Quand une icône s’en va, c’est tout un pays qui se regarde dans le miroir. Hier, à 91 ans, Brigitte Bardot a tiré sa révérence, laissant derrière elle un héritage aussi brillant que controversé. On parle d’elle comme d’un symbole de liberté, de sensualité décomplexée, mais aussi d’une femme aux prises de position qui ont souvent fait grincer des dents. Et voilà que la question d’un hommage national refait surface, divisante comme jamais.
Je me souviens encore de ces images en noir et blanc, ces films qui ont marqué des générations. Elle incarnait une France audacieuse, rebelle, celle des années 60 qui osait tout. Mais avec le temps, ses combats pour les animaux et ses déclarations politiques ont changé la donne. Aujourd’hui, sa disparition soulève une question simple mais explosive : mérite-t-elle les honneurs de la République ?
Une Disparition Qui Réveille les Vieilles Polémiques
Le décès de Brigitte Bardot, annoncé ce dimanche 28 décembre, n’a pas laissé la France indifférente. Très vite, les hommages ont afflué, surtout venant de la droite et de l’extrême droite. Des figures politiques n’ont pas hésité à saluer la grande actrice, l’icône éternelle du cinéma français. Mais à gauche, le silence a d’abord dominé, avant que quelques voix ne se fassent entendre, prudentes, nuancées.
Ce qui frappe, c’est cette fracture évidente. D’un côté, on célèbre la femme qui a fait rayonner la France à l’international. De l’autre, on n’oublie pas ses engagements politiques, ses soutiens affichés à des idées d’extrême droite, ses condamnations pour des propos jugés injurieux. Comment rendre hommage à quelqu’un dont le parcours est si clivant ? C’est là toute la complexité.
Le « Pourquoi Pas » d’un Député Socialiste
Parmi les rares réactions venues de la gauche, celle d’un député socialiste a particulièrement retenu l’attention. Invité à s’exprimer sur une radio nationale, il a regretté la disparition de cette grande figure, soulignant son rôle de symbole de liberté et de passion. Il a même ajouté qu’un hommage national, si décidé par le président, ne poserait pas de problème à ses yeux. « Pourquoi pas », a-t-il lâché.
Brigitte Bardot était une très grande figure, un symbole de liberté, de rébellion, de passion et qui incarnait aussi notre pays à l’étranger.
Cette prise de position n’est pas anodine. Le député a pris soin de préciser que les engagements politiques de l’actrice étaient réprouvés, que ses condamnations étaient connues de tous. Mais il a insisté : il n’y a pas de gêne à reconnaître son talent artistique, son impact culturel. Une nuance qui tente de séparer l’artiste de la citoyenne engagée.
Est-ce réaliste ? Beaucoup en doutent. Dans un pays où la mémoire collective est souvent sélective, rendre hommage à une personnalité aussi polarisante revient à rouvrir de vieilles blessures. Pourtant, ce « pourquoi pas » ouvre une brèche intéressante dans le débat.
La Droite et l’Extrême Droite en Première Ligne
À l’opposé, les hommages venus de la droite n’ont pas traîné. Un responsable politique conservateur a rapidement proposé un hommage national, comparable à celui rendu à un célèbre rocker en 2017. Pour eux, Brigitte Bardot mérite les honneurs pour ce qu’elle a représenté : une France libre, provocante, rayonnante.
On entend des phrases comme « diva rebelle », « ange du cinéma français », « femme qui a osé ». L’extrême droite, elle, va plus loin, célébrant celle qui partageait certaines de leurs idées sur l’immigration, la priorité nationale, les frontières. Brigitte Bardot n’avait jamais caché son admiration pour certaines figures de ce bord politique.
Elle affirmait ne pas être raciste, mais ses mots sur le « vivre ensemble », sur certaines communautés, lui ont valu plusieurs condamnations judiciaires. Des déclarations qui, aujourd’hui encore, font débat. Difficile d’ignorer cette partie de son parcours quand on parle d’hommage officiel.
Les Voix Critiques à Gauche
Mais toutes les réactions à gauche ne vont pas dans le sens de la conciliation. Certaines figures écologistes ou progressistes ont été beaucoup plus tranchantes. L’une d’elles a pointé du doigt ce qu’elle perçoit comme une incohérence : défendre ardemment la cause animale tout en semblant indifférente à d’autres drames humains, comme ceux des migrants en Méditerranée.
Être émue par le sort des dauphins et être indifférente aux morts des personnes migrantes dans la Méditerranée, c’est quel niveau de cynisme ?
Cette critique touche un point sensible. Brigitte Bardot s’était fait connaître pour son militantisme acharné en faveur des animaux, abandonnant même le cinéma pour cette cause. Elle avait fondé une fondation, multiplié les actions coup de poing. Mais ses positions sur l’immigration, sur l’islam, ont souvent été perçues comme incompatibles avec les valeurs de solidarité prônées par la gauche.
Une autre voix, venue du parti communiste, a choisi une tonalité plus poétique, saluant la création cinématographique de « BB » sans entrer dans la polémique politique. Un hommage mesuré, centré sur l’art plutôt que sur l’engagement.
