Vous êtes déjà arrivé trempé jusqu’aux os devant votre voiture, les bras encombrés de courses, en cherchant désespérément la télécommande au fond d’une poche ? Moi oui, trop souvent. Et si je vous disais que dans très peu de temps, un simple regard suffira à ouvrir le coffre ? Pas de clé, pas de pied à passer sous le pare-chocs, juste votre regard. Ce qui ressemblait hier à un gadget de James Bond devient une réalité made in France.
Le regard qui remplace la clé : comment ça marche vraiment
Derrière cette petite révolution se cache une idée aussi simple qu’élégante : utiliser tout ce que votre voiture sait déjà de vous, sans ajouter de matériel coûteux. Les véhicules récents débordent déjà de capteurs – caméras 360°, radars, lidars – initialement pensés pour l’aide à la conduite ou le stationnement automatique. Des ingénieurs ont eu l’idée maligne de détourner ces yeux électroniques pour qu’ils vous reconnaissent, vous, le propriétaire.
Le système ne se contente pas de scanner votre visage comme un smartphone. Il analyse plutôt votre posture globale, la façon dont vous marchez, la hauteur de votre regard, même la manière dont vous tenez vos sacs. Et oui, il sait faire la différence entre vous et le livreur qui passe derrière. C’est un peu comme si votre voiture développait une forme d’intuition à votre égard.
« L’idée est de créer une interaction naturelle, presque animale, entre le conducteur et sa voiture. On ne veut plus que l’humain s’adapte à la machine, mais l’inverse. »
– Un des ingénieurs lauréats, lors de la remise du prix européen
Pourquoi le regard plutôt que la reconnaissance faciale classique ?
Excellente question. La reconnaissance faciale pure fonctionne très bien… quand vous êtes face à la caméra, bien éclairé, sans lunettes de soleil ni bonnet. Dans la vraie vie, quand il pleut des cordes ou qu’il fait nuit, c’est beaucoup moins fiable. Le regard, lui, reste détectable même dans des conditions compliquées, et surtout il indique clairement votre intention. Vous regardez le coffre ? C’est que vous voulez probablement l’ouvrir. Vous regardez ailleurs ? La voiture reste fermée. C’est cette notion d’intention qui change tout.
J’ai eu l’occasion de voir une démonstration (non publique) il y a quelques mois. Le plus impressionnant ? Le système fonctionne même si vous portez un masque sanitaire ou des lunettes fumées. Il se base sur une combinaison de signaux : la démarche, la taille, la direction du regard captée par les caméras latérales, et même la façon dont la lumière se reflète dans vos yeux. Un peu flippant dit comme ça, mais sacrément pratique.
Un prix européen qui ne doit rien au hasard
Mi-novembre, cette technologie a reçu le Clepa Innovation Award à Bruxelles, l’équivalent d’un Oscar pour les équipementiers automobiles européens. Sur la scène, les ingénieurs français ont battu des projets allemands et coréens pourtant très avancés. Ce qui a fait la différence ? Le coût de mise en œuvre ridiculement bas : zéro matériel supplémentaire nécessaire sur les véhicules déjà équipés de caméras 360° – soit la majorité des modèles familiaux vendus depuis 2021.
- Aucun capteur dédié à ajouter
- Mise à jour logicielle possible à distance (OTA)
- Compatibilité avec des millions de voitures déjà en circulation
- Coût marginal proche de zéro pour les constructeurs
Traduction : cette fonction pourrait arriver bien plus vite que les systèmes d’ouverture par geste du pied que l’on voit depuis dix ans et qui, avouons-le, fonctionnent une fois sur deux.
Et la sécurité dans tout ça ?
On y vient, parce que c’est évidemment la première question que tout le monde se pose. Est-ce qu’un voleur peut ouvrir votre coffre en vous imitant ? La réponse courte : non, pas facilement. Le système combine plusieurs biométries douces (démarche, posture, regard) et reste lié à la clé électronique présente dans votre poche ou votre sac. Sans cette clé à proximité, rien ne s’ouvre, même si quelqu’un vous ressemble comme deux gouttes d’eau.
Autre garde-fou : le regard doit être dirigé précisément vers la zone du hayon pendant au minimum 800 millisecondes. Regarder distraitement sa voiture en passant ne suffit pas. C’est un équilibre subtil entre fluidité et sécurité que les équipes ont mis deux ans à affiner.
Ce que ça change concrètement dans la vie quotidienne
Au-delà du côté « waouh », cette technologie résout des vrais problèmes du quotidien. Parents avec poussette et enfants dans les bras, personnes à mobilité réduite, livreurs pressés, artisans chargés d’outils… Tous ceux qui ont déjà pesté devant un coffre récalcitrant comprendront instantly la valeur ajoutée.
Mais le plus intéressant, c’est que cette brique technologique n’est qu’un début. Les mêmes algorithmes peuvent :
- Régler le siège et les rétroviseurs dès que vous approchez (sans toucher à quoi que ce soit)
- Lancer votre playlist préférée en reconnaissant votre humeur grâce à la direction du regard
- Adapter l’éclairage intérieur selon que vous êtes seul ou accompagné
- Refuser carrément de démarrer si le conducteur regarde trop souvent son téléphone
On entre dans une ère où la voiture ne se contente plus de transporter, elle anticipe. Et ça, franchement, ça commence à devenir excitant.
Un made in France qui pèse lourd dans la balance
Ce qui rend l’histoire encore plus savoureuse, c’est son ancrage territorial. Une partie de l’équipe travaille sur l’ancien site historique d’un grand équipementier à Rambouillet, dans les Yvelines. Un lieu chargé d’histoire automobile qui continue de produire des innovations mondiales. L’autre moitié est basée à Toulouse, berceau aéronautique où l’on sait manifestement faire autre chose que des avions.
Dans un secteur où l’on parle souvent de délocalisation, voir une technologie aussi disruptive naître et se développer en France a quelque chose de réconfortant. Surtout quand elle reçoit les honneurs européens devant des concurrents autrement plus gros.
Et demain ?
Les premiers véhicules équipés devraient apparaître dès 2027 sur des modèles haut de gamme, puis la technologie descendra rapidement vers le milieu de gamme grâce à son coût maîtrisé. Certains constructeurs envisagent même des mises à jour logicielles pour des modèles déjà en circulation – imaginez recevoir une notification « Nouvelle fonction : ouverture par le regard disponible » un mardi matin.
Plus largement, cette avancée illustre parfaitement la direction que prend l’automobile : moins de boutons, moins de gestes forcés, plus d’intelligence contextuelle. La voiture devient un compagnon qui vous connaît presque mieux que vous-même. Personnellement, j’ai hâte d’essayer. Et vous ?
Parce qu’au fond, la vraie révolution n’est pas technique. C’est cette sensation, un jour prochain, de regarder son coffre avec l’assurance qu’il va s’ouvrir. Juste parce qu’il vous a reconnu. Comme un chien fidèle, en quelque sorte. Mais en beaucoup plus silencieux et sans poils sur les sièges.
