Vous souvenez-vous du moment où une simple commission d’enquête parlementaire pouvait faire trembler tout un camp politique ? Ces derniers jours, on a l’impression de revivre ça, en direct, à l’Assemblée nationale. Et cette fois, c’est le leader historique de la gauche radicale qui se retrouve dans le viseur.
Franchement, quand j’ai vu l’annonce officielle, je me suis dit : « Ça y est, on y est. » Le fondateur de La France insoumise va devoir répondre à des questions sur de supposés liens entre certains mouvements politiques et des réseaux islamistes. Autant dire que le sujet est explosif, surtout dans le climat actuel.
Une convocation qui sent la poudre dès le départ
La nouvelle est tombée un vendredi, comme souvent quand on veut que ça passe un peu inaperçu le week-end. Pourtant, impossible de rater l’information : la commission d’enquête lancée par la droite républicaine a décidé d’auditionner Jean-Luc Mélenchon dès le mardi suivant. La date reste conditionnée à sa réponse, mais le message est clair. On veut l’entendre, et vite.
Ce qui frappe d’emblée, c’est la rapidité de l’opération. La commission, qui doit rendre ses conclusions autour du 10 décembre, fonctionne à marche forcée. On auditionne à tour de bras : chercheurs, sondeurs, responsables du renseignement, auteurs de livres polémiques… Et maintenant, des leaders politiques de premier plan. L’agenda est tellement chargé qu’on se demande si l’objectif est vraiment de creuser le sujet ou plutôt de marquer des points avant la trêve des confiseurs.
« On n’est pas là pour se faire LFI », avait pourtant assuré le rapporteur de la commission il y a quelques jours.
Permettez-moi d’en douter un peu. Quand on voit le casting et le calendrier, difficile de ne pas penser que la cible principale est toute trouvée.
Un casting qui pose question
D’ailleurs, regardons de plus près qui passe sur le gril cette semaine. Mardi, outre Mélenchon, c’est la secrétaire nationale des écologistes qui sera entendue. Et jeudi ? Le ministre de la Justice en personne. Drôle de mélange, non ? D’un côté des responsables de l’opposition de gauche, de l’autre un poids lourd du gouvernement. Officiellement, tout le monde est logé à la même enseigne. Mais dans les couloirs, certains murmurent que l’équilibre penche dangereusement.
Ce qui alimente la polémique, c’est surtout la composition du bureau de la commission. Zéro député issu des groupes de gauche. Aucun. Alors que le règlement de l’Assemblée demande pourtant de « s’efforcer de reproduire la configuration politique » du Palais Bourbon. Vous me direz, « s’efforcer » n’est pas « obliger ». Mais quand même. Dans une enquête aussi sensible, ce détail a son importance.
- Aucun élu de gauche au bureau de la commission
- Présidence et rapporteur issus de la droite et de l’extrême droite modérée
- Calendrier ultra-serré avant les fêtes
- Auditions sous serment possibles
Autant d’éléments qui font grincer des dents à gauche, et pas seulement chez les Insoumis.
La réponse cinglante du camp Mélenchon
Du côté de La France insoumise, on ne mâche pas ses mots. L’entourage du leader historique a immédiatement fait savoir qu’aucune convocation officielle n’avait été reçue. Et quand bien même elle arriverait, la réponse est déjà prête : pas question de se présenter devant une commission qui, selon eux, ne respecte pas les règles élémentaires de l’Assemblée.
« Jean-Luc Mélenchon se rendrait à toute convocation reçue d’une commission d’enquête qui respecte les règles définies par le règlement de l’Assemblée nationale »
– Communiqué de l’entourage du leader LFI
Traduction : tant que la composition du bureau n’évolue pas, porte close. C’est une position de principe, mais aussi une stratégie. En refusant de jouer le jeu, Mélenchon se pose en défenseur des institutions face à ce qu’il présente comme une tentative de dévoiement.
