Franchement, quand on m’a dit qu’un promu de Ligue 1 allait cohabiter avec un club historique de Top 14 dans le même stade, j’ai souri. Et puis j’ai vu les premiers chiffres… et là, j’ai arrêté de sourire. Parce que la réalité dépasse parfois les pronostics les plus fous.
Imaginez : le même pelouse, les mêmes virages, les mêmes projecteurs. Mais deux mondes. D’un côté le foot populaire qui revient enfin dans l’ouest parisien, de l’autre le rugby chic qui règne sur Jean-Bouin depuis des décennies. Et pourtant, en ce début de saison 2025-2026, c’est bien le petit nouveau qui fait trembler les murs.
Un duel inattendu dans le XVIe
On va être clair dès le départ : personne n’aurait parié un euro là-dessus en août dernier. Le Stade Français, c’est la maison. Le club a signé jusqu’en 2029, il est chez lui. Le Paris FC ? Un locataire qui paye son loyer et qui devait, en théorie, galérer à remplir une enceinte de presque 20 000 places après des années à Charléty devant 3 000 courageux.
Et puis il y a eu ce premier match contre Lyon. 18 200 personnes. J’étais dans les tribunes ce soir-là, et je peux vous dire que ça sentait le roussi pour les habitués du rose.
Les chiffres qui ne mentent pas
Allez, on sort la calculette, parce que c’est là que ça devient intéressant.
Après six réceptions à domicile pour le Paris FC et cinq pour le Stade Français, voilà ce que ça donne :
| Club | Moyenne spectateurs | Taux de remplissage | Meilleure affluence |
| Paris FC (Ligue 1) | ~17 600 | 90 % | +18 000 (x3) |
| Stade Français (Top 14) | ~14 000 | 70 % | 18 000 (1 seule fois) |
Oui, vous avez bien lu. 90 % de remplissage pour un promu qui pointe à la 12e place et qui reste sur des prestations en dents de scie à domicile. Contre 70 % pour une équipe troisième du championnat et invaincue chez elle.
Le foot a gagné. Et pas qu’un peu.
Pourquoi le Paris FC fait salle comble ?
Je vais vous donner plusieurs raisons, et croyez-moi, elles se tiennent toutes.
- La nouveauté, déjà. Voir du foot de haut niveau dans le XVIe, ça n’était plus arrivé depuis… très longtemps. Les gens veulent vivre l’expérience.
- Le prix des places. Franchement, comparé à ce qui se pratique ailleurs dans la capitale pour voir du foot, Jean-Bouin reste abordable. Familles, étudiants, curieux : tout le monde peut se payer un billet.
- L’effet Arnault. Oui, la famille qui possède le club sait communiquer. Les opérations marketing, les invitations, les partenariats… ça aide.
- Et surtout, cette identité « club du peuple parisien ». Pas de stars à 20 millions, pas de Qatar, pas de polémiques tous les week-ends. Juste du foot, du vrai, avec des joueurs qui mouillent le maillot.
Résultat ? Des tribunes pleines même quand l’équipe perd. Contre Strasbourg récemment, malgré un match moyen et une défaite, plus de 18 000 personnes. J’ai vu des familles entières, des gamins avec le maillot tout neuf, des anciens supporters de Charléty émus aux larmes. C’était beau.
Et le Stade Français dans tout ça ?
Attention, je ne vais pas taper sur le rugby. L’équipe joue très bien, les victoires s’enchaînent, le spectacle est souvent au rendez-vous. Mais il y a des réalités qu’on ne peut pas ignorer.
Le public du Top 14 est plus… sélectif. Un dimanche soir à 21h05 contre Toulon, même avec une belle affiche, c’est compliqué de remplir.
Les horaires pourris n’aident pas. Le rugby français souffre encore de cette programmation télé qui privilégie les diffuseurs au détriment du spectateur. Résultat : des travées à moitié vides même pour des chocs.
Et puis soyons honnêtes : le Stade Français a perdu un peu de son aura ces dernières années. Les Soldats Roses font peur à personne en tribune quand l’équipe galère. Là, elle gagne, mais les habitudes sont prises. Les gens ne reviennent pas comme ça, en claquant des doigts.
La métamorphose express du stade
Ce qui est fascinant, c’est la vitesse à laquelle Jean-Bouin change de visage. Le vendredi soir, vous avez 18 000 personnes qui chantent « Paris est magique » en bleu ciel. Le dimanche après-midi, les mêmes sièges sont occupés par des écharpes roses qui hurlent « Ici c’est Paris ! » version rugby.
Entre les deux ? Une armée de jardiniers, de peintres, de techniciens qui transforment le terrain en quelques heures. Les lignes de foot deviennent des lignes de rugby, les panneaux publicitaires changent, les buvettes s’adaptent. C’est un ballet incroyable.
Ce que ça dit de Paris et de ses supporters
Au-delà des chiffres, il y a une vraie question de société. Pourquoi le foot populaire revient en force dans les quartiers huppés ? Pourquoi le rugby, sport historique du XVIe, peine à mobiliser autant ?
Je pense qu’on assiste à un retour de balancier. Paris avait oublié qu’on pouvait aimer le foot sans être obligé de supporter le PSG et ses prix exorbitants. Le Paris FC comble ce vide. C’est le club où tu peux venir avec tes potes, ta bière à 5 euros, et crier sans te ruiner.
Le Stade Français, lui, reste un club de tradition. Son public est fidèle, mais plus âgé, plus installé. Moins de folie, plus de confort. Et ça se ressent dans les travées.
Et la suite ?
Difficile de prédire ce qui va se passer d’ici la fin de saison. Si le Paris FC continue à remplir à 90 %, la pression va monter sur la mairie et sur le Stade Français. Le contrat court jusqu’en 2029, mais rien n’empêche de le rediscuter.
En attendant, une chose est sûre : le Paris FC a réussi son pari. Passer de Charléty à Jean-Bouin et transformer un stade de rugby en place forte du foot parisien en quelques mois, c’est un exploit.
Et quelque part, c’est aussi une belle victoire pour tous ceux qui croient encore que le foot peut appartenir au peuple. Même dans le XVIe arrondissement.
Alors oui, pour l’instant, le match des affluences est largement remporté par le Paris FC. Mais le rugby a encore du temps pour renverser la tendance. Rendez-vous en mai pour le bilan final. En attendant, si vous n’avez pas encore mis les pieds à Jean-Bouin cette saison… faites-le. Peu importe le sport. Vous allez comprendre pourquoi Paris vibre à nouveau.
