Vous souvenez-vous du bruit si particulier d’un verre Duralex qui tombe par terre sans se casser ? Ce petit « poc » rassurant qui a accompagné des générations de cantines scolaires et de cuisines familiales. Eh bien hier, ce même verre a fait un bruit bien plus fort : celui de tout un pays qui se mobilise pour ne pas le laisser disparaître.
En à peine quelques heures, les Français ont investi des sommes folles pour sauver leur marque préférée. Et quand je dis « folles », je pèse mes mots : l’objectif initial de 5 millions d’euros a été pulvérisé en moins de six heures. À la fermeture de la journée, les promesses d’investissement atteignaient déjà les 19 millions. C’est du jamais-vu.
Quand le peuple devient actionnaire d’une légende
Il y a des histoires qui font du bien. Celle-ci en fait partie. Depuis que les salariés ont repris l’entreprise en août 2024 sous forme de coopérative (une Scop, pour les Français suivent le parcours de cette verrerie avec une attention presque affective. On parle quand même de l’inventeur du verre trempé, de l’objet qui a survécu à des millions de chutes et qui trône encore dans la moitié des placards de France.
Et là, bim. L’annonce tombe : il manque 5 millions pour boucler le plan de relance et moderniser l’usine de La Chapelle-Saint-Mesmin. Au lieu d’aller voir les fonds d’investissement classiques ou de supplier les banques – qui, soyons honnêtes, n’aiment pas trop les Scop –, la direction choisit une voie radicalement différente : demander directement au peuple.
Résultat ? Un raz-de-marée.
« On espérait trois millions en quatre ou cinq semaines… On a eu cinq millions en cinq heures quarante et dix-neuf millions de promesses en vingt-quatre heures. C’est plus qu’incroyable ! »
Le directeur général de la Scop
Pourquoi les Français ont-ils répondu présents si massivement ?
D’abord parce que Duralex, ce n’est pas qu’une marque. C’est un souvenir d’enfance pour beaucoup. Le verre orange avec les bulles, le modèle Gigogne, le Picardie qui résiste à tout… On a tous une histoire avec ces objets. Ils font partie du patrimoine vivant français au même titre que la baguette ou le camembert.
Ensuite, il y a cette idée géniale : permettre à monsieur et madame Tout-le-monde d’investir à partir de 100 euros seulement. Pas besoin d’être riche pour devenir actionnaire d’une entreprise légendaire. Ça change tout. Soudain, l’économie redevient concrète, palpable. On ne place pas son argent dans une obscure start-up californienne, on sauve l’usine du coin où travaillent des gens qu’on pourrait croiser au marché.
Enfin, il y a le contexte. Après des années de délocalisations, de fermetures d’usines et de discours larmoyants sur « l’industrie française qui meurt », voir une boîte se battre et gagner grâce à ses propres salariés, ça redonne espoir. Et l’espoir, en ce moment, on en a sacrément besoin.
Une opération technique rondement menée
Il ne faut pas croire que tout ça s’est fait dans la joie et l’allégresse sans organisation. L’opération a été pensée dans les moindres détails :
- Phase de pré-engagement un mois avant pour jauger l’intérêt (déjà énorme)
- Investissement possible dès 100 € via des titres participatifs (remunérés autour de 5-6 % selon les années)
- Plafond légal fixé à 5 millions par l’autorité de régulation – atteint en un temps record
- Promesses d’investissement enregistrées au-delà pour une future augmentation de capital
Quand le plafond a été atteint, la plateforme a même dû fermer temporairement les nouvelles souscriptions. Du jamais-vu dans le monde du financement participatif en France.
Et maintenant ? Vers une nouvelle jeunesse pour l’usine
Ces millions ne vont pas dormir sur un compte. Ils ont un objectif précis : moderniser l’outil de production qui date, pour certains fours, des années 70. On parle d’investissements lourds :
- Remplacement des lignes de production énergivores
- Automatisation partielle pour rester compétitif
- Développement de nouvelles gammes (couleurs, design, produits dérivés)
- Renforcement des circuits courts et du made in France
- Peut-être même une diversification vers d’autres objets en verre technique
L’idée, c’est de transformer Duralex en championne du verre durable et désirable du XXIe siècle, tout en gardant son ADN populaire.
Une cagnotte pour ceux qui veulent aider autrement
Beaucoup de gens ont été déçus de ne pas pouvoir investir une fois le plafond atteint. Du coup, l’entreprise a annoncé l’ouverture prochaine d’une cagnotte solidaire. Pas d’actions en échange cette fois, juste un geste citoyen pour soutenir les 242 salariés et leur projet collectif.
C’est beau, non ? Dans un monde où tout semble aller trop vite et où l’argent paraît toujours finir dans les mêmes poches, voir des milliers de Français sortir 100, 500 ou 1 000 euros pour sauver une usine, ça redonne foi en l’humain.
Ce que cette histoire nous dit de la France de 2025
À mon sens, ce succès dépasse largement le cas Duralex. Il révèle plusieurs choses profondes sur notre société actuelle :
D’abord, une envie farouche de relocalisation et de souveraineté industrielle. Les Français en ont marre de voir leurs objets du quotidien fabriqués à l’autre bout du monde.
Ensuite, une vraie appétence pour l’économie participative. Quand on leur propose d’investir dans du concret, dans du local, dans de l’humain, les gens répondent présents.
Enfin, une forme de revanche des territoires. L’usine est dans le Loiret, loin des métropoles brillantes. Et pourtant, c’est elle qui fait la une et qui mobilise la nation entière.
Cette histoire, c’est un peu le « David contre Goliath » version industrie française. Et pour une fois, David est en train de gagner.
Un modèle reproductible ailleurs ?
La question que tout le monde se pose maintenant : est-ce que d’autres entreprises en difficulté pourraient s’inspirer de ce modèle ? La réponse est oui, mais avec des nuances.
Il faut :
- Une marque forte avec un capital affectif énorme (comme Duralex, Arc, Le Creuset, Seb…)
- Une gouvernance irréprochable et transparente
- Une histoire humaine qui touche
- Une communication au cordeau
Toutes les boîtes n’ont pas ces atouts. Mais pour celles qui les ont, la voie est ouverte par Duralex est extrêmement prometteuse.
On le voit bien : quand on redonne du sens à l’argent, les Français sont prêts à s’engager. Et pas qu’un peu.
Alors la prochaine fois que vous prendrez votre café dans un verre Duralex, pensez-y : ce petit objet tout simple porte désormais en lui une grande victoire collective. Celle d’un peuple qui refuse de laisser mourir ses légendes industrielles. Et franchement, ça fait chaud au cœur.
Parce qu’au fond, sauver Duralex, c’est un peu sauver un bout de nous-mêmes.
Et vous, avez-vous participé à cette levée de fonds historique ? Ou comptez-vous contribuer à la cagnotte à venir ? Dites-le-moi en commentaire, j’ai hâte de lire vos témoignages !
