Imaginez la scène : vous roulez tranquillement sur les routes étroites de Monaco, entre yachts et palaces, et soudain, une Ferrari fait des écarts. Derrière le volant ? Un champion du sprint capable de battre les meilleurs à plus de 70 km/h sur un vélo. Sauf que cette fois, la vitesse n’a rien à voir avec le cyclisme. C’est l’histoire, à peine croyable, de Fernando Gaviria en ce mois d’octobre 2025.
Quand on parle de sprinteurs, son nom arrive souvent dans les conversations. Deux étapes sur le Tour de France, cinq sur le Giro, un palmarès long comme le bras et cette capacité rare à transformer n’importe quelle arrivée massive en feu d’artifice. Et pourtant, en cette fin d’année, c’est hors du vélo que le Colombien fait parler de lui. Et pas vraiment en bien.
Une condamnation qui tombe le jour de la signature
Le timing a quelque chose de cruel. Le mardi, Gaviria paraphe son contrat avec Caja Rural-Seguros RGA, une équipe continentale pro espagnole qui lui offre une porte de sortie après deux années compliquées chez Movistar. Le même jour, à quelques kilomètres de là, le tribunal correctionnel de Monaco rend sa décision : deux mois de prison avec sursis, 5 000 euros d’amende et surtout deux années d’interdiction de conduire sur le territoire de la Principauté.
Le motif ? Une alcoolémie mesurée à 1,18 mg d’alcool par litre d’air expiré. En termes plus concrets, cela correspond à environ 2,4 grammes d’alcool par litre de blood. Autrement dit, presque cinq fois la limite autorisée en France et bien au-delà du seuil monégasque. Le contrôle a eu lieu en pleine journée, le 22 octobre, après une conduite jugée dangereuse par les forces de l’ordre.
« J’étais stressé à cause du travail et de problèmes familiaux. J’avais bu quelques cocktails avant d’aller chercher à manger »
Explication donnée par le coureur à l’audience
Monaco, terre d’accueil… et de sévérité
Beaucoup de coureurs choisissent Monaco pour des raisons fiscales, c’est un secret de polichinelle. Mais quand on y réside, on sait aussi que les autorités ne rigolent pas avec l’alcool au volant. Le rocher est petit, les contrôles fréquents, et la tolérance proche de zéro. Résultat : les sanctions tombent vite et fort.
D’après ce qui a filtré de l’audience, le procureur avait requis exactement ce qui a été prononcé. Le juge a suivi. Pas d’effet clémence malgré le casier judiciaire vierge du cycliste et son statut de sportif de haut niveau. À Monaco, une Ferrari qui zigzague, c’est une Ferrari qui zigzague, point.
- Prison avec sursis : 2 mois
- Amende : 5 000 €
- Interdiction de conduire à Monaco : 24 mois
- Retrait de points : total (permis européen impacté)
Une saison 2025 déjà compliquée
Revenons un peu en arrière. 2025 aura été une année blanche ou presque pour Gaviria en termes de résultats. Aucun Grand Tour au départ. Movistar, pourtant réputée pour faire confiance à ses leaders, ne l’a même pas aligné sur la Vuelta, course pourtant taillée pour les sprinteurs sur certaines étapes.
Sa dernière victoire ? Février 2024, au Tour de Colombie. Depuis, plus rien. Quelques places d’honneur, des sprints où il manque ce petit quelque chose qui faisait de lui un tueur il y a encore cinq ans. À 31 ans, il n’est pas vieux, mais dans le sprint moderne, la concurrence est féroce et impitoyable.
J’ai toujours trouvé que Gaviria avait ce truc en plus, cette explosivité brute qui rappelle un peu le jeune Cavendish. Mais ces dernières années, les pépins physiques, les changements d’équipe, peut-être aussi une certaine usure mentale, ont émoussé la lame.
Caja Rural : un nouveau départ ou un plan B ?
