Imaginez-vous tranquillement en train de fêter Thanksgiving, cette grande tradition familiale américaine, et d’un seul coup, en pleine dinde rôtie, le président balance un message qui fait l’effet d’une grenade dégoupillée. C’est exactement ce qui s’est passé hier soir. Donald Trump a profité de cette fête symbolique pour annoncer une mesure radicale : la suspension définitive de toute immigration en provenance des pays du tiers-monde. Oui, vous avez bien lu : définitive.
Je dois avouer que, même en suivant la politique américaine depuis des années, ce genre de déclaration me laisse rarement indifférent. On passe d’un « Joyeux Thanksgiving » ironique à une charge sans précédent contre des décennies de politique migratoire. Et tout ça sur fond d’un drame qui a coûté la vie à une jeune membre de la Garde nationale à Washington. Voyons ensemble ce qui se cache derrière cette annonce explosive.
Une sortie qui tombe à pic… ou presque
Le timing est presque trop parfait. Quelques heures après une attaque tragique au cœur de la capitale, le président dégaine son téléphone et publie un long message qui commence par une pointe d’ironie mordante. « Joyeuses fêtes à tous les bons patriotes qui ont laissé notre pays être découpé en morceaux », écrit-il. On sent la colère, mais aussi le calcul politique pur et dur.
Le suspect ? Un ressortissant afghan arrivé sous un programme spécial mis en place après le retrait chaotique de Kaboul. Pour Trump, c’est l’illustration parfaite de tout ce qui ne va pas selon lui depuis des années. Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère : plus de 50 millions d’étrangers vivraient aujourd’hui aux États-Unis, profitant selon lui des aides sociales et mettant en danger la sécurité du pays.
« Je vais suspendre définitivement l’immigration en provenance de tous les pays du tiers-monde afin de permettre au système américain de se rétablir complètement. »
– Extrait du message présidentiel du 27 novembre 2025
Cette phrase, seule, résume à elle seule l’ampleur du virage. On ne parle plus de simple durcissement : on parle d’un arrêt total et indéfini.
Qu’est-ce qu’on entend exactement par « pays du tiers-monde » ?
La formulation est volontairement large. Historiquement, le terme désignait les pays non-alignés pendant la Guerre froide, mais aujourd’hui il est souvent employé de façon péjorative pour parler des nations en développement, principalement en Afrique, en Asie du Sud et en Amérique latine. En gros : presque tout sauf l’Europe occidentale, le Canada, l’Australie, le Japon et quelques autres.
Concrètement, si cette mesure passe, des pays comme le Nigeria, le Pakistan, le Salvador ou les Philippines pourraient se retrouver totalement exclus du système migratoire américain. Même les visas étudiants, les regroupements familiaux ou les loteries de green cards seraient gelés. C’est du jamais-vu depuis les quotas ethniques des années 1920.
La « remigration » entre dans le vocabulaire officiel
Mais Trump ne s’arrête pas là. Il parle ouvertement d’expulser ceux déjà présents qui représenteraient « une charge pour l’État » ou qui seraient « incompatibles avec la civilisation occidentale ». Le terme incompatibilité culturelle est lâché sans filtre. Et il évoque même la possibilité de dénaturaliser certains citoyens naturalisés. On entre dans une zone juridique et morale particulièrement sensible.
Le concept de remigration, popularisé par certains cercles identitaires en Europe, fait ainsi une entrée fracassante dans le débat public américain. L’idée ? Non seulement arrêter les arrivées, mais inverser le flux. Faire repartir ceux qui, selon les critères du gouvernement, n’auraient jamais dû venir ou rester.
- Annulation potentielle de millions de statuts accordés sous l’administration précédente
- Révision des naturalisations pour motifs de sécurité ou de « valeurs »
- Expulsion prioritaire des personnes sous assistance sociale
- Fin des programmes humanitaires type parole pour les Afghans, Haïtiens ou Vénézuéliens
Autant dire que la liste fait froid dans le dos pour des millions de familles.
Un précédent historique lourd de sens
On a tendance à l’oublier, mais les États-Unis ont déjà connu des périodes de fermeture presque totale. Entre 1924 et 1965, le système des quotas nationaux favorisait massivement les Européens du Nord et bloquait presque tout le reste. Résultat ? L’immigration asiatique ou africaine était réduite à une poignée de personnes par an.