Une Icône du Cinéma Français Incontestable
Revenons un instant à ce qui a fait d’elle une légende. Dans les années 50 et 60, Brigitte Bardot a révolutionné l’image de la femme au cinéma. Avec des films comme Et Dieu… créa la femme ou Le Mépris, elle a incarné une sensualité naturelle, une liberté corporelle qui choquait et fascinait à la fois.
À l’étranger, elle était la France. Les Américains l’appelaient « BB », les Italiens la vénèrent. Elle a vendu des millions de disques, posé pour les plus grands photographes. Son style – chignon décoiffé, eye-liner charbonneux, bikini rayé – est devenu iconique. Même aujourd’hui, des générations de jeunes femmes s’inspirent d’elle sans le savoir.
- Symbole de l’émancipation féminine des Trente Glorieuses
- Actrice ayant tourné avec les plus grands réalisateurs
- Chanteuse à succès avec des tubes intemporels
- Figure de mode influençant encore les tendances
- Ambassadrice involontaire du tourisme à Saint-Tropez
Ces éléments-là, personne ne les conteste. Même ceux qui réprouvent ses idées politiques reconnaissent son impact culturel immense. C’est peut-être là que réside le nœud du problème : peut-on séparer l’œuvre de l’artiste de ses convictions personnelles ?
Le Précédent Johnny Hallyday
Quand on parle d’hommage national, le parallèle avec Johnny Hallyday vient immédiatement à l’esprit. En 2017, le rockeur avait eu droit à un hommage populaire descendant les Champs-Élysées, avec discours présidentiel et église de la Madeleine bondée. À l’époque, cela avait aussi divisé : certains trouvaient cela trop « people », indigne de la République.
Mais Johnny n’avait pas le même bagage politique que Brigitte Bardot. Ses excès étaient personnels, pas idéologiques. Pour elle, la question est plus délicate. Un hommage national impliquerait une forme de validation officielle, ce que beaucoup à gauche refusent catégoriquement.
Et pourtant, d’autres pays rendent hommage à des figures controversées. Pensez à certains écrivains ou peintres dont on célèbre le génie malgré des idées discutables. La France, avec son histoire de panthéonisation sélective, a déjà fait des choix audacieux par le passé.
La Cause Animale, Son Véritable Héritage ?
À partir des années 70, Brigitte Bardot a radicalement changé de vie. Exit les plateaux de cinéma, bonjour les manifestations pour les phoques, les chiens, les chevaux. Elle a vendu ses bijoux pour financer sa fondation, s’est enchaînée à des grilles, a multiplié les coups d’éclat.
Aujourd’hui, beaucoup reconnaissent qu’elle a fait avancer la cause animale en France. Les lois sur l’abattage, sur les expériences en laboratoire, sur le transport des animaux – elle a contribué à les faire évoluer. Des associations continuent son combat, et certains militants la considèrent comme une pionnière.
C’est peut-être cet aspect de son engagement qui pourrait faire consensus. Moins clivant que la politique, plus universel. Un hommage centré sur cette lutte pourrait apaiser les tensions, même si cela reviendrait à minimiser le reste de son parcours.
Saint-Tropez en Deuil, les Fans en Émoi
À Saint-Tropez, où elle vivait recluse à La Madrague, l’émotion est palpable. Des fans se recueillent devant sa propriété, déposent des fleurs, partagent des souvenirs. La ville qu’elle a contribué à rendre mythique pleure sa « madone ».
Des voix locales appellent même à créer un musée dédié à son parcours. Une idée séduisante : un lieu qui raconterait à la fois la star, la militante, la femme complexe. Sans censure, mais avec pédagogie. Cela permettrait peut-être de transmettre son histoire aux nouvelles générations.
Car c’est bien là l’enjeu. Brigitte Bardot n’était pas une figure lisse. Elle a provoqué, choqué, aimé, détesté. Mais elle a marqué l’histoire culturelle française d’une empreinte indélébile. Ignorer cela serait injuste. La célébrer sans nuance le serait tout autant.
Vers une Décision Présidentielle ?
Finalement, tout repose sur une décision de l’Élysée. Le président de la République a le pouvoir d’accorder ou non un hommage national. Vu le contexte politique actuel, tendu, polarisé, le choix s’annonce compliqué.
S’il dit oui, il s’expose à des critiques venues de la gauche et des associations antiracistes. S’il dit non, il risque d’apparaître comme sectaire aux yeux de millions de Français qui voient en Bardot une part de leur jeunesse, de leur identité.
Peut-être qu’une solution intermédiaire émergera. Un hommage discret, culturel, sans dimension politique. Ou alors, le temps fera son œuvre, et la mémoire collective retiendra surtout l’actrice mythique, effaçant peu à peu les controverses.
Une chose est sûre : la disparition de Brigitte Bardot nous oblige à nous interroger sur ce que nous voulons honorer collectivement. Le talent artistique suffit-il ? Les idées personnelles disqualifient-elles tout ? Dans une démocratie mature, ces questions méritent d’être posées sans tabou.
Personnellement, je trouve que l’aspect le plus intéressant reste cette capacité qu’elle a eue à incarner des contradictions. Une femme libre qui défendait parfois des idées restrictives. Une icône progressiste devenue conservatrice. C’est peut-être cela, finalement, qui fait d’elle une figure si française : complexe, passionnée, impossible à ranger dans une case.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Un hommage national, oui ou non ? La discussion est ouverte, et elle promet d’être animée dans les semaines à venir.
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