Imaginez-vous allonger sur une table d’examen, persuadée de participer à un banal protocole médical, et réaliser trop tard que l’horreur de la situation. C’est exactement ce qu’ont vécu des dizaines de femmes dans le Finistère ces dernières années. Un homme qui n’avait rien d’un infirmier profitait de leur confiance pour commettre l’irréparable.
Un ancien élu local au cœur d’un scandale glaçant
Il s’appelle Nicolas Gonidec. Quarante-quatre ans. Jusqu’à récemment, il siégeait même au conseil municipal de Quimper, délégué à la culture bretonne. Costume impeccable, discours policé, engagement associatif… L’image parfaite du notable de province. Personne n’aurait pu soupçonner ce qui se cachait derrière.
Pourtant, depuis plusieurs années, cet homme se faisait passer pour un professionnel de santé. Il contactait des femmes – souvent par petites annonces ou réseaux sociaux – en prétendant réaliser des prises de sang dans le cadre d’études médicales. Une fois chez elles ou dans des locaux loués, il enfilait une blouse, sortait garrots, aiguilles et tubes… et profitait de la situation pour commettre des attouchements à caractère sexuel.
Le plus terrifiant ? Il justifiait ses gestes par un soi-disant « protocole de détente » avant la piqûre. Un protocole totalement inventé, bien sûr.
Une première condamnation qui n’a rien arrêté
Octobre 2021. Le tribunal de Saint-Brieuc le condamne à trois ans de prison, dont un an ferme, pour des faits identiques commis dans les Côtes-d’Armor. À l’époque, on parle déjà d’une obsession pour les aiguilles liée à un traumatisme d’enfance. Il évoque une forme de phobie inversée, une fascination morbide. Les juges ordonnent un suivi socio-judiciaire et une injonction de soins.
Mais à peine sorti, il recommence. Pire : le procès médiatisé de 2021 agit comme un déclencheur. Des dizaines de femmes reconnaissent le mode opératoire. Elles prennent leur courage à deux mains et déposent plainte. Résultat ? Une cinquantaine de nouvelles victimes identifiées, surtout autour de Quimper.
« On pensait aider la science… On s’est retrouvées violées dans notre intimité la plus profonde. »
– Témoignage anonyme d’une victime recueilli pendant l’instruction
Comment a-t-il pu agir aussi longtemps ?
La question brûle toutes les lèvres. Comment un homme sans aucun diplôme médical a-t-il pu se procurer du matériel stérile, des blouses, des cartes professionnelles contrefaites ? Comment a-t-il pu louer des locaux sans éveiller les soupçons ?
Apparemment, tout était minutieusement préparé. Il commandait son matériel sur Internet, se présentait parfois comme « infirmier libéral en formation continue », connaissait le jargon médical sur le bout des doigts. Certaines victimes racontent qu’il arrivait avec une mallette parfaitement rangée, des étiquettes aux noms des laboratoires connus. Le diable se cache dans les détails, dit-on.
- Utilisation de fausses cartes professionnelles
- Location de salles sous prétexte de formations
- Discours rodé sur des prétendues études cliniques
- Photographies et vidéos des séances conservées comme « preuves scientifiques »
Et surtout, il choisissait soigneusement ses victimes : des femmes seules, parfois en situation de précarité, ou simplement confiantes envers un « représentant de la santé ».
Un procès sous haute tension dès lundi
Le tribunal judiciaire de Quimper va vivre une semaine particulièrement lourde à partir du lundi 1er décembre. Nicolas Gonidec comparaît libre – il est placé sous contrôle judiciaire depuis la fin de l’instruction – mais en état de récidive légale. Cela signifie que les peines encourues sont automatiquement aggravées.
Concrètement, il risque cette fois jusqu’à cinq ans de prison ferme, ainsi qu’une interdiction définitive d’exercer toute fonction publique ou en lien avec des soins. Le verdict est attendu le vendredi 5 décembre au soir.
Ce qui rend ce procès exceptionnel, c’est le nombre de parties civiles. Près d’une cinquantaine de femmes vont venir témoigner ou se faire représenter. Certaines ont demandé le huis clos total, d’autres veulent au contraire que tout soit public pour que plus jamais cela ne se reproduise.
Les séquelles invisibles des victimes
Parler d’agressions sexuelles, c’est bien. Parler des conséquences, c’est mieux. Beaucoup de ces femmes n’ont plus jamais remis les pieds chez un vrai infirmier sans crise d’angoisse. Certaines ont développé des phobies des piqûres à vie. D’autres ont vu leur vie intime complètement brisée.
J’ai lu des dizaines de témoignages similaires au fil des années dans ce genre d’affaires, et celui-ci me glace particulièrement le sang. Parce qu’il touche à la confiance absolue qu’on accorde aux soignants. Parce qu’il mélange politique locale, apparence respectable et perversion profonde.
« Je croyais participer à un dépistage gratuit. Aujourd’hui, je sursaute dès qu’on me touche le bras. »
Et maintenant ?
Au-delà de la condamnation – qui semble inévitable vu le dossier –, plusieurs questions restent en suspens. Comment renforcer les contrôles sur les commandes de matériel médical ? Faut-il rendre obligatoire la vérification d’identité pour toute prise de sang à domicile ? Les plateformes d’annonces en ligne doivent-elles mieux filtrer les offres de « tests médicaux » ?
Une chose est sûre : cette affaire laissera des traces dans le Finistère pendant longtemps. Elle rappelle, une fois de plus, que le prédateur le plus dangereux est souvent celui qu’on n’attend pas. Celui qui a pignon sur rue, qui parle bien, qui connaît tout le monde.
Le procès s’ouvre dans quelques jours. Les victimes, elles, attendent surtout une chose : que justice soit enfin rendue. Et peut-être, un jour, pouvoir à nouveau faire confiance à un blouse blanche sans arrière-pensée.
À suivre de très près.
Note : toutes les victimes ont été rendues anonymes et aucun détail permettant leur identification n’a été publié, par respect pour leur vie privée et leur reconstruction.
