Imaginez la scène : 8 h 15, la sonnerie retentit, et au lieu de checker vos messages ou de lancer une dernière story, vous glissez votre téléphone dans une pochette qui ne s’ouvrira qu’à 17 heures. Plus de TikTok entre deux cours, plus de groupe WhatsApp qui vibre sans arrêt. Pour certains, c’est la libération tant attendue. Pour d’autres, un cauchemar absolu. Et pourtant, c’est exactement ce que le président de la République envisage pour tous les lycées de France dès la rentrée 2026.
Je me souviens encore de mes années lycée – oui, à l’époque où les téléphones à clapet faisaient fureur – et même là, on arrivait à se distraire avec trois fois rien. Alors aujourd’hui, avec des écrans qui captent l’attention comme des trous noirs, la question mérite d’être posée sérieusement : avons-nous vraiment besoin de nos smartphones collés à nous 24/7, même (et surtout) au lycée ?
Une mesure qui ne sort pas de nulle part
Déjà appliquée dans tous les collèges depuis septembre, l’interdiction du portable a été l’une des rares réformes à faire consensus… ou presque. Les retours des professeurs sont plutôt positifs : moins de sonneries intempestives, moins de têtes baissées en cours, un climat plus apaisé dans les couloirs. Fort de ce bilan, le gouvernement veut maintenant passer à l’étape supérieure : le lycée.
Le principe reste souple : chaque établissement choisira sa méthode – casiers, pochettes magnétiques, portiques de détection – mais l’idée est claire : pendant la journée scolaire, le téléphone reste hors de portée.
Ce que disent vraiment les lycéens
J’ai passé du temps devant plusieurs lycées ces derniers jours. Les réactions sont aussi variées que les personnalités qu’on croise dans une cour de récré.
« Franchement, c’est pas si bête. Moi je passe mon temps à scroller, même quand je sais que je devrais réviser. Là au moins, on sera obligés de se parler en vrai. »
– Camille, terminale
À l’opposé, d’autres y voient une atteinte insupportable à leur liberté :
« C’est une blague ? On n’est plus des gamins de 6e ! Et en cas d’urgence, on fait comment ? On a le droit d’être joignable, surtout quand on finit à 18 h et qu’on prend le RER seul. »
– Yanis, première
Entre les deux, une majorité semble… résignée. « De toute façon, ils feront ce qu’ils veulent » m’a lancé une élève de seconde en haussant les épaules. Réalisme ou fatalisme ? Un peu des deux, sans doute.
Les arguments qui pèsent lourd en faveur de l’interdiction
Si on met de côté les réactions à chaud, les arguments scientifiques et pédagogiques sont difficiles à balayer.
- La concentration : même quand il est en silencieux, un téléphone à portée de main réduit les performances cognitives (effet bien documenté par plusieurs études internationales).
- Le cyberharcèlement : une grande partie des conflits entre élèves naissent ou s’amplifient sur les réseaux sociaux pendant la journée scolaire.
- Le sommeil : les lycéens consultent leur téléphone tard le soir et se réveillent avec les notifications. Couper la connexion dès le matin pourrait rétablir un rythme plus sain.
- Les inégalités : tout le monde n’a pas le dernier iPhone. Voir les autres exhiber leurs écrans peut créer des tensions inutiles.
Personnellement, l’argument qui me convainc le plus ? L’idée qu’on est en train de former une génération incapable de s’ennuyer cinq minutes. Or l’ennui, c’est souvent là que naissent les idées, les discussions profondes, les vrais échanges.
Les contre-arguments qui tiennent la route
Mais soyons honnêtes : tout n’est pas noir ou blanc.
- Urgences familiales : les parents veulent pouvoir joindre leurs enfants, surtout en terminale où beaucoup finissent tard ou ont des stages.
- Outil pédagogique : certains professeurs utilisent déjà des applications ou des QR codes en cours. Interdire totalement le smartphone, c’est aussi priver d’outils utiles.
- Maturité supposée : au lycée, on prépare le bac, on vote à 18 ans, on passe le permis. Traiter un lycéen comme un collégien peut sembler infantilisant.
- Effet boomerang : interdire totalement peut pousser à la tricherie (téléphones cachés, montres connectées…).
Un point me semble particulièrement pertinent : au lieu d’une interdiction totale, pourquoi ne pas responsabiliser ? Apprendre à utiliser son téléphone de façon raisonnée, comme on apprend à gérer son argent ou son temps.
Et dans les autres pays ?
La France n’est pas la première à se poser la question. Regardons ailleurs :
- En Italie, l’interdiction existe déjà au lycée. Résultat ? Peu de contestation, et des professeurs qui notent une meilleure écoute en classe.
- Aux Pays-Bas, une loi similaire entrera en vigueur en 2026, avec des exceptions pour les cours où le numérique est requis.
- En Chine, c’est encore plus strict : détecteurs de métaux à l’entrée et brouilleurs dans certains établissements.
- À l’inverse, en Finlande (modèle éducatif admiré), on mise sur la confiance et l’autorégulation – avec des résultats excellents.
Comme souvent, il n’y a pas de solution miracle. Mais l’expérience montre qu’une règle claire, bien expliquée et appliquée uniformément fonctionne mieux qu’un flou artistique.
Comment ça pourrait se passer concrètement
Le ministère laisse la main aux chefs d’établissement. Voici les options déjà testées :
| Solution | Avantages | Inconvénients |
| Pochettes magnétiques | Simple, peu cher, rapide | Perte de temps le matin |
| Casiers individuels | Plus sécurisé | Coût élevé |
| Consigne à l’entrée | Contrôle total | Files d’attente |
| Interdiction souple (silencieux + dans le sac) | Moins contraignant | Difficile à faire respecter |
Beaucoup d’établissements penchent pour les pochettes – déjà utilisées dans certains collèges – car elles permettent de rendre le téléphone en fin de journée en quelques secondes.
Et les parents dans tout ça ?
Ils sont partagés, eux aussi. Certains applaudissent (« enfin on va retrouver nos enfants le soir sans qu’ils soient scotchés à leur écran »), d’autres s’inquiètent (« et s’il arrive quelque chose ? »).
Une solution souvent proposée : un numéro d’urgence propre à l’établissement, redirigé vers le secrétariat ou la vie scolaire. Ça existe déjà dans certains lycées privés, et ça rassure tout le monde.
Mon point de vue (parce qu’on a bien le droit d’en avoir un)
Je ne vais pas vous mentir : je penche plutôt du côté de l’interdiction, mais avec des nuances. Oui au téléphone hors de portée pendant les heures de cours et de pause. Non à une confiscation pure et dure sans souplesse.
Ce qui me semble essentiel, c’est d’accompagner la mesure. Former les élèves à la détox numérique. Leur apprendre pourquoi on fait ça, plutôt que de l’imposer comme une punition. Parce qu’au final, le lycée, c’est aussi l’endroit où on apprend à devenir adulte – et gérer son rapport au numérique, c’est devenu une compétence essentielle.
Alors oui, il y aura des résistances. Oui, il y aura des contournements. Mais si dans cinq ans, on se dit que cette génération est un peu moins accro, un peu plus présente au monde réel, un peu plus capable de s’ennuyer créativement… ce sera déjà une sacrée victoire.
Et vous, vous en pensez quoi ? Dites-le moi en commentaire, le débat ne fait que commencer.
