Vous souvenez-vous de l’été 2020 ? À Arles, la stupeur était totale. Pour la première fois depuis plus de vingt-cinq ans, la ville des arènes et des Alyscamps basculait hors des mains de la gauche. Patrick de Carolis, homme de télévision devenu homme de pouvoir, l’avait emporté d’une courte tête face à Nicolas Koukas. Six ans plus tard, l’histoire pourrait bien s’inverser. Et franchement, ça sent le retour de flamme.
Arles 2026 : la revanche est lancée
Début de semaine, le communiqué est tombé comme un pavé dans la mare camarguaise : Nicolas Koukas sera à nouveau candidat. Mais cette fois, il ne viendra pas seul. Derrière lui, une coalition impressionnante s’est constituée. Neuf organisations politiques – oui, neuf – ont déjà dit banco. On y retrouve pêle-mêle le PCF bien sûr, le Parti socialiste, Place publique, Génération écologie, le NPA, Debout la France de gauche (L’Après), la Gauche républicaine et socialiste… Bref, tout ce que la gauche compte de sensibilités, du rouge vif au rose plus tendre.
Et le nom de la liste ? « La Force de l’union ». Rien que ça. Quand on connaît les traditionnelles guerres fratricides à gauche, on se dit que le seul fait d’arriver à aligner autant de chapelles relève déjà de l’exploit.
Les grands absents qui font jaser
Mais évidemment, il y a des trous dans la photo de famille. Et pas des moindres.
La France insoumise, d’abord. Le parti de Jean-Luc Mélenchon a claqué la porte – ou plutôt n’a jamais voulu y entrer – à cause de la présence du PS et de Place publique. On connaît la musique : pour une partie des Insoumis, ces deux formations incarnent encore le « social-libéralisme » honni. Résultat ? Pas d’union sacrée à Arles comme on avait pu l’espérer après le succès du Nouveau Front populaire aux législatives.
« On ne fait pas l’union avec ceux qui ont trahi en 2017 » – voilà en substance le refrain que l’on entend dans les rangs LFI locaux.
Les Écologistes, ensuite, jouent les hésitants. Ils se donnent « encore quelques jours » pour trancher. Traduisez : les négociations sont tendues. Entre les exigences programmatiques et les places sur la liste, ça discute sec. Et chacun sait qu’à Arles, la question écologique pèse lourd – entre le risque inondation, le tourisme de masse et la préservation du patrimoine.
Nicolas Koukas, l’homme qui n’a jamais vraiment décroché
Il faut dire que le candidat communiste a quelques arguments dans sa musette. Depuis 2020, il n’a jamais vraiment quitté le terrain. Opposant actif, souvent virulent, toujours présent. Lors des dernières législatives, il portait les couleurs du NFP dans la 16e circonscription. Battu par le RN au niveau de la circonscription, il avait tout de même réalisé un score symbolique : 51,43 % des voix à Arles même. Autrement dit, dans la ville, la gauche reste majoritaire quand elle est unie.
Et Koukas connaît sa partition par cœur. Il répète depuis des mois qu’il veut une ville « plus juste, plus sûre, plus propre et plus verte ». Des mots simples, presque trop, mais qui parlent aux Arlésiens fatigués de voir leur centre historique parfois délaissé au profit des grands événements culturels.
Une majorité sortante qui part en vrille
En face, c’est le bazar. Patrick de Carolis, qui a depuis rejoint Horizons – le parti d’Édouard Philippe – doit gérer une déchirure majeure. Son ancien premier adjoint, Jean-Michel Jalabert, a décidé de faire liste à part. Les mots sont durs : « trahison » d’un côté, « autoritarisme » de l’autre. Résultat ? La droite et le centre risquent de se présenter en ordre dispersé.
- Une liste Horizons avec le maire sortant
- Une liste dissidente emmenée par Jalabert
- Peut-être une liste plus à droite (le RN lorgne aussi sur Arles)
- Et face à eux, une seule liste de gauche (ou presque)
Vous avez suivi ? En cas de triangulaire – voire de quadrangulaire – au second tour, les mathématiques électorales sont cruelles pour la majorité sortante. La gauche unie peut l’emporter assez facilement. C’est exactement ce qui s’est passé dans d’autres villes ces dernières années.
