Imaginez un peu la scène : vous êtes ministre de la Défense d’un pays membre de l’OTAN, votre espace aérien est violé presque toutes les semaines par des drones, et là, paf, une vieille erreur de CV de 2016 vous rattrape et vous pousse vers la sortie. C’est exactement ce qui vient d’arriver en Roumanie. Et franchement, on se demande si ce n’est pas le moment le plus surréaliste de l’année politique européenne.
Je ne vais pas y aller par quatre chemins : quand on occupe un poste aussi stratégique, mentir sur ses diplômes, même « par inadvertance », c’est prendre le risque de tout faire exploser au pire moment. Et le timing, mon Dieu, le timing…
Une démission qui tombe au pire moment possible
Ce vendredi 28 novembre 2025, le ministre roumain de la Défense a annoncé qu’il quittait son poste. Pas à cause d’un désaccord stratégique, pas à cause d’une défaite militaire, non. À cause d’une ligne sur un CV rédigé il y a presque dix ans. Une ligne qui prétendait qu’il avait obtenu un diplôme dans une université où il n’a, en réalité, jamais mis les pieds.
Il a tout expliqué sur les réseaux sociaux – parce que c’est comme ça qu’on fait maintenant, apparemment. Un message long, un peu solennel, où il parle de « ne pas vouloir distraire le pays » pendant que « la Roumanie et l’Europe sont attaquées par la Russie ». Belle formule. Mais entre nous, ça sent un peu la justification préparée à la va-vite.
« Aujourd’hui, je démissionne de mon poste de ministre de la Défense. Notre sécurité nationale doit être défendue à tout prix. »
Difficile de ne pas y voir une forme de noblesse tardive. Ou alors une manière habile de retourner la situation : je pars, donc je suis responsable, donc arrêtez de creuser.
L’erreur qui date… de 2016
L’histoire est presque comique si elle n’était pas aussi grave. En 2016, l’intéressé rédige son CV « à la hâte », dit-il, à partir d’un modèle trouvé sur internet. Et hop, il ajoute une université fantôme. Pourquoi ? Mystère. Peut-être qu’il trouvait que ça faisait plus sérieux. Peut-être qu’il pensait que personne ne vérifierait jamais.
Neuf ans plus tard, il devient ministre de la Défense. Et là, miracle de la presse d’investigation, quelqu’un vérifie. Et bim. Tout s’écroule.
On pourrait presque en rire si le poste n’était pas aussi sensible. Parce que la Roumanie, ce n’est pas n’importe quel pays en ce moment. C’est la frontière est de l’OTAN. C’est le pays qui ramasse des bouts de drones russes sur son territoire depuis trois ans. C’est le pays dont l’élection présidentielle a été annulée l’an dernier à cause d’ingérences présumées. Bref, ce n’est vraiment pas le moment de jouer au petit malin avec son CV.
Un contexte sécuritaire explosif
Pour comprendre pourquoi cette démission fait autant de bruit, il faut remettre les choses en perspective. Depuis 2022, la Roumanie vit sous une pression permanente.
- Des fragments de drones tombent régulièrement sur son territoire, près du Danube.
- Des survols non identifiés (ou trop bien identifiés) de son espace aérien.
- Des accusations répétées d’attaques hybrides orchestrées depuis Moscou.
- Une élection présidentielle annulée en 2024 après des soupçons massifs d’ingérence.
Dans ce contexte, le ministre de la Défense, ce n’est pas juste un poste symbolique. C’est la personne qui coordonne la réponse militaire, qui parle aux Américains, aux Français, aux Allemands. C’est celui qui doit avoir une crédibilité irréprochable.
Et là, on apprend qu’il a menti sur quelque chose d’aussi basique qu’un diplôme. Ça passe mal. Très mal.
La réaction immédiate du gouvernement
Le Premier ministre n’a pas traîné. À peine l’annonce faite, il désigne déjà un intérimaire : le ministre de l’Économie et du Tourisme. Choix surprenant, non ? On passe direct du tourisme à la défense nationale. Mais bon, en politique, tout est possible.
On sent quand même que tout le monde veut tourner la page vite. Trop vite ? Peut-être. Parce que derrière cette « erreur » individuelle, il y a une question plus large qui commence à émerger.
Le syndrome du « tous un peu coupables »
Ce n’est pas la première fois qu’un responsable politique roumain tombe pour des histoires de diplômes. Loin de là. Ces dernières années, plusieurs ministres, députés, maires ont été épinglés pour des thèses copiées, des masters bidons, des universités qui n’existent que sur papier.
Et à chaque fois, la même musique : « C’était une erreur », « J’ai rédigé ça à la va-vite », « Personne ne vérifiait à l’époque »… On commence à connaître la chanson.
Moi, ce qui me frappe, c’est que ces affaires reviennent toujours au pire moment. Comme si le système politique roumain avait une capacité incroyable à se saborder lui-même quand il a le plus besoin d’être uni et crédible.
Et maintenant ?
La grande question, c’est : est-ce que cette démission va calmer le jeu ou au contraire ouvrir la boîte de Pandore ? Parce que maintenant que le sujet est sur la table, certains journalistes risquent de ressortir les vieux CV de tout le monde. Et là, ça pourrait faire très mal.
En attendant, la Roumanie continue de vivre sous la menace. Les drones ne prennent pas de pause le temps qu’on vérifie les diplômes. Les alliances militaires ne se consolident pas sur des mensonges, même anciens.
Ce qui est sûr, c’est que cette affaire laisse un goût amer. On nous parle sans cesse d’intégrité, de transparence, de lutte contre la corruption. Et puis, dès qu’on gratte un peu, on retrouve les mêmes vieilles habitudes.
Une leçon pour toute l’Europe ?
Et si on sortait un peu du cadre roumain ? Parce que ce genre d’histoires, on les voit partout. Des responsables politiques qui enjolivent leur parcours, qui oublient de mentionner certaines choses, qui « arrondissent » un peu la vérité.
En période de crise – et on est en pleine crise, qu’on le veuille ou non –, la moindre faille devient une arme pour ceux qui veulent nous diviser. Et quand on est à la frontière de l’OTAN, face à un voisin qui joue le chaos comme une partition, on n’a pas le droit à l’erreur.
Même une erreur de 2016.
La démission était inévitable. Peut-être même salutaire. Mais elle pose une question brutale : combien de temps encore va-t-on tolérer que des postes aussi sensibles soient occupés par des gens qui, à un moment ou un autre, ont jugé normal de truquer leur CV ?
Parce qu’au final, ce n’est pas juste une histoire roumaine. C’est une histoire qui nous concerne tous. La crédibilité de nos institutions, la solidité de nos alliances, la capacité à tenir face aux tempêtes qui viennent.
Et là-dessus, il n’y a pas de place pour les « petites erreurs ».
Je ne sais pas vous, mais moi, cette affaire me laisse perplexe. On demande à nos soldats de risquer leur vie avec un professionnalisme absolu. Et en haut, on accepte encore que certains jouent avec la vérité comme avec un jouet.
Il serait temps que ça change. Vraiment.
