Vous est-il déjà arrivé de rouler tranquillement et, en quelques secondes à peine, de sentir votre voiture partir toute seule ? Cette sensation glaçante où le volant ne répond plus, où le monde ralentit avant l’impact… Dans la nuit du 22 au 23 novembre 2025, six personnes l’ont vécue pour de vrai sur une petite route de l’Oise. Et parmi elles, deux enfants.
Je ne vous cache pas que, quand j’ai lu les premières informations, j’ai eu un pincement au cœur. Parce que ça aurait pu être n’importe qui. Vous, moi, un proche. Une famille qui rentrait simplement chez elle.
Une nuit d’hiver qui bascule en quelques secondes
Il est un peu après minuit. La neige, annoncée toute la journée, commence enfin à tenir sur la chaussée de la D137 à hauteur de Cambronne-lès-Clermont. Les flocons sont épais, la visibilité chute rapidement. Sur cette départementale à double sens sans séparation, deux voitures vont se croiser… mais pas comme prévu.
Un conducteur décide de dépasser un véhicule qui roulait lentement – probablement par prudence. Sauf que, dans le brouillard de neige, il n’aperçoit pas immédiatement la voiture qui arrive en face. Une famille complète est à bord : papa, maman, et deux petits, 6 et 2 ans.
Le choc est violent. Frontal. Les deux véhicules finissent encastrés, méconnaissables. Les secours parlent d’un de ces accidents où l’on retient son souffle en arrivant sur place.
Six blessés, deux enfants choqués mais vivants
Au total, six personnes sont transportées à l’hôpital. Les deux enfants, âgés de 6 et 2 ans, sont légèrement blessés – un moindre mal quand on voit les images des carcasses. Leurs parents, à l’avant, ont dû être désincarcérés par les sapeurs-pompiers. Quinze hommes, cinq engins, trois ambulances du Samu : l’opération est lourde.
« On a procédé à l’extraction de deux personnes coincées dans leur habitacle », confient les pompiers du département.
Heureusement, à l’heure où j’écris ces lignes, aucun pronostic vital n’est engagé. Mais les séquelles physiques et psychologiques, surtout pour les enfants, peuvent durer longtemps.
La neige, cette tueuse silencieuse qu’on sous-estime encore
Franchement, on nous bassine chaque année avec les mêmes conseils : pneus hiver, vitesse adaptée, distance de sécurité… Et pourtant, dès les premiers flocons, on retrouve les mêmes scènes. Pourquoi ?
Je pense qu’on a tous tendance à se dire « ça va aller, c’est juste un peu de neige ». Sauf que 3 petits millimètres de neige tassée ou une fine pellicule de verglas suffisent à multiplier par six la distance de freinage. Six fois plus loin pour s’arrêter. Faites le calcul à 80 km/h… c’est terrifiant.
- À 50 km/h sur route sèche : environ 13 mètres pour s’arrêter
- Sur neige tassée : jusqu’à 80 mètres
- Sur verglas : parfois plus de 150 mètres
Et quand on ajoute la nuit, la fatigue, l’envie de rentrer vite chez soi, tous les ingrédients du drame sont réunis.
Le dépassement : cette manœuvre qu’on croit toujours maîtriser
Dans cet accident précis, c’est le dépassement qui a tout déclenché. Et là, je vais être cash : sur une route enneigée, à minuit, avec une visibilité réduite, doubler est presque toujours une mauvaise idée.
Pourquoi ? Parce que même si vous voyez le véhicule lent devant vous, vous ne voyez pas forcément celui qui arrive en face. Et sur une départementale à deux voies, il n’y a aucune marge d’erreur.
« La neige réduit drastiquement la visibilité et allonge énormément les distances de freinage. Tout dépassement devient alors extrêmement risqué », expliquent souvent les formateurs en conduite sur route glissante.
J’ai moi-même suivi une formation pilotage sur glace il y a quelques années. La première leçon ? « Sur la glace ou la neige, on ne double pas. Jamais. » Ça marque.
L’équipement hiver : on en est où en 2025 ?
Depuis 2021, la loi Montagne impose les pneus hiver ou les chaînes dans certaines zones du 1er novembre au 31 mars. L’Oise n’en fait pas partie… mais moralement, est-ce une raison pour rouler en pneus été quand il gèle ?
Beaucoup d’automobilistes se disent « je roule peu, ça ira ». Résultat : dès les premiers flocons, les carambolages se multiplient dans les départements plats du nord de la France. Cette année encore, on a vu des images hallucinantes sur l’A1 ou la N2.
Petit rappel technique qui peut sauver des vies :
- Pneus hiver : adhérence jusqu’à +7°C (oui, même sans neige)
- Pneus été sous 7°C : gomme durcie = perte d’adhérence dramatique
- Chaînes ou chaussettes : obligatoires pour grimper, mais peu utiles sur plat si mal posées
Les enfants en voiture : la peur viscérale de tout parent
Ce qui m’a le plus marqué dans cet accident, ce sont les deux petits. 6 ans et 2 ans. Quand je pense à mes propres enfants, je me dis que rien – absolument rien – ne justifie de prendre le moindre risque quand on les transporte.
Ils étaient probablement bien attachés (les blessures restent légères malgré la violence du choc), mais le traumatisme psychologique, lui, est inévitable. Entendre le bruit, voir papa et maman coincés, les gyrophares partout… ça laisse des traces.
Et pourtant, combien de parents roulent encore trop vite, téléphone à la main, ou sans vérifier les conditions météo ? On se croit tous plus forts que les éléments. Jusqu’au jour où…
Que faire concrètement pour éviter le pire ?
Voici ma liste (testée et approuvée) des gestes qui sauvent en hiver :
- Vérifiez la météo la veille et le matin même – pas juste « il neige un peu »
- Partez 30 minutes plus tôt plutôt que de rouler vite
- Réduisez votre vitesse de 20 à 30 % dès qu’il y a des flocons
- Augmentez les distances de sécurité (comptez 10 secondes au lieu de 2)
- Évitez tout dépassement sur routes secondaires
- Gardez une couverture, de l’eau et un chargeur dans le coffre
- Si vous sentez la voiture partir, ne freinez pas brutalement : débrayez et contre-braquez doucement
Ça paraît basique dit comme ça. Mais ces gestes, appliqués à la lettre, sauvent des vies chaque hiver.
Et après ? Les leçons d’un accident
Une enquête est en cours pour déterminer les responsabilités exactes. Vitesse excessive ? Alcool ? Somnolence ? On le saura probablement dans quelques semaines.
Mais au-delà des responsabilités individuelles, cet accident pose une question collective : sommes-nous prêts, en 2025, à affronter des hivers de plus en plus capricieux ? Avec le dérèglement climatique, les épisodes de neige en plaine risquent de devenir plus fréquents et plus imprévisibles.
Il est peut-être temps de rendre les pneus hiver obligatoires partout dès que les températures descendent durablement sous 7°C. Ou au moins de renforcer très fortement les campagnes de prévention.
Parce que derrière chaque fait divers, il y a des familles brisées, des enfants choqués, des vies qui basculent. Et ça, aucune statistique ne pourra jamais le quantifier.
Prenez soin de vous sur la route. Surtout quand le ciel se met à danser en blanc.