Les trois axes qui peuvent faire basculer la ville
Concrètement, que propose Nicolas Koukas pour convaincre ? Trois grands chantiers, martelés depuis des mois :
- Une ville plus juste – gratuité des cantines, renforcement des services publics de proximité, lutte contre la précarité qui touche durement certains quartiers.
- Une ville plus sûre et plus propre – plus de policiers municipaux, mais aussi une vraie politique de propreté et d’embellissement des quartiers populaires.
- Une ville tournée vers l’avenir écologique – végétalisation, mobilités douces, protection contre les inondations, tourisme raisonné.
Rien de révolutionnaire sur le papier, direz-vous. Mais à Arles, ces sujets résonnent particulièrement. Entre les quartiers nord parfois oubliés et un centre-ville qui attire des millions de touristes chaque année, l’équilibre est fragile.
Pourquoi cette union peut (enfin) fonctionner
Ce qui change en 2026, c’est le contexte national. Le Nouveau Front populaire a montré qu’une partie de la gauche savait mettre ses ego de côté quand il le fallait. À Arles, même amputée de LFI, la coalition reste impressionnante. Et surtout, elle ouvre largement aux citoyens sans étiquette : 30 à 40 % de la liste seront des profils issus de la société civile.
C’est malin. Ça permet de dépasser le simple accord d’appareils et de parler à ceux qui en ont marre des partis. Dans une ville où l’abstention a souvent joué les arbitres, ça peut faire la différence.
Et si les Écologistes finissaient par rejoindre le navire ?
Imaginons une seconde que les discussions aboutissent. Une liste allant du NPA aux Écologistes en passant par le PS et le PCF, ça ferait tout de même une sacrée photo. Symboliquement puissant. Programmatiquement cohérent sur beaucoup de points. Et surtout, ça couperait l’herbe sous le pied à toute tentative de division.
Même sans eux, la dynamique est lancée. Mais avec ? Ce serait presque trop beau.
Ce que nous disent les précédentes élections
Petit retour en arrière pour ceux qui auraient oublié les chiffres. En 2020 :
| Candidat | Second tour |
| Nicolas Koukas (PCF-PS) | 47,8 % |
| Patrick de Carolis (Divers centre) | 52,2 % |
Moins de 5 points d’écart. Avec une gauche divisée au premier tour (LFI et les Verts avaient leurs propres listes), Koukas avait quand même réussi à se qualifier pour le second. Cette fois, s’il parvient à fédérer dès le départ, l’équation change radicalement.
Et n’oublions pas le score du RN, qui avait frôlé les 20 % au premier tour en 2020. Si la droite se divise, une partie de cet électorat pourrait se reporter… ou pas. Tout dépendra de la campagne.
Arles, laboratoire de la gauche de demain ?
Ce qui se joue à Arles dépasse largement les frontières de la sous-préfecture. C’est un test grandeur nature : la gauche peut-elle encore gagner des grandes villes sans LFI ? Le PS et le PCF peuvent-ils redevenir des forces d’attraction ? Une union large mais sans les Insoumis, est-ce viable à long terme ?
Les prochains mois vont être passionnants à suivre. Entre les tractations pour les places, les réunions publiques qui vont s’enchaîner et les premières passes d’armes avec le maire sortant, on n’a pas fini d’entendre parler de cette campagne.
Une chose est sûre : six ans après la défaite, Nicolas Koukas revient avec l’envie chevillée au corps. Et cette fois, il a décidé de ne plus laisser la ville lui échapper. Arles redeviendra-t-elle rouge en mars 2026 ? Réponse dans un peu plus d’un an. Mais une chose est déjà certaine : ça va secouer dans les arènes.
(Article mis à jour régulièrement en fonction des évolutions de la campagne – revenez souvent !)
