Imaginez rentrer chez vous après une longue journée de travail, il est presque minuit, et tomber sur ça : votre rue transformée en panneau d’affichage haineux, juste devant votre portail. Des mots crus, violents, qui vous désignent personnellement. C’est exactement ce qu’a vécu une famille tout ce qu’il y a de plus ordinaire à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, fin novembre 2025.
Quand un drapeau français devient une provocation
Tout part, semble-t-il, d’un détail qui n’en est plus un dans le climat actuel : un petit drapeau tricolore fièrement planté au sommet d’une cabane de jardin pour enfants. Rien de politique, rien d’ostentatoire. Juste un bout de tissu bleu-blanc-rouge qui flottait tranquillement au vent. Avant lui, la même famille avait accroché un drapeau ukrainien au début de la guerre, puis un drapeau japonais après le voyage de leur fille. Aucun problème. Jamais le moindre mot.
Mais le drapeau français ? Apparemment, c’est trop. Cette fois, la réaction a été radicale.
Ce que les vandales ont laissé derrière eux
Jeudi soir, pendant que la mère et les enfants étaient à l’intérieur, quelqu’un (ou plusieurs personnes) s’est approché. Le drapeau a été arraché, brûlé sur place, puis badigeonné de peinture bleue – un geste presque rituel de profanation. Et sur le bitume, à la bombe rouge, ces mots :
- Facho
- RN = Facho
- ACAB (All Cops Are Bastards)
Le père, agent de sûreté ferroviaire – donc un fonctionnaire qui protège les voyageurs tous les jours –, découvre ça en rentrant vers 23 h 30. Le choc. La colère. Et surtout cette question qui tourne en boucle : pourquoi nous ?
« On vit dans un quartier calme, on ne fait de mal à personne. Un drapeau français sur une cabane d’enfants… il faut vraiment être tordu pour y voir une provocation. »
Le père de famille, sous couvert d’anonymat
Un climat qui s’envenime partout en France
Ce n’est pas un cas isolé, malheureusement. Ces derniers mois, on voit fleurir ce genre d’expéditions punitives contre des symboles nationaux. Un maire qui reçoit des menaces pour avoir accroché le portrait du Président. Un particulier qui retrouve sa voiture taguée parce qu’il avait un autocollant « Fier d’être Français ». Une boulangère insultée parce qu’elle vend des baguettes « tradition » le 14 juillet… L’anecdote fait sourire jaune, mais elle dit quelque chose de profond sur la période.
Le plus inquiétant ? C’est que les auteurs semblent convaincus d’agir pour la bonne cause. Taguer « facho » quelqu’un qui n’a jamais milité nulle part, brûler un drapeau national devant des enfants, tout ça au nom de l’antifascisme… Il y a comme un décalage vertigineux entre les intentions proclamées et les actes.
On peut être de gauche, d’extrême gauche, anarchiste, peu importe, et trouver ça abject. Personnellement, j’ai toujours pensé que la liberté d’expression, c’était aussi accepter que son voisin aime son pays sans pour autant le traiter de fasciste. Apparemment, ce n’est plus une évidence pour tout le monde.
Conflans-Sainte-Honorine, une ville marquée à jamais
Il y a cinq ans presque jour pour jour, Conflans vivait l’indicible avec l’assassinat de Samuel Paty. La ville porte encore cette blessure. On y parle beaucoup de vivre-ensemble, de tolérance, de respect des différences. Et pourtant, voilà qu’une famille se fait agresser symboliquement pour… un drapeau français.
Le contraste est saisissant. D’un côté, on célèbre la mémoire d’un professeur décapité pour avoir défendu la liberté d’expression. De l’autre, on intimide des citoyens lambda parce qu’ils affichent leur attachement à la nation. Cherchez l’erreur.
ACAB : quand la haine des flics devient un slogan passe-partout
Le tag « ACAB » est particulièrement révélateur. Le père de famille est agent de sûreté ferroviaire, pas policier, mais peu importe. Dans l’imaginaire de certains, tout uniforme = ennemi. C’est pratique, ça évite de réfléchir.
Ce slogan, né dans les milieux punks britanniques des années 80, est devenu ces dernières années le cri de guerre d’une partie de l’ultra-gauche et des black blocs. On le voit sur les manifs, sur les murs, sur les réseaux. Il est même entré dans le vocabulaire de certains ados qui le portent sur leur sweat sans trop savoir ce que ça veut dire.
Mais quand il s’invite devant le domicile d’un père de famille qui fait simplement son boulot, on franchit un cap. Ce n’est plus de la contestation politique, c’est de l’intimidation pure et simple.
Et maintenant ?
Une plainte a été déposée. Une enquête est en cours au commissariat de Conflans. Les caméras de vidéosurveillance du quartier vont être exploitées. Avec un peu de chance, les auteurs seront identifiés.
Mais au-delà de l’aspect judiciaire, il y a une question de société. Jusqu’où accepte-t-on que l’intolérance devienne la norme ? À partir de quel moment dit-on stop à ceux qui, au nom de leurs idées, pourrissent la vie des autres ?
Parce que demain, ça pourrait être votre tour. Pour un drapeau. Pour un autocollant. Pour une opinion exprimée sur les réseaux. Ou simplement pour rien.
Et là, on sera tous concernés.
Je ne sais pas vous, mais moi, cette histoire me reste en travers de la gorge. Pas seulement parce qu’elle est révoltante. Mais parce qu’elle dit quelque chose de nous, collectivement. On est en train de perdre l’essentiel : le droit d’être différent sans se faire insulter ou menacer. Et ça, ce n’est pas de droite ou de gauche. C’est juste humain.
