Vous est-il déjà arrivé de rester debout pendant plus d’une heure dans un train bondé, sac entre les jambes, en vous disant que le télétravail, finalement, ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée ?
Si vous empruntez régulièrement la ligne Paris – Châteaudun – Vendôme – Tours, cette scène vous parle probablement. Et vous n’êtes pas seul. Près de 1 000 personnes prennent ces TER chaque jour, et la fréquentation grimpe de plus de 10 % par an depuis 2019. Autant dire que les rames affichent complet bien avant d’atteindre Chartres ou Vendôme.
Une ligne oubliée qui devient soudain incontournable
Longtemps considérée comme la « petite sœur » des grandes radiales parisiennes, cette liaison via la Beauce et le Perche connaît une renaissance spectaculaire. Télétravail, prix du carburant, envie de vert… les raisons se cumulent. Résultat : des maires ruraux qui n’en reviennent pas de voir leur gare revivre, des étudiants qui rentrent plus facilement le week-end, des actifs qui choisissent Chartres ou Châteaudun plutôt que l’Île-de-France hors de prix.
J’ai moi-même pris cette ligne un vendredi soir il y a deux ans. Impossible de trouver une place assise après Auneau. Depuis, les témoignages se multiplient : trains saturés dès 17 h, voyageurs debout jusque Tours. La demande a littéralement explosé.
Ce qui change concrètement dès le 14 décembre 2025
La région Centre-Val de Loire a décidé de passer la seconde. Et pas qu’un peu.
- Vers Tours : on passe de 4 à 6 allers-retours quotidiens (+50 %)
- Vers Paris : de 6 à 7 allers-retours (+15 %)
- Nouveaux trains Paris ↔ Châteaudun en matinée
- Dessertes supplémentaires entre Châteaudun ↔ Vendôme ↔ Tours
Concrètement, cela donne des horaires qui changent la vie :
| Nouveau train | Départ | Arrivée | Jours | |
| Paris-Austerlitz → Châteaudun | 06h25 | 07h55 | Tous les jours | |
| Châteaudun → Paris-Austerlitz | 10h56 | 12h36 | Tous les jours | |
| Vendôme → Tours | 08h04 | 09h06 | Lundi au vendredi | |
| Tours → Châteaudun | 10h04 | 11h45 | Lundi au vendredi | |
| Châteaudun → Tours | 14h41 | 16h20 | Lundi au vendredi | |
| Tours → Vendôme | 16h33 | 17h36 | Lundi au jeudi |
Ces nouveaux horaires permettent enfin un départ tôt de Paris pour arriver avant 8h à Châteaudun, parfait pour les salariés ou les rendez-vous professionnels, et un retour en fin de matinée pour ceux qui travaillent en télétravail partiel.
Les gares qui profitent le plus du boom
Toutes les villes ne sont pas logées à la même enseigne, mais certaines sortent clairement gagnantes.
Bonneval, petite commune d’Eure-et-Loir, affiche par exemple +80 % de fréquentation entre 2019 et 2024. Le maire ne cache pas sa satisfaction : « On arrivait à des situations ubuesques, des voyageurs assis dans les escaliers ou debout dans les toilettes. » Aujourd’hui, les quais s’élargissent presque à vue d’œil tant la gare revit.
Châteaudun devient un vrai nœud. Avec les nouveaux trains, elle passe de simple halte à véritable plateforme de correspondance entre Paris et la vallée de la Loire.
Vendôme-Villiers-sur-Loir TGV reste le point fort pour les longues distances, mais les TER classiques gagnent du terrain auprès de ceux qui privilégient le prix et la fréquence à la vitesse pure.
« On était sur quatre allers-retours vers Tours, on passe à six. C’est considérable quand on sait que chaque rame supplémentaire représente des dizaines de places en plus. »
Un responsable régional des transports
Et la vitesse dans tout ça ?
Parce que plus de trains, c’est bien. Mais plus rapides, c’est mieux.
Aujourd’hui, le meilleur temps Paris – Châteaudun est de 1h28, le pire frôle les 2 heures. La différence ? Un seul obstacle technique : le ralentissement imposé à Breuillet (Essonne) pour des raisons de sécurité sur une portion ancienne.
Les élus locaux poussent pour lever ce « barrage » qui n’a plus lieu d’être ». Quelques minutes gagnées représenteraient des milliers d’heures cumulées pour les usagers chaque année. Le dossier est sur la table, mais les travaux coûtent cher et la sécurité reste la priorité absolue.
En attendant, la région mise sur la fréquence plutôt que sur la vitesse pure. Une stratégie qui a déjà fait ses preuves sur d’autres lignes interrégionales.
Pourquoi cette ligne cartonne autant ?
Ce n’est pas qu’une question de hasard. Plusieurs phénomènes se combinent :
- Explosion du télétravail : beaucoup vivent en Eure-et-Loir ou Loir-et-Cher et travaillent à Paris 2 ou 3 jours par semaine
- Prix de l’immobilier parisien qui repousse les familles vers Chartres, Châteaudun ou Vendôme
- Coût du carburant et conscience écologique : le train redevient compétitif
- Retour des étudiants vers Tours, ville universitaire dynamique
- Qualité de vie perçue dans les petites villes du Centre-Val de Loire
Résultat ? Des profils très variés dans les wagons : cadres en costume, étudiants avec leurs sacs à dos, retraités qui vont voir leurs petits-enfants, artisans qui rentrent du chantier… La ligne est devenue un vrai reflet de la société.
Les vendredis soir restent le point noir
Même avec ces renforts, un hic persiste : le train du vendredi soir.
Beaucoup d’usagers réguliers le disent : le dernier Paris – Tours de 18 h ou 19 h est pris d’assaut. Étudiants qui rentrent, salariés qui finissent tard, familles qui partent en week-end… Tout le monde se retrouve dans la même rame.
Les nouveaux trains ajoutés en journée devraient soulager un peu la pression, mais les élus restent vigilants. « On croise les doigts pour que ça suffise, sinon il faudra envisager un train supplémentaire dédié le vendredi », confie un maire du secteur.
Et demain ? Vers un RER centre-val de Loire ?
Cette augmentation n’est probablement qu’une étape. Certains rêvent déjà d’un cadencement à la demi-heure entre Paris et Chartres, puis toutes les heures jusqu’à Tours. Utopique ? Pas tant que ça.
La ligne dispose encore de réserves de capacité, surtout si on modernise la signalisation et qu’on électrifie totalement les derniers tronçons diesel. Des projets à dix ou quinze ans, mais qui commencent à être sérieusement étudiés.
En attendant, dès le 14 décembre 2025, les voyageurs vont enfin pouvoir respirer un peu. Moins de stress pour trouver une place, plus de souplesse dans les horaires, et l’impression – enfin – que le train redevient une vraie alternative à la voiture.
Si vous habitez entre Paris et Tours et que vous avez renoncé au train ces dernières années à cause de la saturation, il est peut-être temps de redonner sa chance à cette ligne qui n’a jamais été aussi vivante.
Parce que, franchement, arriver à destination détendu plutôt que froissé comme une vieille feuille de papier, ça n’a pas de prix.