Et sur le fond ? Les cadres du mouvement balayent l’idée même d’un lien organisé entre leur parti et des réseaux islamistes. Pour eux, parler d’« entrisme » relève du fantasme politicien. Le coordinateur du parti parle d’un présupposé « ridicule » destiné à salir la gauche radicale à l’approche des élections municipales.
Mais alors, de quoi parle-t-on vraiment ?
Revenons aux origines. Cette commission est née d’une initiative de la droite républicaine, relancée après plusieurs tentatives infructueuses. L’objectif affiché ? Faire la lumière sur d’éventuelles infiltrations islamistes dans les partis politiques et, plus largement, dans la société française. Un sujet sérieux, personne ne le conteste. Le séparatisme religieux est une réalité que l’État combat depuis des années.
Mais voilà, très vite, les regards se sont tournés vers La France insoumise. Certains livres, certaines déclarations, certaines candidatures aux élections ont alimenté les soupçons. Des alliances locales contestées, des prises de position sur le conflit israélo-palestinien, des meetings où certains slogans ont choqué… Tout cela a été mis dans le même panier.
Est-ce suffisant pour parler d’« entrisme organisé » ? C’est là que le bât blesse. D’un côté, des faits précis et documentés seraient nécessaires. De l’autre, on a surtout vu défiler des auteurs d’ouvrages à charge et des témoins qui, disons-le, n’ont pas toujours la réputation d’être neutres.
Les pouvoirs d’une commission d’enquête : impressionnants sur le papier
Il faut le rappeler : une commission d’enquête parlementaire, ce n’est pas une promenade de santé. Les personnes convoquées ont l’obligation de se présenter. Elles peuvent être entendues sous serment. Les refus sont sanctionnés. Les parlementaires ont accès à des documents confidentiels, peuvent perquisitionner dans certains cas, auditionner qui ils veulent.
En théorie, c’est l’arme absolue pour faire la lumière. En pratique, tout dépend de qui tient le manche. Et là, la question de la partialité revient en boucle.
Un précédent qui pèse lourd
On se souvient tous des commissions sur les attentats, sur les ehpads pendant le Covid, sur les dérives sectaires… Certaines ont marqué l’histoire politique. D’autres ont accouché d’une souris. Celle-ci, avec son calendrier express et son casting politique, risque de rentrer dans la seconde catégorie si elle ne parvient pas à dépasser les clivages partisans.
Ce qui est sûr, c’est que le sujet mérite mieux qu’un règlement de comptes déguisé. L’entrisme islamiste, s’il existe à une échelle significative, doit être combattu sans complaisance. Mais cibler un seul camp politique, sans preuves irréfutables et avec une méthode contestée, c’est prendre le risque de discréditer l’exercice même.
Et maintenant ? Trois scénarios possibles
- Mélenchon accepte finalement de venir, transforme l’audition en tribune et retourne la situation à son avantage.
- Il refuse, la commission le déclare défaillant et en tire argument pour durcir ses conclusions.
- La polémique sur la légitimité enfle, la commission perd en crédibilité et ses travaux finissent dans les oubliettes de l’histoire parlementaire.
Lequel vous semble le plus probable ? Personnellement, je penche pour un mélange du premier et du troisième. Mélenchon a toujours su transformer les attaques en opportunités de communication. Mais cette fois, le contexte est particulièrement tendu.
Ce qui est certain, c’est que cette séquence dit beaucoup de l’état de notre débat public. On ne discute plus vraiment des faits, on se bat sur la légitimité des instances, sur les procédures, sur les intentions cachées. Pendant ce temps, les vrais sujets – laïcité, intégration, radicalisation – passent au second plan.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Cette commission va-t-elle réussir à dépasser les postures pour produire du travail utile ? Ou assiste-t-on simplement à un nouvel épisode de la guerre des tranchées qui paralyse la vie politique française depuis des années ?
Une chose est sûre : les prochains jours risquent d’être animés. Et quelque part, c’est peut-être ça le plus inquiétant. Qu’une simple audition fasse autant de vagues, c’est le signe que la confiance entre les camps est au plus bas. On en est là.