Signer chez Caja Rural, c’est clairement descendre d’un cran en termes de budget et de calendrier World Tour. Mais c’est aussi retrouver un environnement plus calme, moins de pression, et surtout des courses où il pourra enfin lever les bras. L’équipe espagnole mise beaucoup sur lui pour les arrivées massives en 2026.
On imagine mal Gaviria accepter ce contrat s’il n’avait pas conscience que son image avait besoin d’un sérieux coup de polish. Cette condamnation tombe au pire moment, mais paradoxalement, elle pourrait aussi marquer un électrochoc.
L’alcool et le sport de haut niveau : un sujet tabou ?
On va être honnête deux minutes. Combien de sportifs, toutes disciplines confondues, ont déjà pris le volant après avoir bu un verre de trop ? Beaucoup plus qu’on ne le pense. La différence, c’est que la plupart ne se font pas contrôler à Monaco en pleine journée au volant d’une voiture de sport.
Le cyclisme professionnel reste un milieu où l’alcool n’est pas totalement banni. On voit encore des coureurs siroter une bière après l’étape, certains directeurs sportifs ne s’en cachent pas. Mais entre une bière désaltérante après 200 km et 2,4 g d’alcool dans le sang en pleine journée, il y a un monde.
« Le sport de haut niveau n’excuse pas tout. Prendre le volant dans cet état, c’est mettre en danger sa vie et celle des autres. Point. »
Que risque-t-il vraiment pour la suite ?
Sportivement, presque rien. L’UCI ne sanctionne pas les délits routiers sauf s’ils impliquent dopage ou violence. Son nouveau contrat n’est pas menacé. Caja Rural savait probablement avant de signer.
En revanche, imageusement, c’est une claque. Les sponsors détestent ce genre d’histoires, surtout quand elles arrivent en pleine période de recherche de partenaires pour 2026. Et puis il y a cette interdiction de conduire à Monaco : deux ans, ça fait long quand on y habite.
On l’imagine déjà faire du scooter électrique ou se déplacer en taxi pour aller s’entraîner sur la Côte d’Azur. L’anecdote fera sourire dans le peloton, mais elle rappelle aussi que même les stars ne sont pas au-dessus des lois.
Un palmarès qui mérite mieux qu’un fait divers
Parce qu’il ne faudrait pas oublier l’essentiel : Fernando Gaviria reste l’un des sprinteurs les plus talentueux de sa génération. Paris-Nice, Tour de Pologne, plusieurs classiques, et surtout ces duels épiques avec les plus grands.
- 5 étapes sur le Giro (record colombien partagé)
- 2 étapes sur le Tour de France
- Champion panaméricain
- Vainqueur de classiques prestigieuses
- 52 victoires professionnelles à 31 ans
Des chiffres qui parlent. Des images qui restent. On se souvient tous de son duel avec Peter Sagan sur les Champs-Élysées en 2018, ou de sa démonstration sous la pluie à Naples.
Ce gars a illuminé des arrivées entières. Il mérite qu’on parle de lui pour ses jambes, pas pour une erreur de jugement un midi d’octobre.
Et maintenant ?
2026 sera une année charnière. Soit il retrouve son meilleur niveau et fait taire les sceptiques, soit cette affaire restera comme le symbole d’une descente entamée il y a déjà deux ans. Dans le cyclisme, on pardonne beaucoup aux gagnants. Moins aux autres.
En attendant, Fernando Gaviria a deux ans pour réfléchir devant chaque verre. Et peut-être, qui sait, redevenir ce sprinteur qui faisait trembler les barrières.
Parce qu’au fond, c’est ça qu’on veut voir : pas une Ferrari immobilisée sur le bord de la route, mais un maillot vert qui lève les bras sur les plus belles avenues du monde.
Le vélo, c’est aussi ça : des histoires de gloire et de chute, de rédemption et de secondes chances. Espérons que la prochaine fois qu’on parlera de Gaviria, ce sera pour une victoire. Pas pour un contrôle d’alcoolémie.
