Vous est-il déjà arrivé de retenir votre souffle pendant les cent derniers mètres d’une course ? Vendredi soir, sur la grande piste de Vincennes, c’est exactement ce qui s’est passé. Sous les lumières crues et dans l’air frais de novembre, un cheval que beaucoup attendaient au tournant a enfin répondu présent. Et franchement, il a fallu tout son cœur pour y parvenir.
Sandokan brise le signe indien et ouvre son compteur français
Quand on suit les courses depuis un moment, on sait que certains chevaux portent une étiquette un peu lourde : « bon, mais jamais gagnant ici ». Sandokan, ce grand hongre suédois de 6 ans, traînait ce petit nuage au-dessus de la tête depuis son arrivée en France. Pris en note lors de sa rentrée le 14 novembre, il découvrait ce vendredi un engagement en or au premier poteau dans le Prix Melusina, réservé aux 6 ans. Autant dire que tout était aligné pour qu’il passe enfin la vitesse supérieure.
Et il n’a pas manqué l’occasion.
Parti avec le numéro 6, idéal en première ligne sur les 2100 mètres autostart, il s’est immédiatement placé dans le sillage des animateurs. Rien de flamboyant, juste du placement malin. Puis, dans la montée, son pilote a actionné la machine. Un décalage propre, tête et corde à mille mètres du but, et le voilà aux commandes. Derrière, personne n’a vraiment osé venir le défier tout de suite. On sentait déjà que ça pouvait le faire.
Un final sous haute tension
Mais Vincennes, c’est rarement un long fleuve tranquille. En face, Sandokan a commencé à montrer des signes de fatigue – un petit hennissement, une hésitation – comme s’il se demandait s’il allait vraiment tenir. Et là, au centre de la piste, un ombre noire a surgi : Job des Louanges. Le cheval de la corde, drivé avec patience, a trouvé l’ouverture et a terminé en trombe. À cinquante mètres du poteau, on y a tous cru. Vraiment.
Mais Sandokan a du orgueil. Beaucoup. Il a remis les oreilles en arrière et a repoussé l’attaque d’une courte encolure. Victoire. La première en France. Et quelle victoire.
« Il a été courageux ce soir, et le chrono de 1’10’’8 est prometteur. C’est un chic cheval qui devrait pouvoir répéter durant l’hiver. »
Björn Goop, juste après la course
Quand on connaît le personnage, on sait que le Suédois ne parle jamais pour ne rien dire. S’il dit ça, c’est que le cheval a de la marge. Et pour Goop lui-même, c’était une délivrance : il n’avait plus gagné de Quinté depuis près de deux ans. Un petit clin d’œil du destin.
L’arrivée officielle et les rapports qui ont fait mal
Voici le top 5 qui a fait le bonheur (ou pas) des parieurs :
- Sandokan (6) – le favori à 3/1 environ
- Job des Louanges (1) – l’attaquant malheureux
- Goodwin Zet (14) – très courageux nez au vent
- Jambier (10) – la cote à 120/1, oui vous avez bien lu
- Max Occagnes (5) – l’animateur qui sauve les meubles
Autant vous dire que le Tiercé, le Quarté et surtout le Quinté dans le désordre ont rapporté gros. Jambier à plus de 100 contre 1 en quatrième place, c’est le genre de surprise qui fait hurler les guichets… ou sourire les parieurs inspirés.
Zoom sur les performances individuelles
Job des Louanges a probablement couru la meilleure course de sa vie. Toujours bien placé à la corde, un peu lent à trouver le bouton au début de la ligne droite, puis une accélération foudroyante une fois équilibré. S’il avait eu cinquante mètres de plus, c’était plié. À revoir absolument.
Goodwin Zet mérite une mention spéciale. Trottant en deuxième épaisseur sans jamais avoir de dos, il termine fort et prend une belle troisième place. Pour un cheval qui découvre ce niveau, c’est plus que prometteur.
Et puis il y a Jambier. Franchement, personne ne l’avait coché. Moi le premier. Pourtant, bien caché à la corde, il termine en trombe pour prendre la quatrième place. Parfois, le turf, c’est aussi ça : un cheval à 120/1 qui vient tout casser.
Le chrono : 1’10’’8, ça parle
Sur 2100 mètres grande piste, en novembre, avec une piste bonne-souple et du vent de face dans la ligne droite, réduire en 1’10’’8, c’est costaud. Très costaud même. Pour comparaison, les meilleurs 5-6 ans du moment tournent souvent autour de 1’11’’ et quelques. Là, on tape dans du 1’10’’ net. Ça pose le bonhomme.
D’ailleurs, quand on regarde le détail des partiels, on voit que la course n’a pas été roulée à un rythme infernal au début (1’14’’ aux 1500 m environ), donc la réduction kilométrique finale est d’autant plus méritoire.
| Distance | Temps | Commentaire |
| 2100 m GP | 1’10 »8 | Excellent pour la saison |
| Dernier kilo | 1’09 »5 env. | Final très rapide |
| Derniers 500 m | env. 1’07 » | Accélération décisive |
Des chiffres qui font saliver pour la suite du meeting d’hiver.
Et maintenant ? Les perspectives pour Sandokan
L’hiver à Vincennes, c’est long. Très long. Et très sélectif. Mais avec cette victoire référence, Sandokan vient de passer un cap psychologique. Il sait désormais qu’il peut gagner ici. Et quand un cheval sait ça, tout devient possible.
Son entraîneur l’a toujours présenté comme un cheval de tenue capable de répéter. Le chrono et la manière du jour le confirment. On peut raisonnablement l’imaginer dans les belles courses du meeting, pourquoi pas dans un Groupe II d’ici la fin de l’année si tout se passe bien.
Quant à Björn Goop, il a retrouvé le sourire. On le sent libéré. Et quand ce genre de pilote retrouve la cendrée parisienne avec la gagne, ça peut faire très mal à la concurrence.
Le mot de la fin
Ce genre de soirée, c’est tout ce qu’on aime dans le trot. Du suspense, du courage, des surprises, des favoris qui assument et des cotes folles qui passent. Vincennes sous les lumières, en novembre, reste un spectacle à part.
Et quelque part, au milieu de tout ça, un cheval nommé Sandokan vient de nous rappeler une vérité toute simple : parfois, il suffit d’y croire jusqu’au bout.
Prochain rendez-vous ce samedi. On remet ça ?
(Article écrit après avoir vécu la course en direct depuis les gradins – l’émotion était palpable, croyez-moi.)
