Vous est-il déjà arrivé de passer devant un groupe de jeunes un soir d’hiver et de vous demander, l’espace d’un instant, si tout allait bien dégénérer ? Jeudi 27 novembre, à Saint-Leu-la-Forêt, la réponse a été oui. Et plutôt violemment.
Vers 18 h 30, près de la galerie marchande des Diablots – vous savez, ce petit centre commercial que tout le monde fréquente dans le coin –, une trentaine d’adolescents se sont retrouvés. Pas pour faire du lèche-vitrine ou boire un chocolat chaud. Non, le rendez-vous sentait la castagne à plein nez.
Une soirée qui tourne mal en quelques minutes
Tout a basculé très vite. Coups de poing, coups de pied, et puis cette arme blanche qui sort on ne sait d’où. Trois garçons, âgés de 14 et 15 ans seulement, se retrouvent au sol. L’un a la tête en sang, l’autre des éraflures partout, le troisième une entaille au dos, au niveau de l’omoplate gauche. Rien de mortel, heureusement, mais suffisamment sérieux pour que les pompiers les emmènent en urgence relative à l’hôpital d’Eaubonne.
Quand les policiers arrivent sur place, c’est déjà presque fini. Les protagonistes ont filé dans la nature comme une volée de moineaux. Seuls restent les trois blessés et quelques témoins qui n’en mènent pas large. « Ils ont vite été dispersés », résume sobrement la mairie sur ses réseaux. Merci la vidéosurveillance et la réactivité des forces de l’ordre.
D’où venaient-ils, ces jeunes ?
C’est là que ça devient intéressant. Apparemment, la plupart ne venaient même pas de Saint-Leu-la-Forêt. On parle de Bessancourt, de Franconville, peut-être d’ailleurs encore. Un rendez-vous organisé, probablement sur Snapchat ou Telegram, comme c’est souvent le cas maintenant. Un différend qui date, une histoire de regard de travers, une copine, un « territoire »… Les raisons précises, on ne les connaît pas encore.
Ce qui est sûr, c’est que ce genre de rassemblement ne sort pas de nulle part. Il y a dix ans, on se souvenait encore des tensions entre jeunes de Saint-Leu et ceux de Taverny. Aujourd’hui, les acteurs ont changé, mais le scénario reste tristement familier.
« Une trentaine de jeunes, venus pour la plupart de villes voisines, s’était donné rendez-vous sur notre commune pour en découdre. En grande majorité mineurs, ils ont vite été dispersés grâce à la surveillance active du centre de supervision urbain et à l’arrivée rapide des services de police. »
– Communication officielle de la mairie de Saint-Leu-la-Forêt
Un événement « isolé »… vraiment ?
La mairie insiste : c’est un fait isolé. Et on veut bien le croire. Saint-Leu-la-Forêt n’est pas Argenteuil ni Sarcelles, loin de là. La ville a plutôt bonne réputation, avec ses pavillons, ses forêts, sa tranquillité relative. Mais soyons honnêtes : même dans les communes qu’on imagine paisibles, la violence adolescente existe. Elle prend juste d’autres formes.
Et puis, il y a cette réalité qu’on n’aime pas trop regarder en face : les réseaux sociaux ont changé la donne. Un clash qui aurait autrefois resté entre quatre yeux dans une cour de collège peut aujourd’hui mobiliser cinquante personnes en deux heures. C’est plus rapide, plus anonyme, et surtout beaucoup plus dangereux.
Les Diablots, un quartier en pleine mutation
Le quartier des Diablots, lui, n’est pas n’importe quel coin. Il est en plein chantier de rénovation urbaine : 200 logements neufs, un nouvel espace vert, une vraie volonté de redonner de l’attractivité. Ironie du sort, c’est précisément là que tout s’est joué. Comme un rappel que la violence ne respecte ni les grues ni les beaux projets.
Moi, ce qui me frappe, c’est cette capacité des jeunes à transformer un lieu de passage banal en arène le temps d’une soirée. La galerie marchande, les parkings, les arrêts de bus… Ce sont des endroits qu’on traverse sans y penser. Et puis un soir, ils deviennent le théâtre d’autre chose.
Que fait-on maintenant ?
La maire, Sandra Billet, a immédiatement réagi. Elle a demandé du renfort policier et une vigilance accrue. Parce que personne n’a envie que ça recommence. Ni les habitants, ni les commerçants, ni les parents qui ont vu leurs enfants rentrer avec la peur au ventre.
- Renforcement des patrouilles en soirée
- Coordination renforcée avec les villes voisines
- Peut-être plus de médiateurs de rue ?
- Et surtout, une enquête pour comprendre qui a organisé ça et pourquoi
Parce qu’au-delà des coups et des blessures, il y a une question qui reste : comment en arrive-t-on là à 14-15 ans ? Qu’est-ce qui fait qu’on préfère régler ses comptes à trente plutôt que de parler ? Ce n’est pas nouveau, bien sûr. Mais ça semble plus brutal, plus organisé.
Et nous, dans tout ça ?
On peut se dire « c’est loin de chez moi », « ça n’arrive qu’aux autres ». Mais franchement, qui n’a pas un adolescent dans son entourage ? Qui n’a pas déjà vu ces groupes qui traînent, ces regards qui défient ? Cette rixe, c’est aussi un signal. Pas forcément d’une ville qui part en vrille, non. Mais d’une génération qui grandit dans un monde où la violence semble parfois la réponse la plus rapide.
Je ne vais pas vous faire le couplet moralisateur. On connaît tous les ingrédients : manque de perspectives, influence des réseaux, sentiment d’impunité quand on est mineur, effet de groupe… Rien de révolutionnaire. Mais quand on lit que des gamins de 14 ans se blessent à l’arme blanche un jeudi soir de novembre, ça fait quand même quelque chose.
Alors oui, l’événement est « isolé ». Les jeunes ont été dispersés. L’enquête suit son cours. Mais derrière les communiqués rassurants, il y a trois adolescents qui ont fini aux urgences. Et peut-être beaucoup d’autres qui ont vu des choses qu’ils n’auraient jamais dû voir à cet âge.
La nuit est tombée tôt sur Saint-Leu-la-Forêt ce jeudi-là. Et quelque part, elle a laissé une trace qu’on n’effacera pas si facilement.
(Article mis à jour le 28 novembre 2025 – l’enquête est toujours en cours)
