïncidence, elle tombait le même jour qu’une audience judiciaire importante. Deuxième demande de report cette semaine. Troisième tentative ? On verra bien.
Mais cette fois, c’est non. La date du 2 décembre est maintenue, heure précise, salle précise, tout est prêt. Les députés ne veulent plus entendre parler de calendrier chargé ou de procédure en cours.
- Ils veulent des réponses sur les volumes importés
- Ils veulent comprendre le modèle économique
- Ils veulent savoir comment on peut vendre un jean à 8 euros tout compris
- Ils veulent surtout des engagements concrets
Et ils ont raison de vouloir ces réponses. Parce que derrière les prix bas, il y a des travailleurs, une planète, et tout un pan de l’économie française qui souffre.
Le précédent qui fait peur aux plateformes
Ce n’est pas la première fois qu’une plateforme asiatique se retrouve dans le collimateur. Rappelez-vous les débats sur les entrepôts géants, les livraisons express, les stocks locaux créés pour éviter les taxes. Certaines marques ont déjà dû s’adapter, ouvrir des centres de distribution en Europe, payer plus de taxes.
Mais là, on passe à la vitesse supérieure. Menacer de saisir le procureur en cas de non-présentation, c’est du jamais vu. C’est un signal fort envoyé à toutes les plateformes qui pensaient pouvoir faire ce qu’elles veulent sur le marché européen.
Et quelque part, c’est historique.
Ce que les députés veulent vraiment savoir
Derrière les grands principes, il y a des questions très concrètes qui seront posées le 2 décembre – si les représentants daignent venir.
Par exemple :
- Combien de colis individuels transitent chaque jour via des routes détournées ?
- Quelles sont les conditions réelles dans les usines partenaires ?
- Comment expliquer que certains articles ne respectent pas les normes REACH européennes ?
- Pourquoi ouvrir des pop-up stores en France si on refuse de répondre aux questions des élus ?
Et surtout, la question qui brûle toutes les lèvres : est-ce que le modèle économique repose en partie sur le contournement des règles ?
« Une procédure judiciaire n’empêche en rien une audition parlementaire. Le comportement actuel révèle une défiance manifeste. »
La présidente de la commission, dans un courrier ferme
Cette phrase est lourde de sens.
L’opinion publique bascule
Ce qui est intéressant, c’est que l’opinion publique commence à bouger. Il y a encore deux ans, commander à bas prix était vu comme une bonne affaire. Aujourd’hui, de plus en plus de consommateurs se posent des questions éthiques et écologiques.
Les reportages sur les montagnes de vêtements brûlés, les ouvriers payés une misère, les microplastiques dans les rivières… tout ça commence à peser. Et quand des élus de tous bords – de la gauche écologiste à la droite pro-entreprises – se mettent d’accord pour dire stop, c’est que quelque chose a changé.
J’ai l’impression qu’on assiste à un tournant.
Et si Shein ne venait pas ?
Imaginons qu’ils ne viennent pas. Que le 2 décembre à 16h30, les chaises restent vides. Que se passe-t-il ensuite ?
La saisine du procureur, déjà. Mais au-delà, c’est tout un arsenal législatif qui pourrait se mettre en marche plus vite que prévu : interdiction pure et simple, blocage du nom de domaine, renforcement des contrôles douaniers, sanctions financières lourdes.
Personne n’a envie d’en arriver là. Mais personne ne veut non plus continuer comme avant.
Ce qui se joue en ce moment est plus grand qu’une simple audition. C’est la question de savoir jusqu’où un État peut laisser des acteurs étrangers dicter leurs règles sur son territoire. C’est la question de la souveraineté économique dans un monde globalisé.
Et vous, vous en pensez quoi ? Est-ce que la France a raison de taper du poing sur la table ? Ou est-ce que ça va tuer la liberté du consommateur ?
Une chose est sûre : le 2 décembre, on risque de vivre un moment fort. Avec ou sans les représentants de la plateforme. Et quelque part, c’est peut-être ça le plus révélateur.
(Article mis à jour régulièrement en fonction des prochains développements – l’histoire n’est clairement pas finie)