La loi Hart-Celler de 1965 avait justement mis fin à ce système jugé raciste. Soixante ans plus tard, Trump semble vouloir refermer la parenthèse. L’argument sécuritaire remplace l’argument racial explicite, mais pour beaucoup d’observateurs, la finalité reste la même : préserver une certaine idée de l’identité américaine.
Les réactions ne se sont pas fait attendre
Du côté républicain, c’est l’euphorie contenue. Plusieurs élus du MAGA appellent déjà à aller encore plus loin : rétablir le « Remain in Mexico », déployer l’armée à la frontière, voire sortir des conventions internationales sur les réfugiés.
À gauche, c’est la sidération. Les associations de défense des migrants parlent d’un « jour noir pour les valeurs américaines ». Des manifestations sont déjà annoncées dans plusieurs grandes villes. Et certains démocrates modérés, ceux qui avaient pourtant durci le ton sur l’immigration ces derniers mois, se retrouvent coincés entre leur base et la réalité du terrain.
« On ne combat pas le terrorisme en punissant des millions de personnes qui n’ont rien à voir avec un criminel isolé. »
– Responsable d’une grande ONG de défense des migrants
Et dans les faits, c’est réalisable ?
C’est la grande question. Sur le papier, le président dispose de larges pouvoirs exécutifs en matière d’immigration, surtout quand la sécurité nationale est invoquée. Les fameuses sections 212(f) et 215(a) du code de l’immigration lui permettent de suspendre presque n’importe quelle catégorie d’entrée.
Mais une suspension « définitive » et ciblée sur des centaines de pays ? Ça va se heurter à une montagne de recours judiciaires. Les juges fédéraux, même ceux nommés par Trump lors de son premier mandat, avaient déjà bloqué plusieurs de ses mesures phares (remember le Muslim Ban version 3 qui était passé de justesse).
Et puis il y a le Congrès. Sans loi votée par les deux chambres, certaines mesures comme la dénaturalisation massive ou la fin du droit du sol pour les enfants de sans-papiers resteront lettre morte. Or, avec une majorité républicaine fragile au Sénat, rien n’est gagné.
L’impact économique qu’on oublie souvent
On parle beaucoup sécurité, identité, valeurs. Mais qui va ramasser les fraises en Californie ? Construire les maisons au Texas ? Travailler dans les abattoirs du Midwest ? L’immigration, même irrégulière, fait tourner une partie non négligeable de l’économie américaine.
Des études récentes montrent que les secteurs de l’agriculture, de la construction et des services dépendent à plus de 30 % d’une main-d’œuvre née à l’étranger. Une coupure brutale pourrait provoquer des pénuries, une hausse des prix et, ironiquement, un ralentissement de la croissance que Trump veut justement relancer.
Certains entrepreneurs républicains commencent déjà à tirer la sonnette d’alarme en privé. Publicement, ils se taisent. Pour l’instant.
Vers une Amérique fermée pour de bon ?
Ce qui frappe, au-delà des mots, c’est le ton. On sent que Trump ne joue plus. Après quatre ans d’opposition, il veut marquer l’Histoire avec un grand H. Et l’immigration reste son sujet favori, celui qui lui a permis de conquérir le pouvoir en 2016 et de revenir en 2024.
Mais l’Amérique de 2025 n’est plus tout à fait celle de 2016. La démographie a changé. Les Latinos représentent désormais le premier groupe minoritaire. Beaucoup sont citoyens, votent, et se souviennent des promesses non tenues sur la régularisation. La base électorale même du Parti républicain commence à évoluer.
Alors oui, Trump peut gagner la bataille de l’opinion sur le court terme, surtout après un attentat. Mais sur le long terme ? Transformer les États-Unis en forteresse pourrait bien fracturer le pays plus sûrement qu’aucune vague migratoire.
Une chose est sûre : les prochains mois vont être agités. Entre les décrets présidentiels, les batailles judiciaires et les manifestations dans la rue, on n’a pas fini d’en parler. Et quelque part, c’est peut-être exactement ce que recherche celui qui occupe à nouveau le Bureau ovale.
À suivre, très attentivement.
(Article mis à jour le 28 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
